Au lendemain de la prestation de serment par A. Bouteflika, la situation reste stagnée. A-vrai-dire, cet énième coup de force  ne renforce que le statu quo. De toute évidence, la grandeur du régime se limite à vendre des images aux médias et à mater toute voix discordante. D’ailleurs, au lendemain de l’annonce des résultats de la présidentielle, auxquels les Algériens n’accordent aucune crédibilité, les services de sécurité répriment avec une rare violence les manifestations de commémoration du 20 avril. Ainsi, pour ceux qui ont un petit espoir que le quatrième mandat pourrait déboucher sur une quelconque avancée devront revoir leur copie.  

D’une façon générale, depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, dont la stratégie se limite à la politique sécuritaire, la situation politique se dégrade de jour en jour. Adepte du règne d’un seul homme, il a réduit à néant tous les contres pouvoirs. Résultat des courses: la société algérienne est laminée. Et s’il avait été choisi comme successeur de Boumediene, il aurait battu tous les records de longévité au pouvoir. Digne des dictateurs centre-africains, il s’appuie d’emblée sur l’armée et une partie de la population clientéliste. Bien que des Algériens résistent, les courtisans, aidés par une administration dévolue à un seul homme, parviennent à étouffer les autres voix.

Pour le reste, la rente pétrolière comble tous les défauts. C’est ainsi, par exemple, que des jeunes en France sont payés 5O euros pour assister au meeting en faveur de Bouteflika. En Algérie, dans certains cas, ils achètent les voix pour quelques milliers de dinars. Du coup, sans faire de campagne, le candidat du système est « réélu » dès le premier tour. « Cela fait plus d’une année que j’ai décrit la démarche du cercle présidentiel comme s’apparentant à une « politique de la terre brûlée ». C’est en ce sens que j’ai exclu, d’emblée, ceux qui sont aux commandes puissent se fourvoyer en s’engageant dans un deuxième tour dont l’issue pourrait leur échapper », répond l’analyste, pour le compte du DRS, Mohamed Chafik Mesbah dans une interview accordée au quotidien liberté.   

Quoi qu’il en soit, pour l’équipe qui entoure le chef de l’Etat, la perte du pouvoir signifie la descente aux enfers. Du coup, tous les moyens pour se pérenniser sont bons à employer. Sentant que la population ne s’intéresse pas à la joute présidentielle, les dirigeants passent à la vitesse supérieure. S’adressant aux familles nécessiteuses d’un quartier d’Alger, le wali a prévenu que pour bénéficier d’un logement, il faudrait aller voter le 17 avril. Pour toutes ces raisons, certains analystes n’avaient aucun doute sur l’issue du vote, et ce, bien que le camp du candidat Benflis se sente pousser les ailes. « Il a déjà gagné parce que les principaux groupes d’intérêts qui structurent le système politique algérien ont publiquement annoncé leur choix en sa faveur», explique Luis Martinez, un spécialiste de l’Algérie.  

Pour toutes ces raisons, les chances d’une transition en douce se réduisent telle une peau de chagrin. En fait, à moins qu’on soit crédule, il est difficile d’imaginer qu’une initiative en faveur du changement vienne du régime. En effet, cette caste d(affairistes et de corrompus, pour reprendre l’expression d’Ahmed Rouadjia, «qui ont tous intérêts à ce que  l’Etat algérien demeure faible pour qu’ils puissent, eux, faire appliquer les lois du pays selon leurs propres intérêts», combattront le changement sans vergogne.  

Dans quelle condition pourra alors intervenir le changement? A-vrai-dire, le peuple algérien n’a pas beaucoup de choix. En mettant l’intérêt du pays  au dessus des considérations personnelles, les Algériens devront reprendre les rênes du pouvoir en prônant un changement pacifique. Sinon, le régime et sa clientèle, qui ne dépasse pas les 20% de la population, vont mener le pays à-vau-l’eau.  D’ailleurs, si la population bougeait, elle aurait des soutiens important, à en croire Chafk Mesbah. « Si, cependant, la population manifeste, massivement, et demande la mise en place d’une transition démocratique, l’armée qui ne saurait tirer sur la foule se rangera à la solution», déclare-t-il.  

Cela dit, le peuple est-il assez courageux, voire conscient, pour réclamer ce changement. Habitué à courber l’échine depuis l’indépendance, le peuple algérien devra pourtant se surpasser s’il ne veut pas que l’avenir de ses enfants soit compromis. Bien que le régime joue sur la peur, il n’en reste pas moins que ce changement est plus que jamais nécessaire. D’ailleurs, mêmes « les enfants du système », à l’instar de Mouloud Hamrouche, souhaitent qu’il intervienne rapidement.  

Pour conclure, il va de soi que le scrutin du 17 avril consacre la victoire d’un clan et non pas celle de l’Algérie comme le prétendent les vainqueurs. Malgré la prestation de serment, où le chef de l’Etat jure sur le coran afin de protéger l’Algérie, ce nouveau quinquennat ne va pas être diffèrent des précédents. Mais, jusqu’à quand les Algériens continueront-ils à tourner le dos aux problèmes se posant à eux ces dernières années? Faut-il qu’ils sachent que leur silence est complice de cette tragédie. De la même manière, le boycottage massif des dernières élections n’aura de sens que s’il se traduit par une mobilisation en faveur du changement. Des islamistes au communistes, comme ce fut le cas en Iran en 1979, les alliances doivent être les plus larges possibles.

Boubekeur Ait Benali
29 avril 2014

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