Si l’on ne s’en tient qu’à la sophistication des instruments d’observation astronomique actuels, en se contentant juste de présenter ses excuses à l’Eglise, Galilée n’aurait aucune chance de s’en sortir à si bon compte et si facilement ; il devrait aussi et surtout s’incliner et s’éclipser devant des millions de maîtres. L’astronomie, cette science physique de l’univers et ses mystères, de l’immensité du néant et l’antimatière, de l’infini et ses paradoxes, et des excursions spatio-temporelles, est la science de l’humilité et de la retenue par excellence.

Humilité, retenue, mesure, et décence doivent particulièrement marquer le profane que je suis, insuffisamment initié, mais me permettant exceptionnellement de réagir avec une opinion circonscrite au seul bon sens, sur le débat d’intérêt général autour des dates religieuses liées à la vision du croissant lunaire. Le bon sens est loin de suffire pour assimiler les fondements d’une science, mais peut toujours déceler des déficits en rationalité, notamment dans des méthodes prétendument déterministes d’une discipline où la liste des sources d’incertitude reste ouverte et non exhaustive, sans doute à jamais. Etant entendu que pour Le Créateur, toutes les sciences, pas seulement l’Astronomie, sont exactes, y compris les théories des variables aléatoires et du chaos.

L’astronomie est aussi la science qui a le plus fasciné et passionné l’homme et continue de susciter son engouement. Cet enthousiasme a permis à des savants autodidactes de contribuer au développement de cette discipline, et les amateurs de l’observation astronomique constituent toujours une main d’œuvre dévouée tout aussi gratuite qu’utile. Il convient de signaler à ce propos que la notion d’amateurisme doit être prudemment appréhendée avec toute son ambigüité civilisationnelle, car après tout ce sont des amateurs antiques et diluviens qui ont construit l’Arche de Noé, alors que des professionnels contemporains ont livré le Titanic.

Populisme scientifique

Il existe hélas un autre genre d’amateurisme scientifique que la crédulité publique et les maladresses complices des autorités et des médias peuvent piéger vers un populisme scientifique, se nourrissant de tout, y compris de l’irrationnel. Et c’est précisément sur la base des conditions propices à l’escroquerie intellectuelle, que Voltaire a situé les débuts de la para-science des étoiles :  » L’astrologie est née quand le premier charlatan a rencontré le premier imbécile. »

Le professeur J. Mimouni a déjà louablement dénoncé le charlatanisme scientifique sévissant en Algérie [1] et j’ai moi-même salué ce courage intellectuel, plutôt rare chez nous [2].

En tant que président de l’association Sirius, Mr Mimouni signe aussi régulièrement des communiqués dénonçant sans complaisance les erreurs sur les rendez-vous religieux liés au croissant lunaire. Toutefois, des détails paraissant juste regrettables au début, ont fini, à force d’être répétés, par devenir agaçants à mes yeux, et pour être franc, semer un peu de suspicion.

Clamer fort et sans retenue, que l’astronomie est « la science la plus précise », et que la vision du croissant lunaire est devenue « hautement déterministe » [3-5], est une démesure scientifiquement déplorable. Quand elle s’adresse régulièrement à un large public crédulement attentif et confiant, de par la nature de cette science, elle se transforme en une imposture intellectuelle préjudiciable ; qui surchauffe d’autant plus les galeries qu’elle émane de scientifiques de renom, et s’appuyant de surcroît sur une posture avantageuse d’opposition à un régime politique impopulaire.

Le second aspect agaçant à mes yeux, et qui risque tout aussi bien d’interagir avec le populisme, concerne le manque de respect à l’égard de la tradition d’observation oculaire du croissant, et particulièrement envers ces « archaïsants » d’arabes.

L’interaction populiste finit souvent par piéger ses promoteurs dans une spirale déviante, tout comme se font piéger des prêcheurs virulents, et tout comme le payent des leaders révolutionnaires qui finissent par faire du chef un tyran dont ils seront les premières victimes.

