« De l’éviction du gouvernement réformateur en juin 1991 à l’intronisation d’Abdelaziz Bouteflika par la hiérarchie militaire en avril 1999, les généraux ont poursuivi ce qu’ils font en réalité depuis l’indépendance : anticiper pour étouffer dans l’œuf toute expression autonome de la société, toute véritable opposition démocratique ou initiative susceptible de créer les conditions d’une alternance qui remettrait en cause leur mainmise sur l’Algérie », extrait d’un article de Hocine Ait Ahmed, du 2 novembre 2003, intitulé « sortir l’Algérie du chaos ».

En effet, d’une certaine façon, il est inutile de retourner jusqu’au coup de force de l’été 1962, perpétré par l’état-major général (EMG) contre le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne), pour expliquer la crise politique algérienne. Les 26 ans de la dictature militaire, sous couvert du règne du parti unique, auraient pu être un mauvais souvenir dans l’histoire de la jeune nation. En effet, l’avènement du pluralisme en 1989 aurait pu contribuer à tourner cette page. En fait, s’il y avait eu un peu de sagesse, l’Algérie aurait pu négocier son virage démocratique au début des années 1990. Hélas, et c’est le moins que l’on puisse dire, quinze après l’arrivée de A. Bouteflika au pouvoir, la crise politique est toujours là. Bien que ses partisans louent sans vergogne le bilan présidentiel, force est de reconnaître que les blocages des années 1990 se posent, aujourd’hui plus qu’avant d’ailleurs, avec acuité.

De toute évidence, sur le plan politique, le régime s’appuie sur sa clientèle -les Algériens étant exclus du champs politique depuis l’accession du pays à l’indépendance -pour imposer son candidat. Par ailleurs, bien que les arguments ne soient pas les mêmes d’une décennie à une autre [le discours sur la légitimité révolutionnaire est troqué en faveur d’une impérative stabilité], tout est fait pour que les rênes du pouvoir restent entre les mains d’un seul groupe. Or, cette stabilité ne profite pas à tous les Algériens. Ainsi, en dépit d’une aisance financière, les pauvres en Algérie se comptent par millions. Dans le même temps, les milliardaires poussent comme des champignons. Et comme par hasard, à l’exception d’un seul membre du FCE (forum des chefs d’entreprises), tous ces patrons soutiennent le quatrième mandat du chef de l’État « sortant ».

A vrai dire, on ne doit pas dire « candidat sortant ». Car, les candidats sortants dans les pays réellement démocratiques remettent leur mandat en jeu. Ce n’est pas le cas bien évidemment de Bouteflika. Sans l’intervention divine, il sera réélu le 17 avril prochain. Bien que cette réélection ne puisse être expliquée par aucune science, y compris la science politique, les dirigeants, qui insultent au passage tous les Algériens qui ne pensent pas comme eux, vont faire de ce rendez-vous électoral biaisé un événement démocratique. Or, qui dit règles démocratiques, dit normalement transparence. Pourquoi ils ne publient pas alors les dossiers des candidats avec leurs certificats médicaux ? Que le médecin, qui a délivré le fameux certificat, dise aux Algériens que le chef de l’État est en bonne santé, toutes les doutes seront levés.

A partir de là, même si les dés son pipés, les Algériens diront que leurs dirigeants « respectent les lois qu’ils ont eux-mêmes imposées ». Du coup, les Algériens jugeront, en étant en contact avec le candidat du système, s’ils est capable d’assumer la fonction présidentielle. Or, les courtisans du système considèrent que le chef de l’État n’a pas besoin d’aller à la rencontre des Algériens. « Il gouverne avec sa tête et non avec ses pieds », claironnent-ils. Poussant le ridicule jusqu’à la limite de l’intolérable, un supporter de Bouteflika déclare sur une chaîne de télévision que « c’est dieu qui a donné ce pouvoir à Bouteflika. »

Pour conclure, il va de soi que l’heure est grave. Si les Algériens se sentent réellement en mesure de former une nation, ils devront descendre dans l’arène. Le changement, ce sont eux qui devront l’imposer. « Cela passe par l’élection d’une Assemblée constituante qui exige la mise en place d’un gouvernement de transition. Loin des fausses solutions, des faux dialogues, des manœuvres de sérail destructrices », suggère Hocine Ait Ahmed dans sa contribution intitulé « sortir l’Algérie du chaos ». C’est à cette condition que l’Algérie mettre fin à une dictature qui n’en dit pas son nom.

Boubekeur Ait Benali
18 mars 2014

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