« Nous avons non seulement le devoir de les rappeler (les rêves, les valeurs et les principes qui ont conduit à la proclamation du GPRA) –afin que nul n’oublie, mais nous avons aussi le devoir de les confronter aux réalités d’aujourd’hui », extrait de la contribution de Hocine Ait Ahmed à l’occasion du cinquantième anniversaire de la création du GPRA.

De toute évidence, le devoir aujourd’hui est de soustraire le pays de l’influence de ceux qui l’ont pris en otage depuis 1962. En effet, le coup de force de l’été 1962 a transformé la victoire du peuple algérien sur le colonialisme en défaite. Et pour cause ! A peine le pays est libéré de la sujétion, voilà qu’un groupe de dirigeants, dont les têtes d’affiche sont Ben Bella et Boumediene, remet en cause tout bonnement le principe et le droit de vivre sans carcan. Du coup, à chaque célébration des dates historiques, les Algériens ne doivent pas occulter ces erreurs du passé. Bien qu’elle ne faille pas être injurieux envers ceux qui ont libéré le pays, il ne doit pas en être de même des responsables qui ont confisqué le pouvoir et privé ainsi le peuple algérien de sa victoire, une victoire acquise de surcroit au prix fort.

Toutefois, pour revenir au contexte historique, il faut rappeler que la formation du gouvernement provisoire ne fut pas une sinécure. En effet, la contestation des résolutions de la Soummam, par Ben Bella, Boudiaf et Khider, a créé dès 1956 un climat délétère au sein des instances de la révolution. A la prison de la santé, où les cinq chefs historiques croupissent depuis le rapt aérien, seul Ait Ahmed soutient ouvertement les résolutions de la Soummam. Constatant que le différend entre ses codétenus et les responsables du CCE –à-vrai-dire, la seule cible de Ben Bella était Abane –est un conflit de leadership, Hocine Ait Ahmed propose en février 1957 la formation d’un gouvernement provisoire en vue de dépasser cette crise.

Pour ces raisons, comme le rappelle si bien Hocine Ait Ahmed dans sa tribune, la création du GPRA constitue une double victoire. D’abord, une victoire sur le colonialisme et ensuite une victoire « sur nos propres limites ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est le deuxième point –malgré une histoire officielle balayant toutes les rivalités entre les dirigeants –est le plus difficile à concrétiser. Heureusement, pour gérer ces difficultés, selon Abdelhamid Mehri, un des hommes crédibles de sa génération, la volonté des dirigeants de la révolution finit toujours par mettre en échec les comploteurs. « Le CCE, puis le GPRA, présidé par Ferhat Abbas, connurent des phases difficiles et des crises internes. L’attitude de Ferhat Abbas, en ces moment-là, a été toujours marquée par une volonté tenace de les résoudre, ou les atténuer, par le dialogue et la concertation », argue-t-il.

Quoi qu’il en soit, malgré toutes ces insuffisances, les instances légitimes de la révolution algérienne ont su mener le bateau Algérie à bon port. A la fin de la guerre, si l’armée des frontières ne l’avait pas déstabilisé, le GPRA aurait pu accomplir sa dernière mission : organiser la transmission de la souveraineté des instances provisoires vers les instances élues par le peuple algérien. Hélas, un groupe de dirigeants, emmené par le duo Ben Bella-Boumediene, décide de plonger l’Algérie dans une autre forme d’obscurantisme, la dictature. Et ce coup de force va malheureusement pourrir la vie politique algérienne.

Enfin, bien que l’Algérie d’aujourd’hui ne doive pas être confondue, selon Hocine Ait Ahmed, à l’Etat colonial, il n’en reste pas moins que cet héritage continue de peser lourdement. Dans ce domaine, seul le pouvoir politique, issu du coup d’Etat de l’été 1962, dont son dernier représentant est encore « président de la République », est entièrement responsable de la non concrétisation de l’Etat de droit. Et ce n’est pas parce que le cercle des clientélistes s’est élargi ces dernières années que le régime œuvre pour un Etat égalitaire et surtout pour un Etat juste tel qu’il a été rêvé par ceux qui ont pris les armes pour le libérer.

Boubekeur Ait Benali
22 septembre 2014

Un commentaire

  1. Abdelkader Dehbi on

    RE: Y aurait-elle eu une crise politique si le GPRA avait parachevé sa mission ?
    Je veux juste signaler une « coquille » grammaticale dans le titre :
    [u][b]Y AURAIT-IL[/b][/u] EST INVARIABLE

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