S’il y a un infime doute sur cette sentence historique, l’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika lève définitivement le voile sur cet imbroglio. En effet, cette candidature étaie la thèse selon laquelle le gouvernement est à l’image de son peuple algérien. Dans notre cas, celui-ci, qui a courbé l’échine depuis des décennies, ne peut avoir à sa tête qu’un chef d’Etat grabataire. Entre les deux, il y a bien sûr une relation de symbiose, pour reprendre l’expression d’Abdelmalek Sellal. Il omet juste de signaler que cette relation est entre le régime et sa clientèle. Mais, pourquoi notre pays, qui a relevé le défi le plus pernicieux, à savoir la mise à mort du système colonial, n’est pas capable de construire un Etat de droit ? La raison est simple. En Algérie, il n’existe aucun contre-pouvoir. Bien que les dirigeants claironnent qu’ils gouvernent au nom du peuple, force est de reconnaître que ce dernier est étranger à ce qui se trame – dans la plupart des cas – contre lui.

Cependant, bien que chaque scrutin mette en exergue le fossé séparant le peuple et ses dirigeants, le régime exploite malhonnêtement la désaffection du peuple pour mettre en valeur les quelques voix de vautours. « A la demande insistante des représentants de la société civile des 46 wilayas visitées lors de mes tournées, je vous annonce aujourd’hui officiellement la candidature du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à l’élection présidentielle du 17 avril prochain », déclare Sellal à Oran le 22 février 2014. Mais, si les Algériens veulent que Bouteflika reste au pouvoir, et ce, malgré un état de santé l’empêchant d’exercer la moindre fonction, pourquoi vous mobilisez vos services de sécurité pour empêcher les autres Algériens de défiler à Alger contre le quatrième mandat, sans doute de trop ? Là aussi, les vrais Algériens, ce sont ceux qui réclament leur maintien. Normalement, ce sont les candidats qui soumettent leurs programmes. Or, dans une Algérie où les intérêts privés priment sur l’intérêt national, quelques opportunistes – étant donne que le champ est libre – font tout pour que cette situation perdure.

De toute évidence, pour les observateurs de la scène politique nationale, vos arguments ne servent qu’à tromper l’opinion. En d’autres termes, vous profitez de notre pusillanimité pour imposer votre vision. Quant à vos soutiens, ils représentent, comme c’est le cas dans toutes les dictatures, à peine 20%. Et ce sont ceux-là que vous appelez évidemment le peuple algérien. Quoi qu’il en soit, bien que la nature dictatoriale du régime algérien soit un secret de polichinelle, on ne s’attend pas à ce que le pouvoir pousse le ridicule jusqu’à présenter un homme invalide pour représenter le pays. Même au temps colonial où le mépris des Algériens fut l’essence même de ce système, ils n’ont jamais humilié le peuple algérien de la sorte.

Hélas, au lieu de calmer les esprits, le chef de l’Etat, malgré un état de santé lamentable, ne veut rien lâcher. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses deux derniers messages n’évoquent la crise que pour annoncer la victoire d’un clan sur l’autre. Et quand il parle des Algériens, il les somme de ne pas s’immiscer des Affaires du pays. Mais, comment les Algériens pourront-ils choisir librement, si leur liberté est étriquée. En tout cas, la directive du 20 février énonce carrément les limites à ne pas franchir. « Promouvoir et faciliter l’exercice, par les électeurs, de leur droit de vote et de leur droit de choisir librement celui qu’ils jugent le plus à même de mériter leur confiance », ordonne le chef de l’Etat. Pour lui, les Algériens n’ont qu’un seul droit : glisser le bulletin de vote dans l’urne. Pour les récalcitrants, ils auront en face d’eux un arsenal répressif.  

Dans ces conditions, il n’y a aucun doute sur le maintien d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat. Et pour cause ! En empêchant la société de s’organiser, il ne reste qu’une clientèle avide et insatiable qui occupe le terrain. Pour cette dernière, pour peu que le compte bancaire soit plein, l’avenir de l’Algérie ne la concerne pas. Quant au régime, au nom de la fausse stabilité, on continue à étouffer la société. Or, « la plus grand imposture consiste à présenter ce qui s’est passé en Irak, en Syrie ou en Libye comme un argument en faveur d’une fumeuse « stabilité ». On sait tous que c’est bien la « stabilité » de Saddam, de Kadhaffi et de Bachar qui sont en bonne partie la cause du malheur de ces peuples », écrit K. Selim du quotidien d’Oran.

Pour conclure, malgré les apparences trompeuses, le régime algérien ne diffère pas foncièrement des dictatures qui ont chuté récemment. Ce ne sont pas les dernières directives présidentielles qui vont démentir ce fait accompli. Grosso modo, à en croire le chef de l’Etat, les droits des Algériens se limitent au droit de vote. Le reste est une atteinte à la stabilité nationale. En conséquence, le mis en cause est considéré comme un danger menaçant la nation. A vrai dire un danger qui menace la stabilité du régime. Pour toutes ces raisons, le régime va être reconduit sans problème le 17 avril et Abdelaziz Bouteflika aura son quatrième mandat. Comme tous les dictateurs, qui ont survécu aux mouvements populaires, il mourra sans doute sur le trône. Mais, de grâce, qu’ils nous ne disent pas qu’ils se sacrifient pour l’Algérie. Car, en vérité, ils sacrifient l’Algérie pour assouvir leur égo démesuré.    

Boubekeur Ait Benali
25 février 2014

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