Salam Monsieur Dib

Puisque vous avez demandé un exemple de soporifique à el-Mahdi, je me permets de le faire moi-même tant cela me semble évident. Je vous cite :

« C’est le seul peuple au monde qui se définit par sa langue (voir Ibn Khaldoun) et intègre tous ceux qui font de l’arabe sa langue. C’est à ce titre que la presque totalité des Algériens sont des Arabes hormis ceux, minorité bruyante en Kabylie, qui le refusent. »

C’est un argument rhétorique, qui n’a aucune valeur démonstrative. Il traduit un sentiment qui fut inspiré à Ibn Khaldun par son regard sur la société musulmane de son temps et qui, encore à la fin du 14ème siècle, gardait l’apparence de la civilisation. On sait qu’Ibn Khaldûn, mort en 1406, espérait encore en la possibilité de la résurgence in extremis de la civilisation musulmane et guettait le moment où une asabiya nouvelle surgirait pour remettre de l’ordre dans les rangs des musulmans. Mais restons dans le sujet. Ce sentiment est celui que pourrait éprouver aujourd’hui un Ibn Khaldûn anglais constatant que sa langue est mondialement parlée: « je considère comme anglais quiconque parle l’anglais ». Fierté d’un peuple à l’apogée de sa civilisation. Simple façon de parler. Qui ne parle d’ailleurs que de la langue, et ignore la religion. Il n’est pas certain que cette fierté sera là dans les quelques années à venir.

Avec cette phrase employée démagogiquement vous infusez un venin pernicieux dans les esprits. Descriptive d’un moment de l’histoire, vous leur suggérez qu’elle est encore d’actualité, et que nous baignons encore dans la civilisation. Or si j’ai tiré la sonnette pour nous alarmer au sujet de l’avenir de la langue du Coran (et pas des Arabes), c’est pour rappeler comme je l’ai écrit que nous sommes bien loin d’être les pionniers de la civilisation : les rangs pour la succession de la civilisation occidentale en faillite sont déjà pris. Il y a la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie. Et parmi les musulmans, ceux qui s’efforcent de rattraper la caravane de la civilisation sont la Turquie et l’Iran par exemple. Or ces deux pays sont encore loin, et quand bien même ils rattraperaient le peloton des échappés, ils se soucieront d’abord de leurs propres langues. Même si je n’ose pas leur prêter l’intention de ne rien faire pour la langue arabe. Par conséquent, vous affichez seulement votre inconscience de la gravité de la situation en vous en prenant à moi au lieu de tenter de comprendre. Vous avez eu peur et vous êtes retourné à vos illusions, en me traitant de quidam, critiquant et croyant soigner la maladie en déchirant l’ordonnance. quand j’ai vu que vous avez tourné à la polémique, j’ai renoncé à vous répondre. Je vous aurais suivi si vous aviez effectué une critique de fond. Mais il n’y a que du vent dans votre littérature.

Et quand j’ai évoqué le danger que la langue de l’islam se retrouve minorisée, en la comparant à ce qu’est le latin dans le christianisme (j’ajoute : ou le sanskrit dans l’hindouisme), je savais bien que cela n’allait pas plaire. Mais tel que cela se dégage de mes articles précédents sur ce site, je ne cherche pas à plaire, j’expose mes pensées plus pour témoigner et encourager que pour faire des adeptes. je n’ai aucune prétention littéraire. Il y a des gens qui écrivent par obligation parce que les bonnes plumes ne sont pas toujours des plumes intelligentes. il y en a qui ne font que du laïus. Je ne souhaite pas la chute de la langue arabe, je décris son état actuel pour appeler à réfléchir à un remède. mais vous comprenez mal. je n’ose pas penser que vous faites exprès.

