Le mercredi 31 décembre 2014, Béji Caid Essebsi (BCE) va prêter serment. De façon générale, si son élection constitue une avancée, dans la mesure où elle fin à une période de transition, il n’en demeure pas moins que la victoire de BCE ouvre les portes grandes ouvertes aux anciens dirigeants, chassés du pouvoir, rappelons-nous, en janvier 2011. Cela dit, pour reprendre l’expression de BCE, il est tout à fait normal que ces derniers soient associés au processus démocratique dès lors qu’ils jouissent de leurs droits civiques. Mais, là où le bât blesse, c’est que BCE ne prône pas la même ouverture à l’égard de toutes les Tunisiennes et de tous les Tunisiens. D’ailleurs, n’a-t-il pas traité, lors de la campagne électorale entre les deux tours, les électeurs de Moncef Marzouki de « terroristes » ? Comme au temps du RCD, la chasse aux opposants risquerait de reprendre de plus belle.

Quoi qu’il en soit, bien que ces inquiétudes ne surviennent pas ex nihilo, le nouveau président ne peut pas être jugé sur des déclarations. À partir de mercredi, chaque décision politique sera scrutée et comparée au bilan de son prédécesseur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en ce qui concerne le respect des libertés, Moncef Marzouki a placé la barre très haut. Il en fut de même du parti majoritaire à l’Assemblée précédente, en l’occurrence ENNAHDA. Plaçant l’intérêt de la Tunisie au dessus de toute considération, ce parti s’est effacé pour laisser place à un gouvernement d’union nationale. Et c’est ce gouvernement qui a mené le bateau Tunisie à bon port. Cette mission est enfin couronnée par l’attitude républicaine de Moncef Marzouki en félicitant son rival du second tour de sa victoire. Aurait-il la même attitude si la victoire revenait à Moncef Marzouki ? Ce n’est pas sur. Car, entre les deux tours, BCE a refusé un débat républicain avec son rival. Et quand on est démocrate, on ne refuse pas normalement le débat.

Tout compte fait, malgré les insuffisances dans tel ou tel domaine, l’équipe qui géré la période de transition a réussi sa mission. Peut-être pas celle d’offrir le plein emploi ou de réduire les difficultés que rencontrent les Tunisiens –dans les périodes de transition, les résultats ne suivent pas tout de suite. En Allemagne, Angela Merkel arrive au pouvoir en bénéficiant des réformes mises en place par son prédécesseur –, mais il s’agit de la mission démocratique. Car, au XXIe siècle, les peuples maghrébins en général n’ont pas seulement besoin de se nourrir et de se soigner, comme dirait Jacques Chirac, mais ont le droit de participer à la vie politique de leur pays. Et c’est tant mieux si les voisins tunisiens réussissent les premiers. Pour autant, ils ne doivent pas baisser la garde. Car, le premier enseignement de l’élection présidentielle est incontestablement son taux élevé d’abstention. « Un seul bémol : le taux de participation est faible, surtout chez les jeunes, atteignant péniblement 60% des inscrits pour ce second tour. En tenant compte de tous ceux qui ne figurent pas sur les listes électorales, à peine 40% de la population en âge de voter a pris part au processus », commente le journal « Libération ».

En somme, quel que soit le caractère du vote du 21 décembre 2014, il va de soi que le processus démocratique a fait un grand pas en Tunisie. Sa réussite est à mettre sur le compte de ceux qui ont mené à bien leur mission de 2011 à 2014. Désormais, une nouvelle page s’ouvre en Tunisie. Pour que celle-ci s’inscrive dans la poursuite du processus démocratique, il faudra que la population tunisienne soit vigilante. Et c’est cette vigilance qui empêchera le retour à l’ancien système. Enfin, c’est sur ce point uniquement que se situe les sources d’inquiétude.

Boubekeur Ait Benali
29 décembre 2014

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