Il ne suffit pas d’être agressif pour avoir forcément raison. Dans sa réponse du 12 février 2015, Lahouari Addi donne une véritable leçon à son contradicteur. Mais, comment est née cette polémique ? Dans une conférence, tenue dans la wilaya de Bejaia, Said Sadi a déclaré que Messali, Ben Bella et Kafi étaient des traitres. Dans la foulée, la justice –actionnée, parait-il, par la présidence –ouvre une information judiciaire contre Said Sadi. Et pourtant, l’un des premiers à s’élever contre cette décision de justice, c’est Lahourai Addi. « Said Sadi a le droit d’exprimer son opinion sur des personnalités qui appartiennent au domaine public et la mémoire collective », argue-t-il.

Hélas, pour Said Sadi, malgré ce soutien, certaines réserves de Lahouari Addi sont interprétées comme des offenses. Il faut dire que l’ancien président du RCD n’admet pas le débat contradictoire ni n’accepte d’être remis en cause. Du coup, sa réponse tombe tel un couperet. Dans une tribune du 4 février 2015, il accuse le sociologue oranais de régionaliste et d’appartenance au clan de Bouteflika. Or, pour les observateurs de la scène politique nationale, cette accusation est infondée. Car, au moment où la parole se faisait rare en Algérie, Lahouari Addi n’hésitait pas à dire le mal qu’il pensait du régime.

En tout cas, bien qu’il ne soit pas un homme politique, ces interventions dans les divers débats sur les questions nationales le placent dans le camp de l’opposition. Et quand Said Sadi insinue qu’il fait partie « du réseau qui soutient le régime de Bouteflika par affinités régionalistes », on ne peut que constater le manque de sérieux de Said Sadi dans ses jugements. Pour que les lecteurs de la presse algérienne ne soient pas induits en erreur, Lahouari Addi réplique en écrivant : « Me concernant, je ne rappellerai pas aux lecteurs ma polémique avec Daho Ould Kablia [un des piliers du régime de Bouteflika] par le soir d’Algérie du 24 juillet 2008, ni que je n’ai jamais fait campagne pour A. Bouteflika comme l’a fait Said Sadi. »

Cependant, si cette polémique a lieu, force est d’admettre que le régime l’a voulue. « Said Sadi ne pouvait espérer mieux pour faire son retour sur la scène médiatique que cette étonnante décision du parquet de s’autosaisir pour lancer l’information judiciaire contre lui pour diffamation. Cette décision est politique », écrit, pour sa part, K. Selim du Quotidien d’Oran. Alors que le régime abuse de ce genre de qualificatif, il reproche à Said Sadi d’en user à son tour. Mais, la question qui se pose est de savoir si le langage injurieux est productif en termes de production scientifique ? Pour les historiens ou les sociologues, dont l’éthique scientifique l’emporte sur les règlements de compte, cela n’apporte rien et surtout ne permet pas d’avancer le débat.   

En effet, le fait de diaboliser les anciens dirigeants du mouvement national, en utilisant des termes injurieux, cela discrédite, avant tout, son auteur. D’ailleurs, ne doit-on pas que l’invective ne déshonore que son auteur. En revanche, toute critique objective contribue surement à faire jaillir la vérité. Force est de reconnaître que Said Sadi –pour avoir assisté à deux de ses conférences  en 2010 et 2014 –est incapable d’aligner deux phrases sans qu’il s’attaque à ses adversaires. Or, pour Lahouari Addi, il existe des limites à ne pas franchir. «En tant qu’universitaire, spécialisé en sociologie politique, j’ai mené des travaux critiques, notamment l’impasse du populisme paru à Alger en 1990, sans concession sur le nationalisme algérien et sur le régime qui en est issu en 1962. Certains trouvaient que j’étais dur dans mes analyses sur le « système Boussouf », matrice de ce régime qui, même en chaise roulante, ne veut pas opérer la transition vers l’État de droit. Mais, je n’ai jamais considéré Boussouf, Ben Bella ou Boumediene comme des traîtres », écrit Lahouari Addi.

Pour conclure, il va de soi que les Algériens doivent débattre sans tabou. Néanmoins, que ce soit sur l’histoire ou sur la politique, ce débat doit être serein. Le premier qui donne l’exemple dans ce domaine, c’est indubitablement Lahouari Addi. Pour ceux qui sont à la quête de la vérité, sa méthode est la mieux indiquée. Cela dit, ceux qui veulent nourrir l’esprit régionaliste sont tout autant libres de penser le contraire. Mais, qu’ils ne viennent pas nous  donner des leçons sur le patriotisme orienté et étriqué.  

Boubekeur Ait Benali
20 février 2015

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