La nuit du doute ne tient pourtant qu’à des instants

Quand notre Prophète (Prière et Salut sur Lui) trouva un jour ses compagnons en désaccord, polémiquant sur les différentes méthodes de prédiction de la visibilité du croissant lunaire, il trancha sec : « Jeûnez à sa vision, et rompez le jeûne à sa vision. »

La nuit du doute, ainsi décrétée, n’a jamais découragé les musulmans dans la quête du savoir, de la naissance jusqu’à la mort, dans toutes les disciplines, et surtout en astronomie. Vite sortis de l’illettrisme, ils se sont d’abord mis à consommer de la science pour finir ensuite par en produire, et diriger l’humanité durant de longs siècles. L’existence d’une nuit de doute ne contredit nullement les versets relatifs à l’harmonie de l’univers. Elle devrait plutôt être perçue comme la limite supérieure de l’incertitude humaine entourant la visibilité du croissant.

Même si elle mérite tous les égards en tant que tradition prophétique, la vision oculaire n’est toutefois pas un rite fondamental sacré, ce n’est qu’un moyen de vérifier la condition temporelle du rite du Ramadan. Et il n’y a pas de mal à abandonner une modalité traditionnelle visant à s’assurer des conditions d’une prescription religieuse, pour la remplacer par un outil plus fiable. La boussole et le GPS permettent de déterminer plus facilement la direction de la Qibla, et sont unanimement adoptés.

Ecoutons, Al-Birouni, un des nombreux savants et pionniers musulmans, auteur de 146 livres scientifiques dont 95 sur l’astronomie : « La procédure d’estimation de l’apparition du nouveau croissant lunaire, est très difficile et très longue. »

Est-il possible d’affirmer aujourd’hui, dix siècles après, que ces propos ne sont plus d’actualité, que la tâche est devenue triviale et facile grâce à un déterminisme à toute épreuve, et que les croyants peuvent désormais tranquillement apprendre à domicile, sans aucun risque d’erreur, les dates du début et fin du mois de Ramadan ?

Un des savants contemporains, Ilyas [6], regrette que des astronomes musulmans, autoproclamés experts, confondent la précision de la position de la lune avec celle de la visibilité du croissant, et ce risque de confusion est également signalé par l’Observatoire Naval Américain [6,7]. Certains scientifiques ne se contentent pas de tenter de prédire la visibilité, mais utilisent les modèles surtout pour rejeter les témoignages oculaires. Des progrès, tel l’envoi de l’homme sur la Lune, ont été faussement interprétés comme des gages d’infaillibilité des prévisions astronomiques [6].

Des incertitudes cernées plutôt que des certitudes suspectes

Un scientifique, comme tout autre humain, n’aime pas vivre dans l’incertitude, mais hélas mêmes les mathématiques possèdent des branches non-déterministes ; mais c’est en reconnaissant et cernant ces incertitudes qu’on est arrivé à les chiffrer et maitriser. Contrôler l’imprécision entourant des calculs n’est pas toujours possible, mais l’ignorer c’est de l’amateurisme discréditant ; et connaitre mais faire l’impasse sur ces incertitudes, c’est substituer l’amateurisme par la malhonnêteté scientifique, sinon la lui greffer.

Il est tout à fait légitime et même louable de dénoncer le manque de crédit, voire les mascarades, de certains comités officiels censés surveiller le croissant. Il est cependant navrant et consternant de tenter de tourner en dérision les disciples de cette Sounna. Les pays où cette tradition est le plus observée et subventionnée par l’Etat à longueur d’année, sont taxés d’archaïsants.

Il arrive pourtant qu’en Algérie même, ces prévisions soient elles-mêmes régulièrement discordantes et loin d’être consensuelles [6], mais on n’assiste étrangement jamais à des joutes scientifiques contradictoires, directes et tranchantes. Dans certains cas, même la tâche relativement aisée d’interprétation de ces anticipations, n’est pas au-dessus de tout soupçon.

