Par un discours télévisé, Bouteflika a annoncé qu’il entreprendrait une réforme politique sans préciser ni son contenu, ni sa forme, ni son calendrier. La question posée est de savoir si cette réforme est légitime et réelle, où elle est une nouvelle manœuvre du pouvoir pour s’opposer au changement du système politique, revendiqué par de larges couches de la population, qui continue de manifester son opposition frontale au pouvoir, sans que ce dernier accède à ses légitimes revendications socioprofessionnelles et politiques.

En janvier cette année, des manifestations et protestations violentes ont éclaté sur tout le territoire national. Le pouvoir, par mépris et par haine envers les manifestants, les a qualifiées d’émeutes qui se réduisent à des revendications sociales relatives aux prix de l’huile et du sucre. Par la suite, et sentant le vent du changement gagner de larges couches de la société, encouragée par les évènements dans d’autres pays arabes, Bouteflika a réagi par son discours, annonçant son projet. Mais ce projet n’est légitime et crédible que si son auteur est lui-même légitime et crédible.

Bouteflika est-il légitime?

Selon Max Wéber, dans son livre «le savant et le politique», il y a trois fondements de la légitimité pour exercer un pouvoir. Je les résume en ceci:

1) la légitimité basée sur l’autorité de l’«éternel d’hier» ou le pouvoir traditionnel,

2) la légitimité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu (charisme)

3) la légitimité basée sur la «légalité» en vertu de la croyance en la validité d’un statut légal fondée sur des règles établies rationnellement.

Dans le cas de l’Algérie en général et de Bouteflika en particulier, son pouvoir légitime s’insère dans la troisième légitimité, car il porte le titre officiel de président de la république que la constitution et la loi électorale ont établi les règles pour accéder à ce titre officiel et légal.

A ce titre, la constitution, dans son article 71, énonce que le président de la république est élu au suffrage universel, direct et secret. Bouteflika a-t-il été élu ou désigné. S’il a été élu, il est légitime. Sinon, il n’a aucune légitimité, d’autant plus que le même article 71, aliéna 3, énonce que les autres modalités de l’élection présidentielles sont fixées par la loi.

Quant à l’article 73 de la constitution, il énonce plusieurs conditions pour être éligible, dont la jouissance exclusive de la nationalité algérienne d’origine. Bouteflika, natif de Oujda, au Maroc, a-t-il la nationalité algérienne d’origine, telle que définie par le code de la nationalité? Aucune preuve n’a été fournie, à ce jour, qu’il jouit de cette condition. Si tel est le cas, il n’est pas éligible, donc illégitime.

L’histoire du pouvoir montre que Benbella, bien que ne jouissant pas de la nationalité d’origine, condition pour être éligible selon la constitution de 1963, a été désigné président de la république, c’est-à-dire qu’il a été le premier usurpateur du pouvoir.

Quant à l’article 163, aliéna 2 de la constitution, il précise que c’est le conseil constitutionnel qui supervise, contrôle et proclame les résultats des opérations de référendum, d’élection du président de la république et d’élections législatives.

Cette procédure électorale est confirmée par l’article 167 de la loi électorale qui énonce que c’est le conseil constitutionnel qui proclame les résultats de l’élection présidentielle.

La réalité des faits que prouvent les archives de la télévision, de la radio, des journaux, prouve que c’est le ministre de l’intérieur qui a proclamé les résultats en 1999, en 2004 et en 2009, alors que la loi électorale ne lui donne aucun rôle. D’où a-t-il obtenu les résultats qu’il a annoncés? La seule chose possible est qu’il a inventé lui-même les chiffres, c’est-à-dire que Bouteflika a été désigné et non élu, c’est-à-dire qu’il n’a aucune légitimité, au même titre que l’assemblée et les deux référendums qu’il organisés. N’étant pas légitime, le projet de réforme annoncé est illégitime.

