La propension de la coalition Ben Bella-Boumediene à s’emparer du pouvoir –ce processus a commencé bien avant la fin de la guerre –met leurs adversaires politiques devant le fait accompli. Du coup, deux groupes antagonistes se forment. L’un est dirigé par les deux hommes forts du moment, Ben Bella et Boumediene, appelé « groupe de Tlemcen » et l’autre regroupant les deux chefs historiques, Krim Belkacem et Mohammed Boudiaf, appelé « groupe de Tizi Ouzou ».

Bien que ce dernier s’oppose au coup de force du premier, notamment après la proclamation illégale du bureau politique le 22 juillet 1962 à Tlemcen, il n’en reste pas moins que l’épreuve de force risque de prolonger le drame du peuple algérien sans, pour autant, avoir la garantie de parvenir à instaurer la véritable démocratie.

Hélas, les historiens retiennent de cette période–pas tous évidemment –l’affrontement entre ces deux groupes. Car, au même moment, deux grands dirigeants, Sâad Dahlab et Hocine Ait Ahmed, se distinguent par leur refus de participer à la guerre fratricide. Ainsi, au moment où certains dirigeants aiguisent leurs coteaux, ces deux grandes figures du nationalisme algérien se retirent des organismes dirigeants provisoires. D’ailleurs, s’ils sont appelés provisoires, c’est parce que ce mandat n’a pas été entériné par les Algériens.

Toutefois, si Sâad Dahlab démissionne dans le but de « sauvegarder le prestige de la révolution » en se retirant définitivement de la vie politique, il n’en est pas de même du chef charismatique, Hocine Ait Ahmed. Pour ce dernier, la sauvegarde des acquis de la révolution ne peut se concrétiser qu’en exhortant les deux groupes à cesser les hostilités, et ce, afin que les Algériens puissent élire leurs représentants.

En plus, ces combats n’ont aucun sens dans la mesure où quelques jours plus tôt le peuple algérien s’est prononcé pour son autodétermination. Et s’il l’a fait pour déterminer son avenir, pourquoi le groupe de Tlemcen –sous prétexte que son chef contrôle les effectifs militaires –le priverait-il de son droit de choisir librement sers dirigeants ?

Pour Hocine Ait Ahmed, tout mandat qui ne provient pas du peuple est illégal. « La solution doit résider dans un recours au verdict du peuple. Provisoirement, le peuple s’est prononcé, et c’est lui qui a raison, pour le départ de tous les dirigeants », déclare-t-il le 25 juillet 1962, lors d’une conférence de presse annonçant sa démission de tous les organismes dirigeants de la révolution algérienne.  

Hélas, cette voie de sagesse n’a pas été suivie. En voyant les portes du pouvoir grandes ouvertes, certains dirigeants ont oublié les sacrifices du peuple algérien pendant les huit années de guerre sans pitié.

Pour conclure, il va de soi que la légitimité d’un dirigeant est intimement liée au mandat qu’il reçoit de ses concitoyens. À ce titre, le régime algérien, issu du coup de force de l’été 1962, ne peut pas se prévaloir de ce principe. Malheureusement, en 1962, il n’y avait pas beaucoup de sagesse s’associant à celles de Hocine Ait Ahmed et de Sâad Dahlab pour mettre en valeur le processus démocratique. Résultat des courses : 53 ans après l’indépendance, le pouvoir politique échappe carrément au contrôle du peuple.

Boubekeur Aït Benali
25 juillet 2015

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