À chaque sortie médiatique d’Ali Yahia Abdenour, le doyen des militants politiques algériens s’en prend machinalement au FFS. Ces derniers temps, dès que son nom apparait dans la presse, on se demande juste s’il entame sa critique au début, au milieu ou à la fin de sa contribution. À ce titre, la dernière en date, publiée par le journal El Watan, intitulée « le pouvoir en phase terminale prépare sa succession », ne déroge pas à la règle. Cela dit, dans cette longue contribution, j’ai personnellement du mal à comprendre son jugement quant à la coresponsabilité du pouvoir et du FFS dans la crise que vit le pays.

De toute évidence, bien que son rapprochement avec le RCD soit un secret de polichinelle, il ne doit pas ressusciter tous les différends. Hélas, Ali Yahia Abdenour agit comme un converti en religion qui essaie de faire plus que les pratiquants. Toutefois, dans la première partie de sa contribution, son analyse peut-être partagée plus par le FFS que par le RCD. En effet, le système politique –qui a privé le peuple algérien de choisir librement ses représentants, en 1991, en recourant au coup d’État –est illégitime, pour reprendre son expression, depuis sa formation. Et jusqu’à preuve du contraire, le RCD considère les auteurs du coup d’État comme des sauveteurs de la République. Sur ce point crucial, les nouveaux alliés seraient en désaccord. À moins que l’une des parties abandonne ses principes.

Cependant, par un exercice de gymnaste, dont lui seul a le secret, Ali Yahia Abdenour impute l’échec de la nation au pouvoir, auquel il associe injustement le FFS. « Le FFS veut être après avoir été », écrit-il. Et pourtant, si on doit désigner les responsables de la crise, on doit commencer par ceux qui ont assumé des responsabilités au sein du régime. Ainsi, avant d’accabler le FFS, il faudrait qu’Ali Yahia Abdenour fasse son mea culpa pour avoir servi le régime de Boumediene. Malheureusement, cette qualité est une denrée rare en Algérie. Pour lui, l’urgence est de saborder l’initiative du FFS en essayant, autant que faire se peut, de le discréditer auprès de l’opinion.

Ainsi, bien que tous les responsables du FFS claironnent qu’aucune alliance n’est envisageable avec le pouvoir, Ali Yahia Abdenour veut la créer vaille que vaille. De la même manière, malgré les explications de Hocine Ait Ahmed sur le sens de la participation tactique aux élections de mai 2012, Ali Yahia Abdenour l’assimile à « de l’amateurisme politique », voire un alignement sur la politique du pouvoir. Pour rafraichir la mémoire des amnésiques, le choix du FFS, en 2012, a été dicté par le contexte des révoltes nord-africaines. Et si Hocine Ait Ahmed n’a pas souhaité l’affrontement, c’est parce qu’il considérait que le régime était violent. Et si jamais il y avait une tentative de le renverser, il ferait un second bain de sang.

Pour lui, « si les mobilisations populaires tunisiennes et égyptiennes nous rappellent dans leurs prémices les « printemps démocratiques » (89-91), le scandaleux bain de sang déclenché par El Gueddafi rappelle quant à lui la furie éradicatrice des années 90 qui a déchainé –à l’intérieur et à l’extérieur des institutions –des Algériens contre d’autres Algériens durant toute une décennie.» Par conséquent, si le changement devait intervenir à la façon libyenne, l’Algérie serait perdante sur tous les plans. D’où le choix du dialogue sans exclusive. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce choix exclut tout recours à la force, y compris celui qui consiste à demander à l’armée de perpétrer un coup d’État.

Finalement, bien que le FFS ait surement des défauts, il ne va pas jusqu’à faire du coup d’État un moyen d’imposer le changement. D’ailleurs, sur ce sujet, Ali Yahia Abdenour devrait logiquement avoir de la gêne. Car, il existe encore parmi les militaires ceux qui sont intervenus dans l’arrêt du processus électoral en 1992. Comment peut-il défendre Abassi Madani et Ali Belhadj contre le régime issu du coup d’État et demander, quelques années plus tard, aux mêmes militaires d’en faire un autre coup d’État contre Bouteflika ? D’où la conclusion suivante : quel que soit le défaut du FFS, il ne défend pas une chose et son contraire.     

Boubekeur Ait Benali
22 février 2015

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