Examen astronomique profane de la visibilité du croissant lunaire

Le système solaire comporte le soleil comme étoile, et plusieurs corps célestes gravitant autour, dont les planètes et leurs satellites (lunes) ainsi que des astéroïdes et des comètes, la découverte future d’autres corps n’étant jamais exclue.

Ces différents objets, notamment les plus importants, sont suivis par des télescopes depuis des siècles. Ces observations expérimentales, de plus en plus sophistiquées et apportant de nouvelles connaissances quasi-quotidiennes, ne peuvent pas prédire les orbites ou diriger un long voyage astral. Une modélisation s’impose, et le modèle le plus complet est celui qui intègre tous ces corps connus en même temps, afin de considérer toutes les interactions. Cette dynamique céleste est fort heureusement suffisamment bien reproduite par la mécanique gravitationnelle de Newton. L’orbite isolée de chaque planète peut être suffisamment simulée en considérant deux objets seulement (Soleil, Planète). L’étude des mouvements de la Lune doit intégrer au moins les trois astres (Soleil, Terre, Lune). Si on veut prédire les éclipses, les dimensions des corps (assumés sphériques) doivent entrer en jeu. Et si en plus ces éclipses ou la visibilité du croissant lunaire doivent être simulées à travers les différentes régions de la planète, il faut alors coller les différents pays et continents sur la surface du globe. Ces études font notamment appel aux techniques d’intégration numérique, à la trigonométrie sphérique et ses différents systèmes de coordonnées, ainsi qu’à l’introduction judicieuse de paramètres numériques permettant d’ajuster les modèles Newtoniens de façon à reproduire au mieux les différentes observations.

Les auteurs de ces logiciels, devant maitriser des connaissances pluridisciplinaires de pointe, cernent mieux que quiconque les différentes sources d’incertitude ainsi que les limites de leurs outils. La précision moyenne sur un cycle annuel est meilleure que pour des durées courtes (jour, mois), car les erreurs fluctuantes s’opposent ; et par ailleurs les distances et vitesses sont loin d’être régulières, notamment pour la Lune, plus sensible aux effets des autres planètes. La durée moyenne d’un mois lunaire de 29.5 jours environ, ne se traduit pas par une régularité alternante, puisque on peut avoir jusqu’à trois jours successifs, voire quatre, soit de 29 ou bien 30 jours [9].

Le cumul des erreurs irrégulières dues aux interactions inconnues ou négligées ainsi que l’effet de l’expansion, limitent la durée de vie d’un logiciel. Ainsi, l’actuel calendrier hégirien Um-AlQura, basé sur un modèle de la NASA, ne sera plus valide après l’année 2200 [10].

Les musulmans s’intéressent plus à la naissance et visibilité du croissant lunaire, et ces dernières peuvent être plus facilement déterminées par l’observation régulière des positions de la Terre et la Lune par rapport au soleil. On se débarrasse ainsi de plusieurs incertitudes inhérentes au modèle général précédent. Peut-on pour autant parler d’infaillibilité alors que tout le monde s’accorde à dire que l’incertitude sur la visibilité est bien plus importante que sur les positions ?

Que ceux qui assimilent les éclipses et la visibilité du croissant se détrompent. Les vitesses relatives sont très différentes, et les quelques instants, pouvant être déterminants pour la visibilité du croissant juste après le coucher du soleil, sont insignifiants pour une éclipse en plein jour.

Le temps de la conjonction Soleil-Terre-Lune peut être déterminé avec précision (même si les rigoureux peuvent signaler que tout appareil de mesure comporte une certaine imprécision, qui paraitra appréciable pour les générations futures, disposant de meilleurs moyens), et la visibilité du nouveau croissant n’est possible que si le soleil se couche avant. Et c’est précisément dans ces conditions que les divergences d’appréciation principales existent.