Je peux tout au plus prétendre que je « donne à penser » comme l’écrit amicalement el-Mahdi. Je peux dire des bêtises, mais si elles me sont signalées avec respect, je les reconnaîtrais, pas quand le commentaire est polémique ou plus insensé que ma faute. Notre société musulmane ne souffre pas du sous-développement seulement, mais du fait qu’elle est sous-analysée. Nous nous sommes interdits de penser, et avons développé un comportement de censeurs. Nous laissons les autres réfléchir sérieusement au futur de notre société, et préparer les peaux de banane sur lesquelles nous glisserons à chaque fois que nous voudrions nous relever. A votre insu, vous faites partie de ces peaux de banane. Nous sommes encore aux prises avec la problématique du moyen-âge, qui nous a légué tant de casseroles. Et vous n’avez pas tenu compte de ce que la société musulmane actuelle traverse une phase d’incertitude maximale. Jamais nous n’avions été si près de chuter définitivement… dans le ruisseau. Cela devrait nous inciter à prendre peur pour réagir en urgence. Nous avons manqué toutes les occasions de nous « réveiller » et récemment encore, c’est Poutine qui est venu à notre secours…, alors que nous étions prêts à nous entr’égorger en Syrie, après l’Egypte, la Lybie, etc.

Autre cas : j’ai évoqué le problème de l’avenir du berbère, vous lui avez  tourné le dos. Exactement comme nos politiciens qui pensent que si cela ne s’arrange pas tout seul, on ira casser du kabyle. Or de ma part, c’était aussi par ghayra pour l’islam que je l’ai soulevé, pour l’arracher à ceux qui s’en sont accaparé, dans un mauvais dessein. Une société qui s’interdit de penser ses problèmes avant qu’ils ne surviennent se condamne à l’impasse. Mais vous ne trouvez rien d’autre à dire que « ce berbérisme là est plus dangereux… » Vous êtes vraiment un wahhabite qui interdit de penser et qui s’acharne à détruire tout ce qui pourrait servir. Vous êtes sans le savoir un agent de l’immobilisme.

Vous n’avez pas compris l’unité de mon article, parce que vous avez une vision passéiste, défensive et donc apologétique. Vous avez peur, et vous ne pouvez pas tenter une pensée pour le futur. Vous vous rabattez alors sur l’exposé de la chère « glorieuse civilisation arabo-islamique » piège à c.., qui a été posé par les occidentaux pour nous faire rendormir à chaque fois que nous serons sur le point d’ouvrir les yeux. (vous vous rappelez l’ouvrage de S. Hunke, « le soleil d’Allah brille sur l’Occident » ? que de musulmans il a renvoyés au rêve brumeux de l’islam historique.)

Je ne disqualifie pas les Arabes depuis Siffin, ils se sont eux-mêmes disqualifiés, puisque vous rappelez vous-même que cette bataille eut lieu entre eux. Si je fais de cette date, après tant d’auteurs, un point de démarcation, il n’y a que vous pour le considérer comme une erreur. Toujours est-il que cela signifie que ceux qui sont arrivés en Berbérie avaient du sang de leurs frères dans les mains. On a quand même le droit de s’interroger sur leur compétence à prêcher l’islam. Non?

Non monsieur Dib, je ne vois aucun signe de grandeur renouvelée qui me permettrait d’être aussi béatement optimiste que vous. Et je ne me permettrais pas de tromper mes coreligionnaires. Il est temps de dire la vérité, de prendre des risques, de cesser de mentir. Si je suis optimiste, c’est en tant que ma foi me le commande. mais seule l’action est le critère.

Si Ibn Khaldûn avait connu la civilisation grecque, il aurait compris que son constat n’a rien d’exceptionnel, même si en tant que musulmans, nous avons le droit de penser que comme tout ce qu’apporte l’islam, lorsqu’il n’est pas souillé par les gouvernants, dépasse de loin en beauté les apports des autres.

Comme c’est Ibn Khaldûn qui a exprimé le premier fragment de cette phrase (c’est le seul peuple au monde…), on se contentera de dire que cette pensée est tributaire du fait de civilisation prévalant à son époque. Or une langue est un être vivant et donc sujette au changement à la vieillesse et à la mort. Et, depuis Ibn Khaldun, la civilisation s’est désintégrée, monsieur Dib. Vous avez commis un anachronisme en copiant une réalité du passé pour tenter de la coller sur un réel d’aujourd’hui.

Mais c’est une parole qui sonne bien aux oreilles en particulier des rêveurs de la grandeur passée. Mais vous en tirez la conclusion que : donc les autres, les non-arabophones n’ont qu’à se taire, ou pire qu’ils sont des traîtres à l’islam. De nos jours, si les Arabes veulent appeler arabe quiconque parle arabe, ils sont libres, mais il faudrait obtenir le consentement des intéressés. Et rassurez-vous, je fais la prière depuis l’âge de 6 ans et j’en ai 1433, je jeûne, etc. Et je demande à Dieu de renforcer ma foi musulmane.