Je reviendrais plus loin sur la nature réel de ce régime politique qui se voile par la république pour violer ses principes de base, telles que définies et appliquées par les démocraties réelles et non virtuelles et fictives.

Bouteflika se renie

Dans son discours télévisé à la mi-avril, Bouteflika a annoncé que la phase finale de sa réforme se « passera par la création d’une commission constitutionnelle, à laquelle participeront les courants politiques agissant et des experts en droit constitutionnel.».

Dans les faits, Bouteflika a renié cet engagement officiel et public et il a créé une commission informelle et parallèle, la méthode préférée des régimes fascistes, car, à ma connaissance, aucun décret présidentiel n’a été publié au journal officiel pour lui donner le cachet légal, et ses trois membres choisis n’ont pas été nommés par décrets présidentiels publiés au journal officiel. C’est l’informel qui prime, comme au marché. Bouteflika a choisi l’informel pour régenter et non gouverner le pays et présider la république.

Les Algériens ont été tenus informés par la télévision et la presse écrite sur ces fausses consultations politiques, où le pouvoir entend ses propres paroles émises par ses porte-paroles officieux et officiels qui n’ont jamais posé la question politique essentielle, la légitimité de cette réforme.

En consultant sa clientèle, le pouvoir cherchait une légitimité qu’il n’avait pas, d’autant plus que les évènements internationaux lui ont ôté la légitimité internationale, basée sur une alliance douteuse, la lutte contre le terrorisme, qui le protégeait de la chute, d’autant plus que les manifestations et protestations pacifiques ou violentes de toutes les catégories socioprofessionnelles lui ont retiré la légitimité, c’est-à-dire un retrait de confiance générale, confirmant que Bouteflika n’est pas légitime dans les faits.

Cette commission, composée de ses partisans ne renferme en son sein aucun expert en droit constitutionnel et aucun courant politique agissant. C’est un monobloc, une caisse de résonance de Bouteflika lui-même qui préfère entendre ses paroles par d’autres voix, comme un morceau de musique. Il n’est pas exclu que les propositions faites par Ouyahia et Belkhaddem, son porte-parole officiel, ne soient les siennes!

Mais le feuilleton et ses séries étaient mornes, car la mise en scène, les acteurs et la présentation étaient médiocres, car le héro principal était absent, et tous les autres acteurs étaient des figurants, sans aucun pouvoir, car comme il le déclarait dans son discours, cette commission avait pour mission de rassembler des propositions pour l’acteur principal qui décidera seul. Je reviendrai plus loin sur la nature de ce régime, où un seul homme décide pour toute la nation.

En cherchant à tromper les chancelleries étrangères et l’opinion publique nationale, Bouteflika a trompé sa propre personne, car plusieurs ont décliné l’invitation.

Bouteflika, le despote fasciste

Dans son discours, Bouteflika a fixé la mission de cette commission en ces termes:« Elle me fera des propositions dont je m’assurerai de la conformité avec les valeurs fondamentales de notre société avant de les soumettre à l’approbation du parlement ou à vos suffrages par voie référendaire.»

Ce passage du discours mérite quelques remarques, à savoir la non définition des valeurs fondamentales de la société algérienne, comme la non précision de la procédure d’adoption des propositions retenues, à savoir référendum ou ordonnance ou loi.

Comme tout le passage est vague, Bouteflika confirme qu’il ne connaît ni le contenu, ni la forme, ni la date de la mise en œuvre de son projet, s’il existe réellement. Avant de continuer, signalons que Georges Clemenceau a énoncé une méthode politique, propre aux hommes malades du pouvoir, selon laquelle «pour noyer un problème, il faut lui créer une commission»

