1. Une guerre. Jean-François Kahn, sur RTL en fin d’après-midi du 7 janvier évoque le chant des partisans et tient les caricaturistes de Charlie Hebdo pour des soldats martyrs, héros de guerre.

« JFK » n’a pas tort.

Il s’agit bien d’une guerre à laquelle participent ces machines informationnelles où grouillent les soldats de la plume. C’est au nom de cet autre territoire de la guerre auquel ont pris part des écrivains comme Brasillach que ce dernier fut exécuté en 1945.

Les guerres sont aussi des guerres des mots et des guerres des images. Avec des professionnels qui tirent et tuent aussi bien que les autre troufions.

On ne peut manipuler ces armes impunément, sans risque. On ne peut en user et s’abriter innocemment derrière la commode « liberté d’expression ».

Les caricaturistes de Charlie Hebdo – peut-être naïfs ou inconscients, confortablement adossés au mur factice et illusoire des frontières – n’ont peut-être pas mesuré la dangerosité des batailles auxquelles ils participaient.

Ils ont été brutalement confrontés aux conséquences de leurs actes.

2. La liberté embastillée. Obama, Cameron, Poutine, Merkel… et tout ce que le monde compte de puissants se sont tous levés la main sur le cœur, la larme à l’œil, pour partager le deuil et apporter leur soutien. Dans l’histoire il est rare que la liberté d’expression aient été placée sous la protection des flics, des goupillons, de tout ce que la planète compte de canonnières, de fortins et de boutefeux qui mettent le monde sens dessus dessous.

La liberté est toujours suspecte lorsqu’elle est aussi universellement et unanimement protégée.

3. Le totalitarisme médiatique. L’amnésie mode d’emploi. Pendant que la compassion sirupeuse dégouline de tous côtés et mobilise les consciences, pendant que les médias affectés s’en donnent à cœur joie, accumulant les points d’indice, pendant que dans les coulisses les machines politiciennes calculent les coups suivants et computent le parti à prendre de ce drame, essaient de freiner des quatre fers pour ne pas permettre à ce que l’Élisée et à Matignon ne se sortent à bon compte de l’impasse électorale dans laquelle ils se trouvaient…

Plus personne ne parle :

– du chômage record qui étouffe les jeunes
– des déficits budgétaires
– du déficit commercial
– de l’endettement public et privé
– de l’absence d’investissement
– de la perte des parts de marché
– de la disparition de la langue et de la culture française dans le monde
– de la faillite des systèmes collectifs : l’éducation, la santé, les transports, l’innovation…
– de la crise en Grèce, en Espagne, au Portugal…
– de la guerre faite à l’Afghanistan, à l’Irak, à la Syrie, à la Libye…
– des Ghazaouis, après les bombes, sous la neige et le frimas
– du grignotage des territoires palestiniens par une horde de parasites mondialement soutenus par des armadas « civilisées » dotées d’armes de destruction massive.
– de la guerre à la Russie, via les fantoches ukrainiens qui s’inquiètent de ce qu’on ne parle plus d’eux…

Mais que tout ce beau monde se rassure : l’oubli et l’amnésie est le péché mignon du système. Aujourd’hui, tous pleurant avec eux, demain comme un seul homme le système politico-médiatique se tournera (ou se retournera) sans aucun état d’âme, vers un autre événement et tout se passera comme si Charlie Hebdo n’aura jamais existé.

4. A toute chose malheur est bon. Il n’y a pas que le quinquennat de Hollande que cet attentat va peut-être sauver. Charlie Hebdo était une entreprise en faillite. Ses propriétaires vont peut-être maintenant pouvoir le fourguer dans de bonnes conditions. Pendant que le feu, les larmes et les émotions… occupent le bon peuple, le capital ne fait de sentiment et les affaires continuent…

5. 11 septembre : bis repetita placent sed perseverare diabolicum. Les philosophes d’aujourd’hui, c’est un peu comme les ménestrels et les baladins du temps jadis. Ils amusent aussi la galerie. Le problème est qu’ils se paient de mots. Le drôle qui a lancé l’idée que l’attaque de Charlie Hebdo est en quelque sorte le « 11 septembre » de la France récidive et oublie qu’au lendemain des Twin Tower, l’Amérique a organisée une des plus grandes supercheries de l’histoire en attaquant, en toute illégalité (Chirac et Villepin l’ont hautement proclamés en février 2003), un pays souverain faisant au passage des centaines de milliers de victimes, déstabilisant toute la région et on en mesure tous les jours les conséquences catastrophiques…

Est-ce à cela que les Français devront se préparer ?

Les auteurs de ce drame semblent être Français. Nous ne saurons conseiller aux Français de réfléchir aux causes de cette tragédie pour sagement se prémunir contre elles au lieu d’ouvrir de nouveaux fronts qui n’ont rien à voir avec leurs problèmes et d’écouter des sorciers de mauvaises augures qui veulent les entraîner dans des aventures où la France ne trouvera ni gloire ni solutions à ses problèmes.

Djeha,
8 janvier 2015

PS: J’ai observé que depuis l’élection du dernier président tunisien -alors qu’elle les reprenait jusque-là avec bienveillance (pour ne pas dire plus) la presse tunisienne rejette les billets d’humeur de Djeha. Là aussi la liberté retrouve ses limites… et les révolutions apprennent à se considérer comme toujours… provisoires. C’est ainsi.

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