Je soutiens que la langue arabe dépend de l’islam, ce qui signifie que si nous désertons l’islam, si nous ne le faisons pas vivre dans nos cœurs, la langue arabe perdrait du terrain. C’est ce que je voulais dire en écrivant: « je n’ai pas peur de l’arabe, mais j’ai peur (pour l’avenir de) la langue arabe. »

Car pour lui, c’est l’islam qui protège la langue arabe, et non l’inverse comme vous le soutenez, et comme a voulu le faire accroire le baathisme en inversant le rapport, en soutenant que c’est le génie arabe qui a créé l’islam. Ce qui était une autre arnaque pour brouiller les esprits déjà enfumés.

L’islam n’a pas été un ravageur des langues. Bien au contraire. lâ farqa bayna ‘arabiyyin wa ‘ajamiyyin illâ bi-taqwa. Vous voyez bien que le Prophète n’a parlé que de la religion, et vous continuez à faire de l’obscurantisme baathiste. Mais où donc avez-vous la tête? Il se peut que même la langue française, que vous maîtrisez si bien comme vous en a félicité el-Mahdi, reçoive un surplus de vie de la part de l’islam de France.

Vous savez que si l’islam a progressé rapidement à ses débuts c’est aussi parce que ses enseignements ont été traduits dans les langues des nouveaux convertis, ce qui ne fut pas le cas du christianisme. C’est grâce à l’islam que la langue persane a survécu. En démocratisant l’écriture, les persans ont enfin pu transcrire leurs pensées et leur littérature orale en caractères arabes augmentés de quatre lettres propres au persan. Sans l’islam, nous n’aurions pas pu lire la grande épopée iranienne intitulée Shah-nâmeh (le Livre des Rois) de Ferdowsi. Les Persans furent les premiers à traduire le Coran dans leur langue. Il en va de même pou le Turc.

Grace aux œuvres mystiques, théologiques philosophiques, etc. que ces non-arabes ont écrites dans leur prores langues, ces dernières sont toutesd evenus de slangues d’islam. Le français est une langue d’islam, car la biographie du Prophète (S), la plus à jour, devenue la melleure référence, a été écrite en français, par le regretté Hamidullâh, sans parler des œuvres orientalistes qui sont souvent enrichissantes.

La suite qui est de vous « C’est à ce titre que la presque totalité des Algériens sont des Arabes hormis ceux, minorité bruyante en Kabylie, qui le refusent. » est un jugement inutilement méchant (ce qui vous différencie d’Ibn Khaldûn) fondé sur un collage anachronique d’un jugement porté par Ibn Khaldûn sur une réel de notre temps. Je préfère constater que la minorité arabe est devenue forcément berbère, parce que la règle du sol fait un berbère de toute personne dont la présence génétique en terre berbère remonte à 1400 ans, qu’il descende d’un ancêtre arabe ou romain ou mède ou autre. Nous descendons des berbères comme les français descendent des gaulois, tout en sachant qu’il s’agit d’un jugement qui inclut des hommes n’ayant été habitant de la Berbérie que depuis deux siècles. Et tout en sachant que cela n’implique aucune contestation de notre religion. Mais vous semblez réfractaire à cette dénomination de berbère ou d’amazigh, même si vous l’êtes bon gré mal gré comme l’ensemble des algériens et des peuples alentour… Ce qui est votre droit. Mais vous le déniez aux kabyles qui ont eu l’honneur, je vous le rappelle, d’être aussi « la minorité très bruyante par ses mitraillettes » durant la guerre de libération nationale. Et quand j’ai écrit que « le berbère est chez lui » vous vous outrez, alors que je ne faisais qu’énoncer une vérité incontestable. Toujours le réflexe du censeur wahhabite, lâ yajûz. Vous fuyez la tolérance, la lucidité. Dommage!

Et ici, je constate que vous cherchez à flatter la « presque totalité des Algériens ». C’est en cela que vous êtes en train d’entretenir la décadence en lui prodiguant des arguments à la « vertu dormitive » comme dirait Molière. Vous pouvez faire maintenant le décompte des quelques cas de soporifiques de vos commentaires. Le fatras est dans votre tête, cher et inestimable frère.