Peut-on parler d’une prédiction « hautement déterministe » avec la disponibilité de plusieurs critères de visibilité différents [11,12] ? Et où les arabes ne donnent pas l’impression de trainer archaïquement comme les derniers du peloton [13].

Le déterminisme des mathématiques et de la trigonométrie ne peut pas éclipser l’indéterminisme des méthodes empiriques qui s’en servent. Ces critères livrent des contours de visibilité à travers la planète divisée en zones. Est-il à cet effet possible d’éliminer tout doute le long de la ligne de démarcation possible / impossible ?

La zone intitulée « Vision impossible » doit correspondre au cas où la Lune disparait avant ou avec le Soleil, ou que le croissant n’est pas encore né, et les visions rapportées dans ce cas sont rejetables. Les visions d’illusion ont été estimées à 15%, mais demeurent sans doute insuffisamment étudiées. La zone la plus intéressante étrangement dénommée « Vision pas possible » correspond au cas où le croissant est déjà né mais disparait peu de temps après le soleil (10-12 minutes) et serait trigonométriquement invisible. Cette dizaine de minutes et d’autres paramètres sont fixés sur la base d’anciens témoignages, limités en nombre et loin d’être statistiquement irréprochables car ne couvrant pas toutes les conditions possibles (acuité visuelle,  motivation, géographie, altitude, météo, période de l’année…).

Si les détenteurs de ce record minimal n’étaient pas parmi les heureux élus, et qu’ils réalisent leur prouesse quelque part dans un désert arabe la veille du Ramadan, ne seraient-ils pas ainsi recalés par cette technique qui se baserait alors sur une durée supérieure, mais ne perdant pour autant, aux yeux de certains, aucun iota de déterminisme ?

Cette zone ne peut jamais être « déterministe » et peut même être remise en cause [7,13,14]. Elle ne doit en tout cas pas servir comme base de rejet systématique et intransigeant.

La plante euphorisante « Qat » du Yémen à la NASA ?

La référence [14] rapporte le récit de scientifiques musulmans américains qui, après avoir lié les témoignages « rejetables » venant du Yémen, à la plante euphorisante « Qat », et suite à d’autres témoignages signalés en Amérique, décident alors d’accorder du crédit au sujet et finissent par apprendre à travers un savant musulman de la NASA, que cette large zone devrait plutôt s’appeler « Improbable mais pas impossible ». Et c’est précisément dans cette zone que tout le monde arabe se trouvait le Jeudi 16 Juillet 2015 [15]. Alors que le cri de détresse lancé par nos scientifiques offusqués évoque carrément « un croissant inexistant » [3].

Ces méthodes « déterministes », ont par ailleurs été utilisées pour étudier, ou autopsier, notre histoire ramadanesque contemporaine [16], et les résultats ne sont pas surprenants : Les arabes ont souvent raté leurs précieux rendez-vous religieux.

N’est-il pas plus responsable et audacieux d’ajouter les témoignages fiables de croyants sincères et motivés, à cette base de données, et actualiser ainsi régulièrement ces fameuses courbes empiriques de visibilité ? Ces critères et ces méthodes mêmes, ne risquent-ils pas d’être un jour taxés, à leur tour, d’archaïques ?

Revenant à l’astronomie, certains astres, comme la Terre, ne se contentent pas de tourner autour d’eux-mêmes et autour du Soleil, ils subissent aussi des mouvements mystérieux et irréguliers,  n’affectant pas les positions mais désaxant le globe (Chandler wobble) et générant des incertitudes échappant aux modèles de visibilité lunaire. Avec un cycle de 433 jours, cette source d’erreur déphasée et non synchronisée, et les autres, peuvent suggérer, au profane que je suis, de plaider davantage en faveur de l’observation oculaire défaillante à une nuit près, surtout face à une argumentation loin d’être aussi rassurante qu’elle le prétend.

