Depuis l’indépendance du pays en juillet 1962, jamais le remaniement des équipes dirigeantes n’a rimé avec l’abandon de la moindre parcelle du pouvoir au peuple. À ce titre, le dernier en date ne déroge pas à la règle. Bien que le contexte puisse différer des précédents [ce remaniement ressemble beaucoup plus à un sursaut d’orgueil d’un boxeur ayant quasiment perdu le combat], il ne faudrait s’attendre à ce que le peuple algérien en tire un quelconque avantage. Car, il s’agit au mieux d’une nouvelle reconfiguration du pouvoir au sein du sérail et au pire d’un plan visant à brider davantage la société.

De toute évidence, les institutions sont façonnées de sorte que les chefs aient tous les pouvoirs. Et paradoxal que cela puisse paraître, les chefs inamovibles ne se font pas de mal entre eux. Ils cherchent avant tout à trouver l’homme susceptible de garantir la pérennité du système, assimilé d’ailleurs à tort à la stabilité de l’Algérie. Pour assurer le contrôle du pouvoir, il arrive que des clans se disputent les rôles. Étant d’accord sur la mise à l’écart du peuple, ils parviennent souvent à des compromis.

D’ailleurs, en l’état actuel des choses, et en dépit des changements intervenus au sein du DRS, rien ne prouve que le rôle des services secrets soit réduit. L’opacité est telle qu’il est difficile d’affirmer quoi que ce soit. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’à chaque fois que le pouvoir est enrhumé, c’est le peuple algérien qui tousse. Mais pourquoi la presse algérienne s’est précipitée à évoquer la mise au placard des services secrets ? Ne le fait-elle pas pour discréditer le clan adverse. On peut penser ça, car elle nous a habitués, par le passé, à jouer des sales rôles.

Cela étant dit, comment doit-on décrypter tout ce remue-ménage ? Étant donné que les luttes de position au sein du régime ne servent l’Algérie, à travers ce énième grenouillage politique, le système dans son ensemble étale au grand jour sa mauvaise foi, dont le but sous-jacent serait de fausser les élections présidentielles d’avril 2014. La nomination de Tayeb Belaiz [une nomination que les constitutionnalistes qualifient d’anticonstitutionnelle] au ministère de l’Intérieur révèle l’affolement ce pouvoir à l’approche de chaque rendez-vous électoral. Peut-on imaginer, dans les pays organisés, qu’une nomination anticonstitutionnelle puisse se faire sans que le peuple ne descende dans la rue et réclame des comptes ?

Hélas, cette désaffection du peuple, pour des raisons que l’on ignore, la presse n’en fait pas un événement. En revanche, elle éprouve une délectation à fausser le débat en pariant sur la victoire de tel ou tel clan. « À force de se demander si Bouteflika va vers son quatrième mandat et si le général Toufik est d’accord ou non, …, on oublie de constater que le pays reste politiquement verrouillé… Que les débats essentiels sur l’avenir du pays, son économie et ses relations avec le monde sont évacués », écrit K. Selim, dans un article intitulé « un jeu de cache-cache sans les Algériens ».

Quoi qu’il en soit, dans un pays où la presse a pour cible les partis d’oppositions, dont le FFS demeure la bête noire, on ne s’étonne guère que les vrais enjeux soient tus. À sept mois des élections présidentielles, le constat amer qui se dégage est celui d’une Algérie abandonnée à un régime qui fait passer les intérêts individuels avant ceux de la nation. Car, un pouvoir émanant du peuple ne verrouille pas le champ politique. Au contraire, il œuvre autant que faire se peut à faire participer le peuple dans la gestion de ses affaires.

De la même manière, les institutions sont faites de sorte qu’aucun homme politique, prestigieux soit-il, ne soit pas providentiel. Et si un responsable occupe un poste, il devra rendre des comptes, car le pays débourse de l’argent pour que cette mission soit accomplie. Dans les pays qui se respectent, un président ou un chef des services secrets sont des simples citoyens vivant grâce au salaire payé par les contribuables. Partant, ils doivent rendre des comptes.

En Algérie, et c’est dans ce sens que les deux clans sont à mettre dans le même sac, à chaque rendez-vous électoral, on assiste à une lutte au sommet de l’État pour savoir qui va obtenir une part plus importante du gâteau. Quel spectacle désolant ! Quant au peuple algérien, de quelle unité peut-il se targuer quand ses rangs sont tout le temps dispersés ? Depuis 51 ans, il est incapable de proposer une alternative à ce régime. Et quand il a eu l’occasion de le faire, il s’est tourné vers le parti le plus extrémiste.

En somme, il va de soi que le sort du prochain rendez-vous est joué d’avance. Peu importe le clan qui aura réussi à avoir le dessus sur l’autre clan, le régime gardera la main. Encore une fois, les Algériens verront la reconduction du régime illégitime [puisqu’ils ne se sentent pas concernés  par l’avenir de l’Algérie] pour une période de cinq langues années. Ne dit-on pas d’ailleurs que les peuples n’ont que les gouvernements qu’ils méritent. Le tout est de savoir si un jour il y aura un sursaut salvateur pour le pays. Il est fort possible que l’attente soit langue.

Boubekeur Ait Benali
22 septembre 2013

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