Abu al-Atahiya
19 septembre 2013

3 commentaires

  1. Bulle
    Abû al-Atâhiya est tellement enfermé dans sa bulle qu’il n’arrive pas à saisir ce que je lui écris et il me balance des jugements moraux car il est incapable de mener une démonstration sereine.

    En outre, il fait feu de tout bois, en invoquant à tout bout de champ la civilisation ainsi que d’autres considérations pour ne pas concentrer l’attention sur les points débattus. En l’occurrence, ici, il ne s’agit que d’un seul puisqu’il estime que mon argument est soporifique et méchant en même temps. Comprenne qui pourra!

    Mais pour le confondre, je ne resterai que sur l’exemple évoqué par lui bien qu’il ait asséné beaucoup de contre-vérités par ailleurs.

    Si j’ai cité Ibn Khaldoun, ce n’est pas pour évoquer je ne sais quel sentiment mais une réflexion mûrement étayée. D’ailleurs à l’autre bout du Dar el Islam, le grand prosateur et philologue du tournant des X-XIème siècle, Thaalibi de Nichapour dans le Khorasan iranien a dit la même chose dans son célèbre ouvrage sur l’histoire de la littérature arabe de l’extrême occident musulman,al-Andalus à son extrême orient, le Khwarezm.

    Abû al-Atâhiya veut nous ramener au tribalisme en évoquant « la règle du sol » alors que nous avons eu la chance de nous en échapper définitivement grâce à la générosité des Arabes, générosité que Dieu a consacré en faisant de leur langue celle du Coran, qui acceptent de compter parmi eux tous ceux qui font de la langue arabe leur lingua franca.

    S’il croit que cette générosité est celle des Anglais, ils se feront fort de lui rire au nez. Elle ne fut pas non plus celle des Grecs dont Ibn Khaldoun connaissait parfaitement la pensée en tant qu’intellectuel musulman et nous savons que l’élite grecque en Egypte et malgré plusieurs siècles ne se mélangea pas à la population.

    Abû al-atâhiya n’a pas l’air de connaître les subtilités de la langue française. J’ai parlé de minorité bruyante en Kabylie cela veut dire qu’il existe une minorité de kabyles bruyants terrorisant la majorité de kabyles et je les invitait d’abord à les convaincre de se sacrifier pour le dialecte kabyle. Il n’y a que lui pour parler d’insanités comme « casser du kabyle ».

    Et s’est-il au moins interrogé pourquoi parmi les populations ayant un autre dialecte berbère, aucune minorité bruyante ne s’est manifestée?

  2. RE: De la courtoisie SVP
    Salam wr wb Cher Abu al-Atahiya,

    vous avez une plume tout simplement géniale par la grâce de CELUI qui donne tout, et j’ose imaginer cette qualité atteindre le niveau du miraculeux, lorsque votre coeur sera plus apaisé…

    J’ai ressenti ce que vous avez ressenti pendant longtemps, avec tous les arguments pour justifier toutes ces incohérences dans « ce peuple musulman » et cette « religion islamique ».
    Mais avec le temps et surtout la grâce, la guidance et la miséricorde de CELUI qui éclair sur tout, j’ai pris conscience que peu importe ce qu’il se passe, mon intérieur doit rester propre, c’est à dire exempt de toute amertume, même malgré les attaques ou les mauvaises critiques…

    Je prie Dieu qu’IL vous apaise le coeur est suis impatient de lire ce qui en sortira à ce moment là inchallah.

    Respectueusement.

    Neb

  3. Amen
    C’est le mot qu’il faut dire après une prière. Notre pauvre Neb n’a pas l’air de saisir qu’il s’agit d’un débat d’intellectuel et non de salamalecs pseudo-pieux. C’est là la vraie incohérence et non dans « ce peuple musulman » et cette « religion islamique » (vous remarquerez que Neb mais dans le premier le l’adjectif démonstratif dans la parenthèse et l’exclut dans le second, comprenne qui pourra!) Ce sont d’intempestives intrusions par des ignorants qui brouillent le débat nécessaire pour l’instauration d’une pensée islamique.

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