Comme il a décidé de prendre seul la décision finale, le choix d’une telle méthode nous révèle la nature du régime politique. Selon Montesquieu, dans son livre « de l’esprit des lois », «il résulte de la nature du pouvoir despotique, que l’homme seul qui l’exerce, le fasse de même exercer par un seul. Un homme à qui ses cinq sens disent sans cesse qu’il est tout, et que les autres ne sont rien, est naturellement paresseux, ignorant, voluptueux. Il abandonne donc les affaires…Il faut de la crainte dans un gouvernement despotique…Mais lorsque, dans le gouvernement despotique, le prince cesse un moment de lever le bras, quand il ne peut pas anéantir à l’instant ceux qui ont les premières places, tout est perdu, car le ressort du gouvernement, qui est la crainte, n’y ait plus, le peuple n’a plus de protecteur…Dans les Etats despotiques, il n’y a point de loi, le juge est lui-même la règle…»

Ce diagnostic de la nature du pouvoir est le propre de l’Algérie, d’autant plus qu’il vit une autre crise, sa propre crise qui est venue s’ajouter à la crise mère, la crise politique, où l’inexistence de la légitimité. La crise du pouvoir, comme le précise Montesquieu est que le pouvoir despotique ne gouverne plus comme avant, la menace de la crainte ou la répression, mais il recourt à la répression et aux autres méthodes du terrorisme fasciste, telles que définies par l’article 87 bis aliéna 1er à savoir « semer l’effroi au sein de la population et créer un climat d’insécurité, en portant atteinte moralement ou physiquement aux personnes ou en mettant en danger leur vie, leur liberté ou leur sécurité.. »

L’expérience des médecins internes grévistes, les manifestants pacifiques et paisibles prouvent que le pouvoir despotique a eu recours à des méthodes terroristes fascistes pour semer la peur, la crainte des grévistes et des manifestants, dont plusieurs, selon les comptes rendus de la presse, ont été blessés, privés de leur liberté, leur vie a été mise en danger par les forces mobilisées par le pouvoir en violation des lois relatives à la réquisition des forces de police et en particulier le code de la commune et le code de la wilaya qui donnent ce pouvoir aux maires et aux walis, en plus de l’article 97 du code pénal qui fixe la procédure légale de dispersion d’un attroupement. Là encore, le pouvoir viole la loi et fait intervenir des forces parallèles et d’une manière informelle.

Pour compléter le diagnostic de ce pouvoir, à partir des symptômes extérieurs, connus de tous d’ailleurs, levons le voile sur sa nature cachée. Pour cela, consultons le prestigieux prix Nobel américain, Paul A. Samuelson, ancien conseiller économique des présidents américains Kennedy et Johnson, qui, dans son livre « l’économique » donne les traits essentiels d’un régime fasciste que je résume en quelques points:

1) En règle générale, il n’y a pas qu’un seul parti politique légal, tous les autres sont supprimés,

2) Les mouvements fascistes sont toujours extrêmement nationalistes,

3) Il y a parfois la dictature d’une seule personne ou de quelques personnes,

4) L’individu est entièrement subordonné à l’Etat,

5) Presque tous les régimes fascistes ont été hostiles aux syndicats libres et militants,

6) Certains ont attribué ou attribuent au gouvernement central des pouvoirs exorbitants en ce concerne la régulation de toutes les activités économiques,

7) La mentalité fasciste est antirationnelle, romantique, ne tolère pas l’opposition,

8) Les régimes fascistes ont travaillé ou travaillent la main dans la main avec les autorités religieuses, d’autres se sont posés en adversaires des Eglises (Mosquées, NDA)

9) Les animateurs de tels mouvements ont fréquemment conquis le pouvoir en exagérant la probabilité d’une prochaine révolution,

10) Les régimes fascistes se sont communément servis de l’épouvantail communiste (aujourd’hui islamiste, NDA) comme une excuse pour supprimer les institutions démocratiques,

11) Les dictateurs manifestent une tendance à être vénaux,

12) Les hommes de main ont perpétré toutes les interventions sur les marchés, dénuées de bon sens,