Qui doit-on alors blâmer le plus, un croyant (pouvant être un érudit) qui se goure en prenant une trainée d’avion pour un croissant lunaire, ou bien un scientifique qui passe sous silence, ou carrément ignore, les incertitudes entourant ses prévisions, tout en montrant une assurance aussi hautaine et démesurée qu’injustifiable ?

Alors que des savants non-musulmans découvrent et reconnaissent les vertus scientifiques de l’Islam, y compris les traditions de la Sounna (le meilleur régime consisterait à jeûner trois jours par mois), certains experts musulmans, quant à eux, se basent sur des méthodes perfectibles, pour dire au monde que leur nation attachée à ses traditions se goure régulièrement en suivant le jeûne et en le rompant quand il ne faut pas.

Ces interrogations amères et embarrassantes pour l’auteur même, peuvent en appeler d’autres plus gênantes. Aurait-on par hasard peur, en révisant ces critères, ou juste en interprétant avec moins d’intransigeance les marges d’incertitude, de ne plus disposer de suffisamment de bédouins à croquer chaque Ramadan ? Et de perdre peut-être ainsi une autre visibilité ?

N’était la sacralité du sujet, l’auteur profane, ayant certainement raté des aspects importants, n’aurait jamais pris tant de risques pour s’exposer aux bourdes et retours de manivelle. Mais c’est presque un vœu, et dans ce cas c’est lui-même qui devrait assumer l’embarras et l’effet boomerang mérités ; les scientifiques, pouvant se sentir mis en cause, ne sortiraient alors que plus grandis. Et les excuses, déjà implicites, seraient alors explicitement répétées autant de fois que nécessaire.

Abdelhamid Charif
23 juillet 2015

Références :

[1] http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5197339
[2] http://lequotidienalgerie.org/2014/11/21/dilemme-du-traitement-des-effets-alimentant-les-causes-qui-seme-limmoralite-recolte-double-le-radicalisme-et-la-perversion/
[3] http://lequotidienalgerie.org/2015/07/19/celebrer-laid-sur-la-base-dun-croissant-inexistant-pas-sur-le-dos-des-scientifiques/
[4] http://www.siriusalgeria.net/ram15.htm#01
[5] http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5141890&;archive_date=2010-08-24
[6] http://www.hizbululama.org.uk/files/visibility_models.htm
[7] http://aa.usno.navy.mil/faq/docs/crescent.php
[8] http://forum.setif.info/index.php?topic=12629.0
[9] http://www.moonsighting.com/faq_ms.html
[10] http://www.kamakuraco.com/PressReleaseJanuary272010.aspx
[11] http://www.islamicmoon.com/Moonsighting%20Visibility%20Advice.htm
[12] http://www.icoproject.org/pdf/2006_cri.pdf
[13] http://adsabs.harvard.edu/full/2005Obs…125…25A
[14] mustafaumar.com/…/questioning-visibility-curves-for-the-sighting-of-the-moon/
[15] http://www.icoproject.org/icop/shw36.html
[16] www.icoproject.org/pdf/guessoum_2000.pdf

3 commentaires

  1. Abdelhamid Charif on

    RE: Astronomie et populisme scientifique
    Chers frères du Hoggar, rédacteurs et lecteurs, essalamou alaykoum et bonjour

    Saha Aidkoum et puisse Allah agréer notre jeûne, nos prières et toutes nos dévotions.

    Puisse-t-il aussi nous guider et guider notre pays et toute la nation de l’Islam vers la paix et la sérénité, et nous faire parvenir au prochain Ramadan avec plus de foi et de bonheur.

    Je saisis cette occasion de l’Aid pour demander pardon à tous ceux que j’aurais pu heurter ou fâcher par mes écrits.

