Le pouvoir algérien a une conception réductrice, voire bizarre, du libre débat. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que celui-ci, pour nos chefs, ne peut pas être contradictoire. En outre, au fil des années, si la nature dictatoriale n’est plus à démontrer, force est de reconnaître que le puzzle sur les affaires de corruption commence à prendre nettement sa forme. En fait, s’il faut encore des preuves, l’apparition du livre, « Paris-Alger : une histoire passionnelle », met uniment à nu un régime, dont les titulaires des postes clés abusent de leur statut pour amasser des fortunes.

En tout cas, bien qu’il n’y ait aucune preuve palpable incriminant les auteurs de détournements –il faut reconnaître aussi que la justice algérienne n’est pas conçue pour parer à ce genre d’abus –, la façon dont ils ont agi, pour censurer l’émission satirique sur El Djazairia, montre qu’ils ont quelque chose à se reprocher. Et en l’état actuel des choses, cela suffit à conclure que l’accusation est bien fondée.

Et pourtant, le chroniqueur ne fait que reprendre les révélations contenues dans le livre rédigé par Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet. Alors que dans les pays libres, les ministres –pour des affaires moins graves que ça –démissionnent pour mieux se défendre, en Algérie, nos dirigeants interdisent que des Algériens fourrent leurs nez dans leurs affaires. Ainsi, pour avoir cité la fille du premier ministre, Abdelmalek Sellal, ce dernier aurait appelé le directeur de la chaîne El Djazairia pour le réprimander.

Plus grave encore, à travers leur organe de régulation –à vrai dire, un instrument qui empêche toute éclosion de la vérité –, ils ressortent leur rengaine d’atteinte aux symboles de l’État. Or, si la justice était libre, elle se saisirait automatiquement du dossier. Hélas, il n’y a qu’en Algérie –et dans les pays semblables –où la justice s’efface devant les hommes puissants. Rappelons-nous de l’affaire Cahuzac en France. Celui-ci a juste placé son propre argent dans une banque suisse et il ne l’a pas déclaré au fisc. Résultat des courses : le ministre est quasiment traîné dans la boue.

Peut-on voir un tel scénario en Algérie ? Dans l’immédiat, il est peu probable que cela se produise. Pour être sympathique, on peut dire que notre peuple se comporte, dans pareil cas, comme une autruche, et ce, pour ne pas dire qu’il est loin de correspondre à la définition d’un peuple responsable. Car, s’il est la hauteur des événements, il ne se laissera pas voler ses richesses sans réagir. D’ailleurs, s’il veut être respecté un jour par ceux-là mêmes qui le gouvernent, il devra prouver sa volonté de contrôler son destin. Mais, pour combler ce retard, il faudra qu’il se mette dès à présent au travail de militance.

Boubekeur Ait Benali
28 avril 2015

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