Dans un État de droit, l’élection présidentielle est l’événement, par excellence, qui suscite l’engouement général. Lors de la campagne électorale, la symbiose, entre les candidats et les citoyens, atteint alors son apogée. Bien que ces derniers sachent pertinemment que toutes les promesses ne seront pas tenues, le fait que la source du pouvoir émane de leur volonté, ils adhèrent sans ambages à la dynamique. En Algérie, depuis l’accession du pays à l’indépendance, les usurpateurs du pouvoir ont rompu ce lien – ô combien nécessaire à entretenir cette confiance –entre eux et les citoyens.

En tout état de cause, depuis le recouvrement de la souveraineté, jamais une élection présidentielle  n’a suscité, il ne serait-ce que dans des proportions spartiates, un peu de suspens. Bien que les partisans du régime présentent l’élection de Liamine Zeroual en novembre 1995 comme une élection émanant des profondeurs de la société, dans le fond, comme le précise si bien Mokrane Ait Larbi, dans une interview du 17 juin 2013 au journal El Watan, celle-ci ne diffère pas des autres. « En 1995, par exemple, tout le monde savait que M. Zeroual allait gagner sans surprise face à trois petits candidats dont le rôle était de donner un semblant d’élection plurielle, contre quelques privilèges », argue-t-il.

Toutefois, si l’élection de 1995 n’a pas révélé les manigances du régime, il n’en est pas de même quatre ans plus tard. Selon l’éminent avocat, en 1999, « les chances de M. Bouteflika étaient minimes face à des personnalités comme Ait Ahmed, Taleb Ibrahimi et Hamrouche. Cependant, pour permettre au premier d’être élu président, on a poussé les autres à se retirer à la veille à cause d’une manipulation autour d’une fuite de bulletins de vote. » Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette élection est doublement pénalisante pour le pays. Tout en brisant l’opposition, le régime discrédite son propre candidat. Mal élu, le nouveau chef de l’État se démène alors pour qu’il soit reconnu président à part entière.   

Peu à peu, bien que le partage des tâches à l’intérieur du système  s’accompagne par son lot de luttes de clans, le chef de l’État parvient cahin-caha à s’octroyer des prérogatives considérables. Hélas, quand le régime est enrhumé, c’est la société qui tousse. Car, depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, les coups d’estocade contre l’opposition sont une constante. Résultat des courses : les libertés démocratiques dégringolent de jour en jour. Et pour renforcer son pouvoir, il n’a pas hésité en 2008 à sauter le verrou constitutionnel pour briguer le troisième mandat, et ce, bien qu’il ressasse indéfiniment son attachement à la démocratie. Hélas, cette débauche d’énergie ne sert pas les intérêts du pays. En dépit d’un discours enflammé, son troisième mandat est marqué par l’immobilisme et la généralisation de la corruption. En tout cas, les résultats sont en deçà des potentialités du pays.  

Par ailleurs, sur le plan personnel, sa dernière année à la tête de l’État –souhaitons qu’elle soit la dernière –est éprouvante. Quoi que ses partisans relayent dans les médias, force est d’admettre que sa santé chancelante l’empêche tout bonnement de tenir son rôle. Là aussi, le pouvoir fait preuve d’une mauvaise foi. Dans les pays sérieux, en présence d’un cas pareil, les contre-pouvoirs évaluent illico la situation. Et si le président est incapable d’assumer le pouvoir que lui a confié le peuple, ils appliqueront en toute sérénité les dispositions constitutionnelles. Tout compte fait, le président étant issu de la volonté du peuple, ce dernier choisira souverainement son successeur. Or, en Algérie, les dirigeants ne tiennent pas le pouvoir du peuple.

Dans les années 1990, ils ont essayé une fois de se conformer aux règles rudimentaires de la démocratie. Cela ne leur a pas porté chance. La population les a rejetés au profit d’un parti qui n’était pas hélas un défenseur de la démocratie. Du coup, c’est indubitablement cette méfiance qui incite les dirigeants à garder les rênes du pouvoir en choisissant au préalable le chef de l’État. Et s’il faut en trouver un autre, comme c’est le cas en ce moment, ils chercheront le candidat qui assurera en premier lieu la pérennité du système. Par conséquent, les agitateurs médiatiques  de ces derniers temps, à propos de l’application de l’article 88, jouent immanquablement à chasser la mouche du coche. Pour Mokrane Ait Larbi, « Le conseil constitutionnel n’a pas plus d’informations sur la maladie du président que le citoyen. Sa mission est de légitimer des décisions prises ailleurs ; il ne peut en aucun cas se réunir en toute souveraineté, conformément à la constitution, pour prendre une décision en toute indépendance.»  

Dans ce cas, l’élection présidentielle n’aura aucune chance d’être transparente ou libre, si le pouvoir l’organise dans les mêmes conditions que les précédentes. Le seul élément qui puisse perturber leur jeu est incontestablement l’engagement des citoyens. Bien que le régime s’en réclame d’une partie, cette clientèle gavée par la rente pétrolière, les Algériens peuvent tout de même leur gâcher la fête. En plus, étant donné que le messie n’existe pas, ils devront s’impliquer davantage s’ils veulent que la façon de gouverner change. Enfin, après 51 ans d’une gestion catastrophique, il va de soi qu’aucun autre dirigeant élu ne fera pas pire que ceux qui sont actuellement en place. Rien que pour cet argument, ça vaut bien la peine d’oser le changement.  

Boubekeur Ait Benali
14 juillet 2013

2 commentaires

  1. khaled-dz on

    RE: C’est la soumission du peuple qui fait la force du régime
    Non Mr. Boubekeur Ait Benali; C’est la soumission de l’intellectuel Algérien qui fait la force du régime.

    • kamellalgerien on

      reponse a khaled-dz
      A mon tour de vous dir Non et Mille fois Non Mr Khaled-dz, car a vous entendre le peuple, selon vous, n´a aucune responsabilité. Les deux sont responsables de cette situation. C´est la démission des intellectuels et du peuple algériens qui la Farce du régime. Car j´estime que le régime algérien, comme d´ailleurs tous les régimes arabes, ne sont forts que par le soutien de leurs maitres étrangers. Il suffit de voir comment Boutesrika a distribué l´argent du peuple algérien aux multinationales états-uniennes en particulier et européennes en général, pour comprendre comment il a pu se maintenir comme président, en dépit de la failite absolue de sa politique, sur tous les plans. L´Algérie n´a jamais obtenu son indépendance et aujourd´hui le réveil est si brutal, qu´une partie de l´élite n´ose pas reconnaitre que l´Algérie n´est pas un pays souverain et ne l´a jamais été.

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