13) L’histoire prouve que le fascisme n’arrive jamais au bout de l’action qu’il a entreprise, ou tout du moins il ne dure pas très longtemps,

14) L’histoire ne fait mention d’aucun cas où le fascisme ait été couronné de succès, même en matière d’économie,

15) Le système ne peut évoluer pour se transformer en une démocratie normale,

16) Les libertés des entreprises ne peuvent se maintenir que dans la mesure où elles sont imposées aux électeurs,

17) Les dictateurs n’osent pas relâcher la répression, Ils ignorent à quel point la rancune s’est accumulée,

18) Le caractère provisoire et inhumain du fascisme ne devrait pas nous empêcher de reconnaître la leçon historique importante.. Le désordre social détruit véritablement le progrès et l’efficacité économiques.

Tous ces symptômes énumérés par le prix Nobel américain sont ceux de l’Algérie. Or les mêmes causes produisent les mêmes effets, et le régime politique algérien est arrivé à sa fin, comme le montre ce diagnostic et qui sera approfondi ci-dessous. Il confirme que le régime despotique et fasciste est irréformable et bloqué. D’où la nécessité de le changer. De ce fait, le projet de réforme de Bouteflika est un leurre.

D’autres Algériens ont établi, selon leurs propres formules d’un tel diagnostic, il y a longtemps déjà. Je cite Kaïd Ahmed, ancien membre de l’Etat-major de l’ALN, ancien ministre des finances et du plan, ancien membre du conseil de la révolution, ancien responsable de l’appareil du parti FLN, ancien opposant, ancien exilé. Voici ce qu’il disait en novembre 1971 en abordant les aspects essentiels de la révolution culturelle, dans une interview à l’hebdomadaire « révolution africaine »: «La logique exige que le pouvoir politique et les fonctions importantes ne soient point confiés aux éléments les plus doués, mais généralement à des cancres. C’est pourquoi ces deux notions sont également vidées de leur contenu. On ne recherche point à assumer un mandat politique ou une fonction pour l’efficacité, l’efficience, l’amour de la patrie, mais en vue d’augmenter son confort et sa richesse matérielle, en un mot se servir. L’intelligence da&ns un tel univers n’a pas de place: il lui est difficile d’émerger.»

Et les hommes du pouvoir se sont servis des biens publics et de l’argent public jusqu’à la mise en faillite financière du pays, contraint et forcé de rééchelonner sa dette extérieure en acceptant les conditions du FMI, qui n’a pas la condition du retour des capitaux en fuite qui représente plus de 60% du stock de la dette extérieure, comme je l’ai prouvé dans mon livre « le FMI, ce monstre de Paris ».

Un autre homme, Ferhat Abbas a qualifié les hommes du pouvoir, dans son livre « autopsie d’une guerre » par ces termes: «Déjà des colonels se croyaient habilités pour monopoliser l’autorité et exercer le pouvoir. Leur analphabétisme les rendait compétents en toute chose.»

Cette remarque de feu Ferhat Abbas est encore valable à ce jour. La médiocratie au pouvoir illégitime se croit compétente dans tous les domaines de la vie nationale, alors qu’elle montré la preuve qu’elle est incapable de régler aucun petit problème de circulation routière des piétons et des véhicules.

Un autre grand célèbre économiste américain, John K. Galbraith, ancien collaborateur du président Kennedy, ancien président du comité économique du parti démocrate, ancien ambassadeur en Inde a décrit, dans son livre « la science économique et l’intérêt général, comment une organisation médiocre fait la promotion des hommes médiocres pour se perpétuer dans le temps. Voici ce qu’il écrivait: «Les organisations, comme les hommes, peuvent être médiocres et l’organisation médiocre a très naturellement tendance à se perpétuer. Celui dont l’inaptitude n’est pas criante fait figure de génie au milieu d’hommes dont la médiocrité est flagrante. Il gravira les échelons et sa médiocrité s’étendra à des responsabilités plus larges. Il n’est pas rare que ses collègues se réjouissent de sa réussite; c’est que, contrairement à celui qui est capable, le médiocre sait supporter la sottise.»

