« La chine est un lion endormi, le jour où elle se réveillera, la terre tremblera » (Napoléon)

Durant pratiquement deux siècles, la Chine a semblé suivre cette consigne napoléonienne, en demeurant dormante et en tenant lieu grosso modo d’arène où les autres grandes puissances ont pu exprimer leurs forces. Au XXème siècle, le japon, jadis imitateur de la Chine, la surpassait dans la guerre comme dans la paix. Durant la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis s’allièrent avec la Chine et lui apportèrent leur aide. En 1945, ils lui accordèrent un siège au conseil de sécurité des Nations unies. En 1949, après la prise du pouvoir par les communistes, Washington et Pékin se transformèrent en adversaires, et la Chine a de nouveau reculé. Mao Zedong a entraîné le pays dans une série de contradictions catastrophiques réduisant son capital économique, technologique et intellectuel. En suite, en 1979, le lion endormi a commencé de s’ébrouer.

Le réveil de la Chine est entrain de remodeler le paysage économique et politique du monde, mais ce réveil subit aussi l’influence du contexte international dans lequel il se produit. Pékin négocie avec les mêmes forces qui, plus largement, définissent le monde post-américain- la mondialisation et le nationalisme. D’un côté, les pressions économiques et technologiques poussent Pékin vers une coopération intégratrice avec le monde. Mais, ces mêmes forces entrainent des perturbations et des soulèvements sociaux, et le régime recherche de nouveaux moyens d’unifier une société de plus en plus diversifiée. Entre-temps, la croissance permet aussi à la Chine de s’affirmer davantage, d’accroître son allonge sur la région et sur le monde. La stabilité et la paix mondiale dépendront désormais de l’équilibre que la Chine saura réaliser entres les forces politiques et économiques des pays émergent et le reste du monde. L’histoire de la Chine du XXème reteindra forcément l’année 1979 comme un tournant. Cette année-là, l’Union Soviétique envahissait l’Afghanistan, creusant ainsi la tombe de sa superpuissance. Et cette année même, la Chine lançait ses réformes économiques. Le signal de ce dernier événement vint en décembre 1978, lors d’une réunion, congrès du parti communiste de la Chine, cénacle habituel d’une rhétorique creuse et d’une idéologie dépassée. Avant la réunion officielle, lors d’une séance d’un groupe de travail, le chef du parti et nouvel homme fort du régime Deng Xiaoping, prononça un discours qui se révélerait le plus important de l’histoire de la Chine moderne. Il pressait le régime de se concentrer sur le développement économique et laisser les faits-et non l’idéologie- le guider dans sa voie. « Peu importe qu’un chat soit noir ou blanc, dit-il. Tant qu’il attrape la des souris, c’est un bon chat. Depuis lors, la Chine n’a fait que suivre la voie de la modernisation avec un pragmatisme sans faille. Les résultats ont été stupéfiants. La Chine a affiché un taux de croissance de 9% annuels depuis presque trente ans, le rythme le plus rapide jamais enregistré pour une économie de premier plan. Au cours de cette même période, elle a sorti environ 400 million d’individus de la pauvreté, le plus grand record jamais enregistré dans le monde ; le revenu moyen a presque septuplé. En dépit de ses difficultés, elle a accompli à une échelle de masse le rêve de tout pays de tires monde- une rupture avec la pauvreté. L’économiste Jeffery Sachs le formule en termes simples : «  la Chine, c’est le processus du développement le plus réussi de l’histoire mondiale ».

