Le pouvoir, par la voix de son ministre de l’intérieur, a annoncé les résultats globaux et généraux des dernières élections législatives. L’annonce a donné lieu à des réactions en chaîne de satisfaction et d’indignation; comme à des commentaires variés, rapportés par la presse écrite et audio-visuelle. Mais aucun n’a posé la question : d’où le ministre de l’intérieur a puisé ses résultats, c’est-à-dire quelle est sa source statistique; comme ils n’ont pas posé la question si le ministre de l’intérieur a le pouvoir légal et constitutionnel d’annoncer le premier les résultats des élections ?

Pour répondre à ces deux questions, relisons la loi électorale et la constitution qui ont défini avec précision la source de la collecte des résultats et l’institution chargée de les annoncer en premier lieu.

Selon l’article 98 de la loi électorale, les résultats des élections législatives sont arrêtés et proclamés par le conseil constitutionnel au plus tard dans les 72 heures après la date de réception des résultats des commissions électorales de circonscriptions, de wilaya et des résidents à l’étranger et notifiés au ministre de l’intérieur et ; le cas échéant, au président de l’APN. Cet article est confirmé par l’article 156 de la loi électorale qui précise que chaque commission électorale de circonscription et ou de wilaya doit déposer, sous plis scellés, ses procès-verbaux au niveau du secrétariat du greffe du conseil constitutionnel.

Ces articles sont simples: ils précisent les sources des résultats (commissions électorales de circonscription, de wilaya et des résidants à l’étranger), leur destination légale finale (le conseil constitutionnel); ainsi que les délais (72 heures après le dépôt des procès-verbaux).

Là se pose une première question: est-ce que le conseil constitutionnel a reçu tous les résultats de ses sources statistiques légales pour pouvoir arrêter et proclamer les résultats? A ce jour, la réponse est négative, car le conseil constitutionnel n’a pas encore arrêté et proclamé les résultats.

Comme la loi précise que c’est le conseil constitutionnel qui notifie les résultats au ministre de l’intérieur, donc la source du ministre de l’intérieur est le conseil constitutionnel, les résultats annoncés par ce dernier sont nuls et non avenus. La probabilité est qu’ils sont préfabriqués d’avance et annoncés par le ministre de l’intérieur qui n’a aucun pouvoir légal de les annoncer, puisque la loi énonce qu’il reçoit une notification seulement des résultats des élections du conseil constitutionnel pour information.

De ce fait; le pouvoir, par la voix du ministre de l’intérieur, a non seulement préfabriqué des résultats, mais il a usurpé le pouvoir du conseil constitutionnel en les annonçant publiquement, mettant tout le monde devant le fait accompli et faisant croire à tout le monde de ce sont les vrais résultats des élections qu’ils qualifient de « provisoires » en attendant leur homologation par le conseil constitutionnel qui va approuver de faux résultats qui deviendront de vrais résultats préfabriqués d’avance. Autrement dit, l’organisation des élections était un masque pour tromper tout le monde.

La constitution, dans son article 163; aliéna 2; précise que le conseil constitutionnel veille, en outre, à la régularité des opérations de référendum, d’élection du président de la république et des élections législatives. Il proclame les résultats de ces opérations.

A ce jour, le conseil constitutionnel n’a pas constaté une seule violation de la loi électorale, c’est-à-dire que ces élections se sont déroulées dans les meilleures conditions et dans le respect religieux de la loi électorale, alors que le ministre de l’intérieur a apporté  la preuve contraire devant le monde entier, sans que le conseil constitutionnel constate une telle violation de la loi et de la constitution. Il cautionne, par son silence, l’usurpation de son pouvoir constitutionnel et légal par le ministre de l’intérieur.

La répartition des sièges

La loi électorale, dans ses articles 86 et 87 a fixé la clé de répartition des sièges et son niveau. Si l’article 86  précise la méthode de calcul du quotient électoral qui est le résultat du rapport entre  nombre des suffrages exprimés moins les suffrages des listes n’ayant pas franchi le seuil de 5% des voix et le nombre des sièges à pouvoir. Autrement dit, c’est une division du nombre des suffrages exprimés moins le nombre des voix des listes en dessous du seuil de 5% sur le nombre de sièges.

Le quotient électoral est calculé pour chaque circonscription électorale comme le précise l’article 86 et le réaffirme l’article 87.  Il sert de base pour la répartition des sièges au niveau de la circonscription. De ce fait, c’est la commission électorale de circonscription et ou de wilaya qui a le pouvoir de faire ce travail. Le conseil constitutionnel consolide les résultats communiqués par les commissions de wilaya et ou de circonscription.

Les résultats rendus publics par le ministre de l’intérieur donne le nombre de sièges au niveau national et non par wilaya et ou circonscription. D’où la probabilité que ces résultats seraient préfabriqués. Il faut aussi se poser la question sur la clé de répartition des sièges, d’autant plus que le ministre de l’intérieur n’a pas donné le nombre de voix recueillies au niveau national et par circonscription et ou par wilaya par chaque candidat (partis politiques ou indépendants). Ceci renforce la probabilité que les résultats annoncés sont préfabriqués.

