À la suite de la rencontre élyséenne du 10 juin 1960, entre le chef de la wilaya IV historique et le général de Gaulle, le président français se résout enfin à négocier avec le seul représentant du peuple algérien en lute, le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne). Et pour cause ! Bien que ses hôtes veuillent mettre fin à la lutte armée, ils n’envisagent pas d’accord politique sans l’aval du GPRA ou sans l’avis favorable des chefs historiques emprisonnés à la Santé. D’après Gilbert Meynier, c’est cette attitude des maquisards de l’Algérois qui convainc définitivement le général de Gaulle « sur la réalité du leadership du Front : c’était bien le GPRA qui était maître du jeu ».

En tout cas, c’est dans ce climat de décantation concernant la représentativité du GPRA que s’ouvrent les premières négociations directes entre les représentants algériens et leurs homologues français, à Melun, du 26 au 29 juin 1960. Cela dit, les positions sont tellement éloignées que la délégation algérienne, représentée par Ahmed Boumendjel et Mohammed-Seddik Benyahia, met fin à la rencontre. Car malgré l’évolution du discours du général de Gaulle, ses représentants en sont toujours à l’offre de « la paix des braves ».

Pour rappel, cette proposition a été faite deux ans plus tôt par le général de Gaulle invitant les combattants du FLN à rendre les armes. Dans la réalité, même si le discours a évolué, il n’en est pas de même des intentions. « Le général de Gaulle n’avait jamais promis de négocier autre chose que la fin des combats », écrit Matthew Connelly, dans « l’arme secrète du FLN : comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie. »

Quoi qu’il en soit, bien que les deux parties fassent preuve de vouloir conclure un accord de paix, les conditions –et c’est le moins que l’on puisse dire –ne s’y prêtent pas. Entre le préalable de l’indépendance avancé par le GPRA et l’exigence française d’un cessez-le-feu suivi de l’élection des représentants algériens avec lesquels la France voudrait négocier, l’écart est insurmontable. Mais, pour prouver leur bonne foi, aucune partie ne pouvait refuser le principe des rencontres bilatérales.

Du coup, chaque délégation cherche à piéger son homologue. « [Roger] Moris fut frappé par l’intérêt de ses interlocuteurs pour une éventuelle rencontre entre [Ferhat] Abbas et de Gaulle comme reconnaissance implicite du GPRA qu’il exploiterait sur le plan diplomatique », argue Matthew Connelly. De son côté, les délégués français annoncent à la presse que la présence des délégués algériens est synonyme de leur acceptation du plan préconisé par l’Élysée.

Dans le fond, cette façon « peu orthodoxe » de mener la négociation montre bien qu’aucune délégation n’a les coudées franches. En effet, le général de Gaulle est contraint de composer avec la coalition ultras-militaires de carrière et le GPRA vient à peine de sortir d’une crise qui l’a paralysé durant six mois. Tout compte fait, si le général de Gaulle a réussi à vaincre ses opposants en recourant aux référendums populaires de janvier 1961 et avril 1962, le GPRA, quant à lui, perd de plus en plus de pouvoir au profit de l’EMG (état-major général), dirigé par Houari Boumediene. Et s’il est autorisé à mener les négociations, c’est parce que ses opposants, à en croire Gilbert Meynier, sont incapables de mener une telle mission.

Pour conclure, il va de soi que cette première rencontre officielle ne pouvait pas donner lieu à des accords politiques dans la mesure où les positions des uns et des autres étaient inconciliables. Toutefois, malgré le chantage interne, le GPRA parvient à engranger des points sur la scène internationale. D’ailleurs, la victoire militaire étant une chimère, chaque soutien international à l’action du GPRA le rapproche de la victoire sur le système colonial. Hélas, cette victoire ne va pas profiter au peuple algérien, car, à la même période, l’EMG prépare déjà son plan consistant à se substituer au système vaincu.

Boubekeur Aït Benali
28 juin 2015

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