L’ampleur du changement y est presque inimaginable. Depuis trente ans, la taille de son économie a doublé tous les huit ans. En 1978, le pays fabriquait 200 climatiseurs par an ; en 2005, il en fabriquait 48 millions. La Chine exporte aujourd’hui en un jour davantage qu’elle n’a exporté durant toute l’année 1978. Pour quiconque a constaté le développement économique du pays durant cette période, les images et les exemples du changement sont si nombreux qu’ils échappent à toute considération. Il y a quinze ans, les zones comme le Pudong à l’est de la ville de Shanghai, était un ensemble de terrain plus au moins en friche. C’était devenu le cartier de la finance, une forêt de tours de verre et d’acier illuminée toute la nuit. Et Pudong est huit fois plus grand que le nouveau quartier de la finance de Londres, et à peine moins vaste que toute la ville de Chicago. La ville de Chongqing, elle, se règle sur le modèle de cette même Chicago, la cité qui a connu la croissance la plus rapide de la planète il a cent ans. Chongqing, qui grossit tout les ans de 300 000 habitants, pourrait sans doute prétendre à ce titre, elle n’est que la tête du peloton ; les vingt villes du globe qui croissent le plus vite sont toutes en Chine. Malgré tout l’attrait de Shanghai aux yeux des étrangers, Pékin reste le foyer central de la politique, de la culture et des arts, et même celui de son économie. La ville a été reconstruite avec une ampleur sans précédent, proprement historique. (La seule entreprise similaire comparable serait la rénovation de Paris par Gorges Eugène Haussmann, au XIX siècle). Dans le cadre des préparatifs des jeux olympiques de 2008, Pékin a percé six nouvelles lignes de métro, tracé 43 km de lignes de transport léger, construit un nouveau terminal aéronautique (le plus grand du monde, 25 million de mètres carrés neufs, une ceinture verte de 125 kilomètres et un parc olympique de 12 kilomètre carrés). Quand on découvre la maquette du nouveau Pékin, on songe inévitablement aux plans grandioses d’Albert Speer pour le Berlin de l’après guerre, dessiné dans les années quarante ; en fait, c’est Albert Speer le fils, également architecte, qui a conçu le boulevard long de 8 kilomètres qui reliera la Cité Interdite au Park Olympique. Il ne voit rien de comparable entre la transformation de Pékin et les plans proposés par son père à Hitler. Concernant la Chine n’importe quel homme d’affaires y va de sa statistique époustouflante, qui laissera son interlocuteur muet de stupéfaction. La Chine et le premier producteur mondial du charbon, d’acier et ciment. C’est le premier marché mondial du téléphone portable. Elle totalise 2,6 milliards de mètres carrées en chantier, cinq fois plus que l’Amérique. Au plus forts de la révolution industrielle, la Grande Bretagne fut surnommé «  l’atelier du monde » ; c’est la Chine qui détient désormais ce titre, elle fabrique des deux tiers des photocopieurs, des fours à micro-ondes, des lecteurs de DVD et des chaussures de la planète.

Pour avoir une idée de sa domination dans tous les secteurs de fabrication à faible prix de revient, il suffit de voir un magasin de la chaîne américaine Wal-Mart, qui est aussi l’une des plus grands entreprises du monde. Le chiffre d’affaire de Wal-Mart, c’est huit fois celui de Microsoft, soit 2% du PIB des Etats-Unis. Le groupe emploie, 1, 4 million de personnes dans le monde, plus que Général Motors, Ford, Général Electric et IBM réunis. Avec les efforts qu’il consent pour proposer les prix les plus bas possibles à ses clients, il s’est forgé une réputation légendaire- certains diraient impitoyable. A cette fin, il a su utiliser de main de maître la technologie, l’innovation managériale et surtout des fabricants à bas coût. Wal-Mart importe chaque année de Chine pour 18 milliards de dollars de produits. La vaste majorité de ses fournisseurs étrangers se trouvent là-bas. La chaine logistique mondiale de Wal-Mart est une chaine logistique chinoise. La Chine a aussi appliqué une politique très nette d’ouverture aux échanges commerciaux et à l’investissement. Pour cette raison parmi beaucoup d’autre, ce n’est pas le nouveau Japon. Pékin n’a pas adopté la voie nippone ou sud coréenne vers le développement, une stratégie guidée par l’exportation tout en maintenant la fermeture du marché intérieur et de la société. À l’inverse, la Chine s’est ouverte au monde ; le ratio commerce-PIB de la Chine est de 70%, ce qui en fait l’une des économies les plus ouverte au monde. Au cours des quinze dernières années, ses importations en provenance des Etats-Unis ont plus septuplé, le groupe Procter & Gamble autre multinationale américaine spécialisée dans les biens de consommation courante (hygiène et produit de beauté) gagne désormais en Chine 2,5 milliards par ans. Certain de ses produits les plus connus comme le champoing Head & Shoulders et les couches Pampers sont extraordinairement appréciés des consommateurs chinois. La Chine est aussi ouverte au marques internationales, qu’il s’agisse des biens ou des personne. Les architectes étrangers ont construit la plupart des tours et des grands ensembles qui caractérisent la nouvelle Chine. D’un autre côté, la chine est le premier détenteur de capitaux du globe ; ses réserve de changes s’élèvent à 1,5 trillons de dollars, 50% de plus que le deuxième (le Japon) et trois fois plus que les avoirs détenus par l’Union Européenne. Que la possession de telles réserves relève ou non d’une politique avisée, elle n’en reste pas moins certainement indicatrice de sa formidable capacité de résistance face aux chocs et aux crises.

Et en fin de compte, c’est combinaison de facteurs qui rend ce pays unique. C’est la croissance la vaste plus monde, la plus rapide de toutes les grandes économies, le plus grand fabricant, le deuxième consommateur mondiale, le premier épargnant et il se classe presque au deuxième rang pour les dépenses militaires. La Chine ne ravira pas aux Etats-Unis leur place de superpuissance ; il est peu probable qu’elle les surpasse sur les trois trains- militaires, politique ou économique- avant plusieurs décennies, et a fortiori encore plus comparable qu’elle dépasse sur tous. Mais secteur après secteur, elle est devenue le deuxième pays au monde, introduisant ainsi un élément totalement inédit dans le système international.

Hammou Boudaoud
1er septembre 2011

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