Avec une superficie de plus de six millions de kilomètres carrés, une population de près de quatre-vingt-dix millions de résidents et un produit de revenu moyen annuel de quatre cent milliards de dollars, des langues et patrimoines civilisationnels communs, le Maghreb, en cela seulement,  est une configuration géopolitique qui mérite le respect de quiconque observateur étranger.

Ouverte sur une bonne partie du Berceau de l’humanité, sur l’Atlantique, sur toute l’étendue de l’Afrique profonde et sur le Monde arabe, cette partie de la planète habitée semble exister dans une forme de léthargie, de fatalité figée dans le seul souci de ne pas vouloir évoluer au point d’ennuyer ses ressortissants depuis Nouadhibou jusqu’à la frontière avec l’Egypte, en passant par Tanger, Constantine ou Bizerte.  

Pourquoi dans le rappel de cette septième étendue planétaire, juste après l’Australie, dans l’esprit contemporain, en Europe, en Amérique ou en Asie, de l’essor économique, social et culturel, l’on ne retient que Marrakech, au même titre que Miami, Barcelone ou autres Sydney ou Kyoto, alors que dans les dizaines de grandes villes surpeuplées les jeunesses y végètent, le plus souvent sans travail, dans le seul espoir de tenter une vraie vie en Occident, qui  consiste à braver les lames de fond et les courants pernicieux de la Méditerranée ?

Parce que depuis les indépendances respectives, en un mot, les Etats de cette immense contrée ont été administrés par des minorités de clans pseudo politiques restreints, frayant avec l’absurde, auto reclus dans des remparts militaires et policiers. L’intelligible problème n’est plutôt pas de se demander s’il faut faire revenir un dey à Alger ou faire établir une république à Rabat. La question est de se dire comment vivre avec le dey ou avec une république. Un sujet  industriel catalan ne s’inquiète pas de tenter une coopération pour un projet de motorisation avec un homologue de Charleroi ou de Bruges tout en sachant que la Belgique vit sans gouvernement depuis plus de deux années. Et rien n’empêche cet ibérique qui parle la langue de Cervantès de bifurquer, sans passeport, vers Rotterdam pour prospecter un marcher avec un chef d’entreprise qui ne s’exprime que celle de Spinoza. Bref, pour dire que l’Europe au-delà des ancrages culturels, elle est une nation économique. Réalité universelle qui a fait des Etats-Unis d’Amérique la plus grande force du monde grâce à la formidable absorption de ses variantes ethniques. Mais surtout par la pratique – autant que faire se peut dans le progrès intellectuel de ses ressortissants allant aux bulletins de vote – des préceptes de la démocratie.  

Il n’y pas longtemps en Algérie, qui soit disant avait fait une révolution démocratique en octobre 88 pour passer au multipartisme et à la presse indépendante, une formation politique avait été sabordée parce que son leader avait osé une anecdote ayant entraîné un branle bas de combat à Tripoli. Il disait, en tentant d’expliquer la démocratie et l’intelligibilité citoyenne, « mettre Kadhafi en Allemagne à la place du chancelier, l’Allemagne restera l’Allemagne, et en revanche, placer le chancelier en remplacement du Guide libyen, la Libye restera la Libye », une rumeur circulait à Alger que le pauvre chef de parti, disparu depuis, avait un contrat sur la tête…

Les libertés recouvrées après le départ des colons tout de suite après confisquées, en tête, l’on est que forcé de suivre de près en doutant des chamboulements récents en Tunisie et en Libye, peut-être demain dans les autres pays du Maghreb. Les populations juvéniles admettent difficilement que les réformes, encore moins les révolutions, se fassent par des anciens tiers ayant dirigé. Si pour ce qui concerne le Conseil de transition libyen d’aucuns maghrébins pensent qu’il agit dans un giron européen uniquement intéressé par la manne pétrolière, le groupe qui se donne la responsabilité de gérer le revirement spectaculaire en Tunisie ne semble pas pour l’instant définir clairement le rôle alloué à la participation populaire dans le passage à la démocratie et aux libertés individuelles.

Le Maroc est en train de procéder à des réformes dans le type de la  monarchie constitutionnelle qui mérite au moins d’observer de fervents remous dans les institutions et les associations civiles en train de se poser des questions d’authentiques intérêts socio économiques avec les partenaires maghrébins et européens, dans les volets agricoles, touristiques, culturels et industriels. Les surfaces agricoles utiles réunies des seuls pays de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc et les ressources en eau n’ont rien à envier des grandes étendues arables en Occident irrigué. De même pour les sites naturels de villégiatures. Pendant que la manne hydrocarbure dans le désert algérien et libyen pourrait participer non seulement de la disposition à moindre coût pour les besoins énergétiques destines aux activités industrielles respectives, aux services, mais aussi à la disponibilité régulière d’une réserve de change communautaire capable de renflouer de grandes activités socio économiques charriant l’emploi, les richesses et par conséquent donc le retour espérentiel dans les mentalités juvéniles qui ne chercheront plus à tenter des exils.

Durant la brève période des deux Sommets de l’Uma, à Alger puis à Marrakech, vers la fin des années quatre-vingt, un formidable mouvement de circulation intermaghrébin avait provoqué dans les mentalités citoyennes confondues des réactions de réflexe de proximité qui a fait dire à  ce grand ami  Abdelkrim Khirat que je rencontre souvent sur Rabat à la jouissant de remarquer les jeunes se détourner des villes européennes au profit de déferlement dans les cités de Casablanca, Oran, Sfax, Benghazi, « c’est ce que je me suis souvent surpris de rêver quand j’étais en poste à Maroc télécom et que je me retrouvais en Algérie  pour un travail dans le cadre de la bonne coopération, j’étais comme chez moi , marocain mais pas tout à fait maghrébin, mais là, maintenant , je me le réclame  du plus profond de moi-même. »    

Mais il resterait à résoudre ce problème qui en vérité n’en a jamais été un, un problème de quelque trois cent mille mètres kilomètres carrés de désert pour trois cent mille habitants qui fait monter le cholestérol et la tension artérielle à plus de soixante millions de Maghrébins dont beaucoup ne comprennent pas la fermeture de plus de mille trois cents bornes de frontière. Tout Maghrébin qui se respecte n’a-t-il pas le droit, s’il a honnêtement gagné son argent,  en principe, d’aller passer un weekend  à Marrakech et rentrer dans un gala où il écouterait chanter une célébrité mondiale et de penser en même temps à d’autres Marrakech ici et là dans l’ensemble du Maghreb ?

Abdelyazid Sadat
24 septembre 2011

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