    Je m’adresse particulièrement au frère ainé Abdelkader Dehbi, qui me manque, et que je souhaiterais voir se défaire de cette visibilité de croissant qui ne lui sied pas, pour reprendre son rayonnement d’étoile

    Je souhaite également compléter ma contribution en évoquant un point important qu’on peut dénommer « DETERMINISME RELIGIEUX ».

    Imaginons (en les isolant) deux frères jumeaux qui ont toujours vécu ensemble, et que le destin a fini par séparer une fois adultes. Au début du Ramadan, les deux frères surveillent séparément le croissant lunaire, et l’observent et jeûnent à deux dates différentes. Le déterminisme scientifique dit qu’au moins un des deux frères s’est gouré, mais ont-ils pour autant violé les prescriptions religieuses ?
    « Jeûnez à sa vision, et rompez le jeûne à sa vision. »
    Le déterminisme religieux dit qu’il n’y a pas erreur, pour les deux !
    La religion et ses préceptes, ce n’est ni la trigonométrie, ni l’empirisme, ni les savants, ni les amateurs, ni les télescopes rudimentaires, ni Hubble, qui l’ont révélée.
    Si la science révèle des contradictions de fond avec la religion, là d’accord il y’a problème. Si la religion refuse l’assistance de la science, là d’accord il y’a problème.
    Sinon une prescription religieuse assouplissante ne doit pas déranger.
    L’autorisation accordée à un voyageur de faire (et réduire) les prières de Dhor et Asr avant l’entrée du temps normal de cette dernière, n’a à cet effet jamais déclenché de polémique.

    Il est donc SCIENTIFIQUEMENT DOUTEUX ET RELIGIEUSEMENT FAUX, surtout pour un scientifique musulman), de dire au monde que les arabes et les musulmans se gourent souvent (et forcément depuis toujours) sur leurs rendez-vous religieux !

  2. Abdelhamid Charif on

    RE: Astronomie et populisme scientifique
    Je reproduis ci-après l’essentiel du contenu de la référence [14], dont l’auteur, Mustafa Umar, est un informaticien américain.
    Vendredi 27 Juin 2014, nuit du doute de Ramadan. Quand un ami qualifie de bourrés les témoins prétendant avoir vu le croissant au Yémen, je souris en pensant à la plante euphorisante « Qat », d’autant plus que je venais de consulter quatre cartes de visibilité différentes prouvant toutes qu’il était impossible de voir le croissant dans cette partie du globe.
    Des heures plus tard je suis en direct un débat de l’Assemblée des Juristes Musulmans Américains AMJA, devant décider sur ces témoignages. Trois observations oculaires sont alors signalées à Houston suivies d’une autre en Alabama. Je me demande si ces témoins ne sont pas eux aussi accrocs de la plante « Qat », mais à ma grande surprise, après quelques minutes AMJA confirme les témoignages Yémenis et Américains.
    Je téléphone immédiatement au Docteur Ahmed Salama, professeur en Astronomie et consultant à la NASA/JPL. J’interromps son diner, et lui demande :
    Quelle est l’incertitude de ces cartes de visibilité ? Je veux un pourcentage ! 0%, 5%, 20% ?
    Il répond : N’importe où non loin de la zone rouge se trouve une large zone « grise » (incertaine), où si les conditions sont idéales, la visibilité du croissant est improbable mais pas impossible.
    Ces témoignages sont toutefois rejetés par des érudits religieux sur la base des cartes.
    Plus tard la même nuit, deux autres témoignages sont signalés à Tucson et San Diego, et sont aussi rejetés. Je sais que les gens peuvent faire des observations erronées sans être sous l’effet d’aucune substance. Mais et si jamais une de ces observations se trouve dans la zone grise décrite par Dr Ahmed ? Je décide de pousser plus loin. Je téléphone à Mateen Khan, 39 ans, qui prétend avoir vu le croissant à San Diego. Voici son récit :
    « Je pars avec ma femme et mes enfants pour l’observation du croissant en dépit des doutes sérieux que nous avons. Nous nous dirigeons vers le mont Laguna où se trouve l’observatoire d’Etat de l’Université San Diego. Nous choisissons un lieu à 1220 m d’altitude et à 8:02 pm commence notre observation. Après une minute, nous voyons quelque chose et nous pensons alors qu’il s’agit de résidus d’une trainée d’avion. L’objet continue d’apparaitre. J’utilise les jumelles de mon fils et c’est clairement un croissant lunaire. Nous l’observons entre 8:03 et 8:11 pm. Je prends une photo avec mon téléphone mais la qualité de la caméra ne permet pas de capturer le croissant. Nous suivons son mouvement de coucher et à 8:12, il disparait. Sur le point de rentrer, nous remarquons un homme, non musulman, avec un télescope. Je lui demande s’il avait vu quelque chose. Vous voulez dire la lune, répond-il ? Oui, je l’ai clairement vue. Il ajoute qu’il est amateur et qu’il vient régulièrement observer le ciel. Il affirme qu’il s’agit bel et bien du croissant lunaire et qu’il est très rare de l’observer dans un jour pareil. Je décide alors de rapporter mon observation. »
    A suivre.