Oui les hommes du pouvoir ont su supporter les sottises, leurs propres sottises, depuis 1962 à ce jour. Et cette réformée projetée est une nouvelle sottise de plus, car le pouvoir ne peut apprendre et tirer les leçons de ses propres sottises, car il est composé de sots qui se prennent pour des intelligents et des compétents, alors qu’ils sont incapables d’affronter leurs adversaires publiquement dans un débat contradictoire, même lors des fausses élections. Ils aiment parler seuls et se faire écouter et entendre la résonance du son de leurs paroles.

Crise politique et crise du pouvoir

Le régime fasciste a empoisonné l’université, où les recherches, dans toutes les disciplines, ne produisent pas leurs effets bénéfiques sur la société. Pour nous limiter aux sciences sociales (économie, sociologie, politique, relations internationales), la science coloniale, telle que définie par les anciens colonisateurs, à savoir falsifier la réalité des faits, l’histoire, les évènements, etc., est toujours appliquée, car il n’y a pas de recherche scientifique libre et indépendante.

Ouvrant une parenthèse pour découvrir ce qu’écrivait Ferhat Abbas, premier président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République Algérienne), premier président de la 1er Assemblée Nationale démissionnaire pour protester contre l’usurpation de son pouvoir par l’usurpateur Benbella, dans son livre « la nuit coloniale »: « A côté des académies de guerre, d’autres académies, dites de «sciences coloniales», ont enseigné l’art de tricher ou de tromper avec profit. Exploitation de fausses informations, falsification de l’Histoire, corruption et provocation ont transformé les expéditions d’outre-mer en images d’Epinal. Le colonialisme fait toujours figure d’un archange distribuant les bienfaits de la civilisation. Le colonisé, en revanche, intervient comme un méchant homme, fauteur de troubles»

Aussi bien le pouvoir politique illégitime que les pseudo universitaires ou experts de ce même pouvoir ont appliqué, depuis 1962 à ce jour, cette science coloniale, basée sur l’art de tricher et de tromper avec succès. Ils ont tiré un immense profit, car le système perdure. Même des franges de la population ont fait de l’art de tricher et de duper leur nouvelle religion pour survivre et arracher des acquis. Comme le pouvoir leur a volé leurs vies, leurs droits, leurs libertés, leur dignité, elles ont épousé sa religion pour accéder à certaines choses matérielles.

L’intégrité, par contre, est devenue un grand luxe, inaccessible au grand nombre; et les personnes intègres sont pourchassées de leur travail, licenciées, interdits de travailler, poursuivies en justice pour les humilier et les asservir, car ils sont un mauvais exemple, surtout quand elles refusent les offres alléchantes du pouvoir pour les corrompre et les intégrer un moment pour les jeter par la suite.

D’autres intellectuels critiques ont dû s’exiler, s’expatrier pour vivre sous des cieux plus cléments. Le pouvoir les accuse d’antipatriotes et qualifie cela de fuite des cerveaux, alors que c’est lui qui l’organisent pour ne garder que les enfants, les handicapés, les invalides, les retraités, c’est-à-dire les personnes qui ne dérangent pas l’exercice paisible du pouvoir médiocre.

Les idéologues du pouvoir illégitime ont algérianisé cette science coloniale en qualifiant le peuple algérien de « R’khiss » ou indigne, de « Gachi » ou horde et meute, en plus de tous les qualificatifs qu’on peut entendre dans les cafés de commerce et répandus par les fonctionnaires du pouvoir, chargés de la propagande et de l’intoxication de l’opinion publique par le mensonge et la falsification des faits.