La presse (Le Soir du 13 mai 2012) a rapporté quelques détails sur la répartition des sièges dans la wilaya de Boumerdes et le contentieux entre le FFS et le RND. Le quotient électoral annoncé est de 5243. Ceci est un faux quotient et n’est pas conforme à la méthode décrite par l’article 86 de la loi électorale qui précise, encore une fois, que le quotient est égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés, diminué, le cas échéant, des suffrages recueillis par les listes n’ayant pas atteint le seuil visé à l’aliéna 2 de l’article 85 ci-dessus, et le nombre de sièges à pourvoir.

Selon les données publiées par Le Soir d’Algérie ; le nombre de suffrages exprimés est de 156 334 qui est le nombre de votants. Les listes n’ayant pas franchi le seuil de 5% ont obtenu 68246 voix. Le chiffre à retenir pour calculer le quotient est égal à 156334 moins 68246; c’est-à-dire 88088. Le nombre de siège à pourvoir est de dix. Le quotient électoral est égal à 88088 divisé par 10, c’est-à-dire 8808,8.

Le chiffre du quotient électoral  avancé par Le Soir a été obtenu par la diminution du nombre des bulletins nuls et du nombre obtenus par les listes n’ayant pas franchi le seuil de 5% du nombre des suffrages exprimés, ce qui est illégal, car non -conforme  à la méthode arithmétique décrite par l’article 86 de la loi électorale. Les suffrages annulés sont des suffrages exprimés. Ils ne peuvent être retranchés. De ce fait, j’ai recalculé le nombre de sièges obtenus par le FFS et le RND, conformément à la méthode décrite par l’article 87, aliéna 2 qui précise que chaque liste obtient autant de sièges qu’elle a recueilli de fois le quotient électoral.

Selon les données du même quotidien, le FLN a obtenu 15775 voix, le RND 13348 voix et le FFS 11025 voix. Ce nombre de voix sera divisé par le quotient électoral pour obtenir le nombre de sièges. J’ai recalculé tout et les résultats prouvent que les nombres de sièges attribués sont faux. Le FLN; le RND et le FFS obtiennent chacun  un siège. Les listes des indépendants et du front du changement n’obtiennent aucun siège. Il este 7 sièges à répartir selon la méthode décrite par l’aliéna 3 de l’article 87, celle du plus fort reste.

Le FLN arrive en premier avec 7908 voix, la liste indépendante en seconde position avec 7078 voix, le front du changement en 3ème position avec 6867 voix, le RND en 4ème position avec 5154 voix et enfin le FFS en dernière position avec 2515 voix. La répartition finale des sièges serait alors: Le FLN, LE RND et le FFS, chacun, deux sièges. La liste indépendante et le front du changement, chacun un siège. Il y a en tout 8 sièges de pourvus. A qui vont être attribués les deux sièges restants. Ces résultats montrent que les voix attribuées à chaque formation politique sont fausses, car préfabriqués. Ceci est une preuve supplémentaire que les résultats annoncés par le pouvoir est le produit de sa fantaisie et de son imagination peu fertile, car elle a  dévoilé sa manipulation ratée des chiffres et statistiques inventés.

Ceci se vérifie encore une fois par l’addition des voix attribuées à chaque liste: FLN (15775), RND 13348, FFS 11025, Indépendant 6235, Front du changement 6049; listes n’ayant pas dépassé le seuil de 5% 68246. Leur somme est de 120678 voix, inférieur au chiffre officiel de 156 334 voix, qui sera atteint uniquement en ajoutant le nombre des bulletins nuls (35656)
    
Comme d’habitude

En préfabricant ces résultats, le pouvoir est resté fidèle à sa méthode depuis 1999 à ce jour; en violation de la loi et de la constitution.

En effet, la loi électorale de 1997 précise, dans son article 117; que c’est le conseil constitutionnel qui reçoit les procès-verbaux des commissions électorales de circonscription ou de wilaya et proclame des résultats des élections législatives. Quant à son article 167, il précise que c’est le conseil constitutionnel qui reçoit les procès-verbaux des commissions électorales de wilaya et proclame les résultats de l’élection présidentielle.

Pour les résultats du référendum, l’article 171 de la loi de 1997 prévoit la même procédure que celle fixée pour l’élection présidentielle.

La réalité des faits, depuis 1999, à ce jour montre que le pouvoir est fidèle à sa méthode, celle de préfabriquer les résultats et les valider par le conseil constitutionnel. Il n’a pas changé, il n’a pas réformé. Ceux qui s’indignent aujourd’hui ont applaudi depuis 1999.

Si les partis politiques qui ont dénoncé publiquement la « fraude » sont sincères et honnêtes dans leurs déclarations publiques, ils doivent joindre leurs actes à leurs paroles en saisissant le conseil constitutionnel pour demander l’annulation des résultats préfabriqués. Les articles 127, 128 et 166 de la loi électorale leur donnent ce droit. Ils peuvent déposer leurs recours en tant que partis politiques en plus des recours de leurs candidats. L’avenir proche nous le dira.

Mâamar Boudersa
15 mai 2012

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