« Pour toutes ces raisons, notre cheminement va continuer à diverger avec celui du pouvoir dans ses deux déclinaisons : celle qui s’exprime à l’intérieur du cadre institutionnel et celle qui attaque ce cadre sitôt qu’elle en est exclue », extrait du message de Hocine Ait Ahmed du 2 mars 2012.

Malgré un constat sans concession, qui nous rappelle les bons moments de lutte du FFS, la dernière déclaration du conseil national du 23 mai 2015 nous laisse pantois. En effet, entre un discours offensif à l’égard du régime, qui fait tout pour court-circuiter la dynamique visant à créer le consensus national, et les intentions de la direction en vue de poursuivre les mêmes efforts envers le pouvoir, l’écart est abyssal.

De toute évidence, bien que les vertus du dialogue fassent partie de la culture politique du FFS, la direction du parti ne doit pas non plus sacrifier ses principes, lesquels ont forgé l’identité du parti dans les années de plomb. D’ailleurs, du temps où Hocine Ait Ahmed était à la tête du parti, qui aurait imaginé une seconde que le chef historique insiste autant pour que les responsables de la crise acceptent son invitation ? En plus, au moment où le pays vivait sa plus grave crise existentielle –le putsch des généraux a replongé le pays à son point de départ –, Hocine Ait Ahmed a refusé, au nom de l’éthique démocratique, de prendre la tête du HCE.

Est-ce que la crise actuelle est plus grave que celle des années 1990 pour que le parti agisse de la sorte ? Ou bien s’agit-il d’un changement de cap ? Car, dans les années 1990, bien que le FFS se soit investi sans jamais compter ses efforts, le chef charismatique du FFS n’a jamais fait de la participation du pouvoir à la conférence de Sant Egidio un préalable à sa tenue. Ainsi, au pouvoir s’entêtant à nier la crise politique, les représentants de l’opposition ont montré à l’opinion mondiale que les blocages émanaient du pouvoir. D’ailleurs, n’est-ce pas là le premier rôle de l’opposition ?

Du coup, en l’espace de vingt ans, qu’a-t-il changé dans la méthode d’approche de ce grand parti ? Bien qu’il reste critique envers le régime, lequel cherchant à perpétuer le statu quo mortifère, le changement réside dans la façon de concevoir le plan de sortie de crise. Or, si la première série de contacts avec les partis du pouvoir, entamée, rappelons-nous, en novembre dernier, peut se justifier par le caractère inclusif de la conférence, ces mêmes contacts ne peuvent plus se poursuivre de la même manière après le refus des partis satellitaires du pouvoir à prendre part à ce rendez-vous.  

De la même façon, s’il est normal que les militants et les sympathisants continuent à soutenir l’initiative du parti, il est politiquement incorrect d’assimiler la mobilisation du 18 avril à une adhésion citoyenne. À moins que celle-ci se manifeste en catimini, il est difficile de parler de l’engouement général. Or, pour que les citoyens adhèrent à une démarche, il faudrait que le parti  aille à leur rencontre. Cela dit, est-ce que le pouvoir va tolérer l’organisation des meetings et des manifestations de rue dans les quatre coins du pays ? Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la façon dont le régime tient à prolonger le statu quo nous renseigne sur sa détermination à barrer la route aux partisans du changement.  

Pour conclure, il va de soi que les intentions de la direction du parti sont louables. Toutefois, s’il y avait eu la moindre intention du régime de participer à la conférence nationale de consensus, qui n’a rien au demeurant de révolutionnaire –dans la mesure où le FFS ne cherche pas à renverser le régime –, il l’aurait fait, au du moins manifesté son intérêt, depuis novembre 2014, lors du lancement de l’initiative. Aujourd’hui, le constat d’un possible consensus national, regroupant le pouvoir, l’opposition et la société civile, relève du miracle. Du coup, qu’on le veuille ou non, le changement se fera, dans le premier temps, sans le pouvoir.

Boubekeur Ait Benali
29 mai 2015

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