Au-delà de toute polémique sur l’état de santé du chef de l’État, force est de reconnaitre que cet épisode nous renseigne sur la fragilité de nos institutions. En fait, bien que les dirigeants claironnent, dans les discours bien entendu, la grandeur de l’État, la panique qui s’est emparée du pouvoir prouve, si besoin se fait sentir, le contraire. D’ailleurs, comment peut-il être autrement lorsque l’on sait que le pouvoir en Algérie est personnifié depuis 1962. En effet, on a tendance en Algérie à confondre le pays avec la période de chaque président. Ainsi, on parle volontiers de l’Algérie de Ben Bella, de Boumediene et enfin de Bouteflika. Cela dit, pour un observateur sérieux, la plupart d’entre eux ne disposent qu’une d’une partie du pouvoir. Excepté Boumediene, lui même chef de l’armée, aucun n’a pu exercer ou n’exerce pour le cas de l’actuel chef de l’État le pouvoir de façon franche.

Or, dans les pays respectables, on met plus en avant les institutions. Les hommes ne sont là que pour veiller au bon fonctionnement de ces institutions et surtout en acceptant leur suprématie sur la fonction qu’ils exercent. Cependant, le but de cette contribution n’est pas de disserter sur les carences de chacun d’eux. L’actualité récente est assez alambiquée pour ne pas lui greffer des périodes lointaines.

De toute évidence, s’il y a une première conclusion à tirer, ça sera bien évidemment celle de la déstabilisation du régime. Bien que le verrouillage hermétique de l’information ne permette une réelle décantation, s’agissant de la cohésion du régime, il ne faut pas faire preuve de crédulité. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que toutes les personnes gravitant au sein du sérail ne soutiennent pas indéfectiblement le chef de l’État. D’ailleurs, il est un secret de polichinelle que le pouvoir, en Algérie, est morcelé. À ce titre, bien que Hicham Aboud, ancien colonel du DRS, clame sa neutralité, l’opinion publique a du mal à y croire. Mais au bénéfice du doute, supposons que ce soit le cas.

Dans ce cas de figure, ce qui est attendu de cette presse, soi-disant indépendante, est de se libérer de l’emprise de tous les cercles du pouvoir. Car, si le but de cette presse est de déstabiliser un clan du pouvoir, cela ne contribuera pas évidement au changement. Ainsi, si les Algériens décident de sanctionner, lors de la prochaine élection présidentielle, le candidat du régime, cette presse sera-t-elle au rendez-vous historique ? De la même manière, si les grenouillages apparaissent avant que l’élection n’ait lieu, cette presse dite « libre » sera-t-elle du coté des contestataires ou vendra-t-elle son âme comme elle l’a fait depuis deux décennies ?

Une bonne fois pour toutes, une partie de l’élite algérienne, longtemps acquise à la thèse selon laquelle la démocratie en Algérie ne pouvait survivre que grâce à la protection de l’armée, peut-elle enfin faire confiance au peuple algérien ? Car, la préoccupation principale doit consister à bâtir un État juste sans que ce dernier dépende d’un cercle de pouvoir ou d’un homme providentiel.  Ceux qui considèrent encore que l’arrêt du processus démocratique en 1992 fut le meilleur choix, peuvent-ils se remettre un instant en cause ? Bien que le vainqueur n’ait pas été un fervent défenseur de la démocratie, l’opposition républicaine aurait pu constituer, dès ces années-là, un pole puissant. Au jour d’aujourd’hui, un tel projet est-il concevable ?

D’ailleurs, malgré la chute des dictatures en Afrique du Nord, l’Algérie, dont les conditions sont identiques à celles qui ont prévalu ailleurs, échappe à ce scénario. Et pour cause ! Le processus électoral, depuis sa remise en question, ne constitue plus un moyen fiable. Seul le FFS, dont la cohérence n’est plus à démontrer, essaie de redonner confiance au peuple algérien en mettant en exergue la réalisation de l’alternance pacifique au pouvoir. Dans l’état actuel des choses, ce projet a besoin d’un apport considérable. Hélas, ce soutien ne peut pas émaner des éradicateurs des années 1990.

 Et cette vérité se vérifie tous les jours sur le terrain. À l’occasion de deux conférences-débats, auxquelles j’ai assisté en 2009 et 2010, des personnalités éradicatrices connues, Saïd Sadi et Mohamed Benchicou, ces derniers ont affirmé que si le même scénario de 1992 se renouvelait, ils referaient le même choix, c’est-à-dire ils appelleraient à l’arrêt du processus électoral. En gros, ces militants de la démocratie militent uniquement pour réduire l’influence de ce pouvoir. D’ailleurs, Benchicou ne se dit-il pas opposant à Bouteflika et non au régime.  Cela rappelle étrangement la position des modérés pendant la colonisation. Ces derniers n’étaient-ils pas prêts à abandonner le sort de l’Algérie pour peu que le système colonial admette leurs revendications culturelles. Dans ce cas, il ne reste au peuple algérien qu’à se libérer, comme en novembre 1954, de cette dictature. Avec l’apport des démocrates authentiques, cette révolution sera pacifique.  

Ait Benali Boubekeur
25 mai 2013

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