Médiatisé à un niveau exceptionnel, le dernier-né de Benoît XVI, intitulé Lumière du Monde, est un livre foncièrement apologétique qui vise à réhabiliter l’image du Pape et de l’Eglise face aux yeux accusateurs du monde. Un livre de 270 pages qui aide à faire le marketing de la nouvelle évangélisation, partie intégrante de l’évangélisation du monde… Mais, figurer au sommer du Best-seller ou du Hit-parade des meilleures vente constitue-t-il que ce livre possède un critère de vérité ?

 

Le Pape et son intervieweur abordent tous les points d’actualités du pontificat, les pensées leitmotive, les obstinations, voire les haines inextricablement enracinées contre l’islam et les musulmans. Il n’est pas question d’aborder la centaine de sujets présentés avec préméditation, d’une aisance de style qui dépasse la simple naïveté, mais je m’arrêterai aux cinq pages consacrées à l’Islam, via Ratisbonne, un sujet qui résume à lui seul la triste réalité d’une personne qui se dit rationnelle, se veut guide suprême du monde chrétiens et a recours à tant de détours et de contrevérités !

Commencer par dire avoir fait un discours « académique » mais qui a été lu d’un point de vu « politique », est une escapade bon marché, qui révèle en même temps à quel point l’attitude du Pape est toujours la même. Il est décevant de le voir dire : « on a arraché un texte à son contexte et on en a fait un objet politique qu’il n’était pas en soi. Il traitait une situation issue d’un dialogue ancien qui demeure du reste selon moi d’un grand intérêt », alors que c’est lui qui a été quérir une citation, qui en soi est fort douteuse, mais qui exprime son point de vu !

Décevant, certes, car le dit texte est une citation choisie avec soin, avec une haine jamais rassasiée contre l’Islam, car les citations ne sautent jamais toutes seules dans le texte qu’on écrit : c’est l’auteur qui va chercher la citation avec préméditation, soit pour prouver son point de vue, soit pour réfuter la dite citation, toujours pour l’intérêt de son œuvre. Prétendre autre chose c’est abuser de la mentalité du lecteur.

Si sa sainteté avait l’intention purement académique, comme il le dit, pourquoi aller chercher dans un texte du XIVe siècle, dont celui qui écrit l’introduction dit, dans la présentation du manuscrit de cette 7e Controverse, entre Manuel Paléologue et un Mudarris musulman, que ces entretiens eurent lieu en 1390 et que « la rédaction définitive date des toutes dernières années du XIV siècle », c’est-à-dire presque une dizaine d’années s’est écoulée entre ces controverses et leur mise par écrit «à partir des notes et des souvenirs rapportés des débats » ! Et par acquis de conscience le père Khoury d’ajouter encore dans son introduction, que : « Manuel ne savait que le grec, et l’interprète que le turc » ! Vérité qu’il répète encore une fois à la page 118, en disant : « les interlocuteurs n’entendaient pas le grec, et Manuel ignorait leur langue. On avait donc recours à des interprètes. Ceux-ci n’étaient pas forcément de bons théologiens ou des personnes compétentes en matière religieuse » ! Lorsque tel est le niveau peu compétant des acteurs, on peu facilement s’imaginer le nombre de gaffes ou de lapsus linguistiques et théologiques qui peuvent intervenir.

Et le père Théodore Khoury d’ajouter un peu plus loin : « les excès de langage, relativement rares, que l’on peut lire encore dans le texte, provienne en majeure partie des libertés que Manuel s’est permises lors de la rédaction définitive ». Et pour comble : « Manuel affirme, en effet, qu’il va citer les paroles des uns et des autres aussi fidèlement que sa mémoire le lui permettra (…) Il reconstitue le dialogue en fonction de ses notes et de ses souvenirs, mais il ne s’interdit pas certaines mises en scènes, certains artifices littéraires », et que plus d’une fois, « Manuel a sincèrement espéré que son interlocuteur se rallier à la doctrine chrétienne et renoncer à l’Islam », et d’ajouter à la page 119 : « Rappelons comment Manuel attaque la Loi de Mahomet au nom de la raison » ! Et voilà que tout est prêt pour le saint Père, surtout lorsque Théodore Khoury ajoute que l’opposition essentielle est : « la foi totale du Mudarris en la mission de Mahomet et le refus catégorique de Manuel d’y voir autre chose qu’imposture » !…