  3. Abdelhamid Charif on

    RE: Astronomie et populisme scientifique
    Suite :
    En dépit de ce récit détaillé de Mateen, son témoignage est aussi rejeté. J’appelle Dr Ahmed et lui raconte cette histoire. Il me rappelle quelques jours après pour m’annoncer que sur la base des données de ce témoignage, et en tant qu’expert en astronomie, il ne pouvait pas rejeter cette observation. Je ne le lâche pas : Quel alors est l’intérêt de ces cartes si elles ne sont pas exactes ?
    Sa réponse résumée : Ces cartes ne sont pas déterministes mais doivent être utilisées comme un indicateur de la location usuelle de la visibilité du croissant. Seule la position de la Lune par rapport au Soleil et la Terre est déterministe. Ces cartes ont été établies sur la base de témoignages d’astronomes amateurs qui affirment avoir vu ou non la lune dans certaines conditions. Si on double ou triple le nombre de témoignages, ces cartes pourraient changer considérablement. La visibilité initiale du croissant a toujours été problématique et dépend de plusieurs facteurs environnementaux, y compris la distorsion de la lumière par l’atmosphère terrestre. L’existence de la zone grise est par ailleurs confirmée par l’Observatoire Naval Américain. Il convient enfin de signaler que le Yémen et l’Amérique n’étaient pas dans la zone rouge mais dans la zone « Vision pas possible ». Cela ne mettra sans doute pas un terme aux divergences sur la visibilité, mais il s’agit d’une invitation à ne plus faire des allégations prévisionnistes prétendument exactes à 100%. La vision oculaire de Mateen, ou de quelqu’un d’autre, ne peut pas être confirmée avec certitude, mais il serait injuste de dire que ces témoins sont bercés d’illusions ou bourrés.
    Fin du récit de Mustafa.
    Je termine en retenant qu’en dépit de l’insistance de son ami Mustafa, Dr Ahmed ne s’est pas aventuré à chiffrer l’incertitude dont il ne cerne pas tous les contours, et que j’aurais comme lui accepté ce témoignage de Mateen.
    Les témoins « frères arabes » – que la gêne de certains habille désormais de guillemets – ne sont ni « archaïsants » ni moins dotés de raison et de sagesse que Mateen, et sont même mieux équipés avec des télescopes mobiles modernes, et mieux habitués à cette pratique. Mais hélas l’anti-arabisme aveugle, rampant, et ratissant large au-delà du berbérisme radical, fait désormais des ravages populistes au sein des élites en pannes de souffre-douleurs. Même si on doit rejeter des observations, on ne doit surtout pas entamer l’intégrité morale du témoin, mais juste émettre des réserves sur sa capacité à discerner ce qu’il a vu.

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