Cette science coloniale a corrompu les esprits, perverti les concepts bien précis. De ce fait, il n’y a pas une distinction précise entre crise politique et crise du pouvoir. Si la crise politique se définit par le manque de légitimité, donc le manque de confiance, le manque de consensus entre gouvernants et gouvernés, le manque de contrat social librement négocié pour reprendre ici une expression chère à J.J.Rousseau, la crise du pouvoir, telle que définie par Montesquieu et Samuelson, se manifeste par le fait que les gouvernants n’arrivent plus à gouverner comme avant. Ils durcissent leur méthode préférée, celle de semer la crainte, la peur, la terreur au sein de la population.

Le régime algérien, malgré sa charte sur la paix et la réconciliation nationale, a usé de la terreur, de la matraque, de la justice, etc.; pour mater toute protestation d’ordre économique, social ou politique. Il n’ose plus masquer na nature et il l’a montre et la justifie. Il est sur la défensive, car son discours menteur et trompeur n’est cru par personne, y compris par ses partisans qui ont perdu confiance en lui.

Il y a donc une crise politique, celle du manque de légitimité, qui a enfanté une crise du pouvoir, que Bouteflika veut résoudre par une réforme, qui consiste, à tout changer pour que rien ne change, pour reprendre ici une expression d’un philosophe italien.

Or la crise mère, la crise politique, le manque de légitimité, est occultée, et le pouvoir nie son existence, car sa solution passe par sa fin historique. En abordant l’effet, le pouvoir oublie la cause. Il se dirige directement contre un mur en béton armé, car en voulant régler un détail, il butera sur un autre obstacle, le tout ou le général, c’est-à-dire la crise politique qui dure depuis l’été 1962 et qui n’est pas solutionnée à ce jour.

Est-ce que la constitution et les lois ont été appliquées pour être révisées?

Cette question légitime doit être posée pour découvrir le non dit, le dissimulé dans le discours officiel sur la réforme. La réponse est que aussi bien la constitution que les lois que Bouteflika a annoncé qu’il les réviserait n’ont jamais été appliquées pour pouvoir découvrir leurs tares et leurs défauts lors de l’application.

De ce fait, leur révision n’est qu’un saut d' »humeur du prince, relevant de son bon plaisir, à moins qu’elle ne constitue pas une marchandise avariée et empoisonnée qui sera vendue aux prétendants à son succession pour semer le terrain politique de mines à retardement, car Bouteflika croit à l’adage « après moi, c’est le déluge ».

L’homme qui voulait être « Le Bon Dieu » a déclaré devant la réunion des présidents d’APC que son programme économique a échoué et qu’il s’est trompé du chemin du paradis, n’hésitera pas à invoquer d’autres motifs pour justifier son échec et celui du système qui l’a fait prince.

Conclusion

Pour conclure, notons que je n’ai trouvé aucune légitimité à cette annonce vague de réforme, comme il n’y a aucun indice de sa crédibilité. De là, je conclus qu’elle est une fausse réforme illégitime pour mieux enterrer et saborder la vraie solution à la double crise politique et du pouvoir, celle du changement pacifique et démocratique du système politique, dont la nature a été diagnostiquée, à savoir le fascisme despotique, incapable de se réformer et de se transformer en système démocratique. Les réformateurs du pouvoir ont fait l’amère expérience.

D’où la nécessité historique de faire juter ce système de pouvoir pour le remplacer par un autre, basé sur un nouveau consensus entre gouvernants et gouvernés qui n’est autre que l’élection d’une Assemblée Nationale Constituante, objectif du combat armé libérateur qui n’a pas été atteint depuis 1954 à ce jour, car en 1962, les usurpateurs du pouvoir d’hier et d’aujourd’hui ont dévié, par la force des armes et des crimes, le vaste mouvement de libération nationale, de sa trajectoire historique qui revient sur le devant de la scène sous d’autres formes.

Mâamar Boudersa
26 juin 2011

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