Avoir recours à une citation de quelqu’un qui ne connait pas la langue de son interlocuteur, dont le dialogue entre les deux, eut lieu par l’intermédiaire d’un tierce groupes d’interprètes « n’ayant aucune compétence en matière religieuse », c’est-à-dire du sujet de la conversation, et dont l’auteur s’est permis certaines libertés et artifices en l’écrivant, révèle le niveau désastreux et le manque de sérieux ou de véracité de la dite citation. Et si l’on ajoute que ce même Manuel, auteur du manuscrit, affirme qu’il reconstituera le dialogue aussi fidèlement que ses notes, ses souvenirs et sa mémoire le lui permettront, donc résultat : un dialogue de sourds, écrit de mémoire, après une dizaine d’années, déroulé parmi des gens qui ne connaissent pas une langue commune, avec des interventions ou des artifices de la part de l’auteur en l’écrivant ! Là, je ne peux m’empêcher de dire au très Saint-Père, avec tout le respect qui lui est dû : Si tel est le niveau de votre travail académique, comme vous tenez à qualifier cette conférence de Ratisbonne, que Dieu ait pitié de vos adeptes ou de vos lecteurs pour tous les textes que vous leur faites ingurgiter… Il n’y a aucune ‘‘subtilité’’ dans le choix de ce texte, comme vous le dites, mais une méchanceté préméditée !

« Lors de ma visite en Turquie, j’ai pu témoigner de mon respect pour l’Islam, montrer que je le reconnais comme une grande réalité religieuse avec laquelle nous devons être en dialogue » ajoute le Pape, comme preuve de sa bonne volonté ! A quoi il faut dire en passant : l’Islam n’est pas seulement « une réalité religieuse », mais une grande Religion, la seule qui soit restée intacte de parmi les trois monothéismes, depuis sa Révélation jusqu’à nos jours, et qui continue à se répandre, justement à cause de sa clarté logique, que vous refusez de saisir, et malgré cette guerre tenace que l’Institution vaticane ou ecclésiastique lui voue depuis quatorze siècles !

Il est aussi triste et décevant de lire le Pape, disant au paragraphe suivant : « Il est devenu clair que l’Islam doit traiter deux questions dans le dialogue public : elles portent sur son rapport à la violence et sur la raison », en insistant à maintenir ou à enfoncer davantage l’idée que l’islam s’est propagé avec l’épée et qu’il est loin de toute logique…

Au lieu de faire une projection aussi flagrante de tout ce que le christianisme a subi et a commis le long des âges, pour les faire endosser à l’Islam, donnez-vous la peine, très Saint-Père, au moins de passer en revue toutes les méchancetés et les mensonges que les dits Pères de l’Eglise et les historiens attenants n’ont cessé d’accabler avec l’Islam et les musulmans, alors que Théodore Khoury dit clairement à propos de ces auteurs, dans le livre que vous aviez en mains, à la page 19 : « On entend montrer l’authenticité du message chrétien et la fausseté de la religion musulmane (…) Encore plus rarement trouve-t-on produits des arguments positifs en faveur de l’excellence de la loi musulmane et de sa morale par rapport à la morale chrétienne ».

Quant à la fameuse lettre des cent trente-huit érudits islamiques, qui la signèrent de gré ou par ignorance, et qui, comme vous le dites, « ont écrit une lettre qui contient une invitation sans fard au dialogue direct avec le christianisme », il me peine de dire que c’est un des grands scandales de supercheries, car les démarches commencèrent au Vatican, selon vos ordres au Cardinale Tauran, et par l’intermédiaire de quelques uns de vos vassaux. Vous êtes arrivé par ce subterfuge à leur faire dire que nous adorons le même Dieu ! Inutile de vous dire ou de répéter en toute lettres majuscules, quitte à contredire ces honorables cent trente-huit érudits, que nous n’adorons pas le même Dieu, pour la seule et simple raison que : pour vous, chrétiens, vous adorez un être humain déifié au Ier Concile de Nicée, en 325. Un être humain qui avait des frères et des sœurs, qui mangeait, buvait, et éprouvait le besoin d’aller quelque part. Je n’ose même pas dire comme un des évangiles qu’il était « un glouton et un ivrogne » ! En faire un fils de Dieu, puis Dieu lui-même, c’est de la pure contrefaçon blasphématoire. Cette déité se trouve dans tous vos textes jusqu’au tout dernier, concernant la Journée mondiale des communications, où vous dites à la troisième page : « Même dans ce champ nous sommes appelés à annoncer notre foi que le Christ est Dieu, le Sauveur de l’homme et de l’histoire, Celui dans lequel toutes choses trouvent leur accomplissement (24.1.2011) ». Pour nous, musulmans, Jésus-Christ est un des grands prophètes, et celui qui manque à cette foi porte atteinte à son islamité. Nous adorons Dieu dans une transcendance absolue, Dieu auquel absolument rien ne lui ressemble, qui nous A Dicté dans la cent-douzième surah :

« Dis : ‘‘Il Est Allah, l’Unique, Allah vers Lequel on se dirige. Il n’A point Engendré, et n’A point Eté engendré, et n’A jamais Eu personne comme émule’’ ».

Est-il lieu d’ajouter que c’est Vatican II qui a imposé le dialogue interreligieux, c’est Vatican II qui a formé une Congrégation pour l’évangélisation des peuples, et c’est Vatican II qui a formé une Congrégation pour le dialogue interreligieux, dont le sens, d’après le texte de Dialogue et Annonce, et tous les autres textes concernant le dialogue, veut dire : gagner du temps jusqu’à ce que l’évangélisation du monde ait lieu !

Cet épisode de Ratisbonne n’est pas le seul exemple, hélas, à donner sur le niveau scientifique ou académique de ce livre minutieusement écrit pour un lavage de cerveau. Tous les sujets abordés méritent un commentaire, mais je cite comme exemple : à la page 225 l’intervieweur demande : « Il n’y a plus aucun doute que le Jésus historique et ce que l’on a appelé le ‘‘Jésus de la foi’’ sont des réalités identiques » … Et le très Saint-Père de répondre :

« C’est en quelque sorte le point central de mon livre (…) C’est qu’entre les trois évangélistes Matthieu, Marc et Luc, on transmet une seule et même histoire avec de légères variations » !

Dire que le Jésus historique et le Jésus de la foi sont identiques dépasse toutes les normes permises de la blague, c’est se moquer non seulement de tous les chrétiens et de leur niveau de compréhension, même s’il était élémentaire, mais bafouer deux mille ans d’Histoire et d’évènement vécus. Dire des trois évangélistes qu’ils racontent une seule et même histoire « avec de légères variations », c’est avouer ou certifier ne pas avoir ouvert la Bible, ce qui n’est pas de mise pour un grand Pape académicien que vous êtes !

Si sa sainteté n’a pas remarqué qu’un des évangélistes dit que Jésus est né à Nazareth et l’autre à Bethléem ; que l’un dit qu’il était de la lignée de David (Ce qui porte atteinte à sa divinité) et l’autre dit fils de Joseph ; l’un dit plus d’une fois qu’il est prophète, l’autre dit qu’il est fils de Dieu ; l’un dit la bonne nouvelle concerne Israël seulement, l’autre assure que cela concerne toutes les nations (à comprendre : les nations de l’époque) ; l’un dit c’est la délivrance d’Israël grâce à un roi et que Jésus règnera sur toutes les nations, l’autre fait dire à celui supposé être ce roi : « Je n’ai été envoyé que pour les brebis égarées de la maison d’Israël » ! L’un dit que Joseph prit l’enfant et sa mère et s’enfuirent en Egypte, l’autre dit qu’ils restèrent à Jérusalem puis retournèrent à Nazareth, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas mis les pieds en Egypte. L’un dit que jésus est venu apporter la paix, l’autre fait dire à Jésus : « Quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence » ; Matthieu fait dire à Jésus, s’adressant à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise », et le paragraphe suivant, juste le suivant, le même Matthieu fait dire à Jésus, s’adressant au même Pierre : « Passe derrière-moi, Satan ! tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des Hommes ». Phrase que répète Marc au mot près (8 : 33) et qui prouve en même temps que Jésus marquait une différence entre lui et Dieu. Donc Pierre, deux fois accusé d’être Satan, de faire obstacle à Jésus et d’être loin de la parole de Dieu, cette double accusation claire et nette n’empêcha pas la très sainte Eglise de faire sont trie sélectif.

Il n’est pas possible d’aller plus loin dans ces exemples car les contradictions se comptent par milliers dans les évangiles, ce qui nécessiterait au moins un volume et non un modeste article, mais considérer ce taux et ce niveau de contradictions pures et nettes comme étant « de légères variations » ne porte atteinte qu’aux connaissances et qu’au niveau de compréhension de celui qui le dit… C’est pourquoi je ne peux que répéter encore une fois :

Si tel est le niveau de votre travail académique, comme vous tenez à qualifier cette conférence de Ratisbonne, et votre mode de compréhension, que Dieu ait pitié de vos adeptes, ou de vos lecteurs, pour tous les textes que vous leur faites ingurgiter…

Zeinab Abdelaziz
27 janvier 2011

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