« L’Etat de droit est une situation résultant, pour une société, de sa soumission à un ordre juridique excluant l’anarchie et la justice privée. En un sens plus restreint, nom que mérite seul un ordre juridique dans lequel le respect du droit est réellement garanti au sujet de droit notamment contre l’arbitraire, synonyme de l’Etat de police. » (1)

Ici, la distinction entre l’Etat de police et l’Etat de droit est concevable dans les faits. Dans le premier, les règles protectrices des libertés touchent seulement les personnes privées, elles n’ont pas le caractère standard et général, c’est-à-dire que le caractère universel du droit est escamoté. Dans le deuxième, c’est-à-dire l’Etat de droit, les règles protectrices des libertés s’imposent aux personnes publiques et aux personnes privées. L’Etat est redevable devant la loi, son pouvoir est clairement limité devant la société qui gouverne et auquel il doit rendre des comptes. Les règles protectrices des libertés ne s’imposent pas qu’aux personnes privées, la protection juridique touche tout l’ensemble de la société. L’Etat de droit est à la fois serviteur et protecteur des libertés ; il emporte dans son sillage le caractère général, c’est-à-dire il touche tout le monde et procure sa légitimité de la protection et la promotion des libertés, il tâche donc de les développer et de s’y soumettre.

Selon B. Oppetit : « Le concept de l’Etat du droit repose sur deux piliers : le droit au droit : du point de vue formel, l’Etat de droit suppose l’existence d’un ordre juridique et une hiérarchie des normes bien établies ; mais il est également lié à l’adhésion du corps social à une exigence démocratique. À priori, le constitutionalisme participe d’une philosophie libérale, mais la revendication des droits économiques et sociaux relève davantage de la logique de l’Etat-providence et conduit à un renforcement de l’Etat. -Le droit au juge : la diversité et la hiérarchie des normes impliquent pour leur respect la mise en place de contrôles juridictionnels. Le contrôle de constitutionalité des lois assure l’intégrité de la pyramide des normes. » (2)

L’Etat moderne s’est formé en articulation avec la société, c’est-à-dire en relation avec elle. Il est la corrélation implicite des contradictions qui la traverse. L’Etat est soutenu par le droit qui lui assure la continuité, il est l’aboutissement d’une organisation et d’une reconnaissance implicite d’un ensemble de règles par une collectivité sociale donnée. Son combat pour aboutir à un stade de stabilité et de permanence durable et pacifique, lui donne le caractère politique. L’Etat se construit finalement en formant une collectivité politique regroupée par le droit. Pour que ce principe soit pris en compte, le pouvoir politique doit jouer un rôle intermédiaire entre l’Etat et la société et tâche à ce que les règles qui régissent son rapport avec elle, ne soient pas issues des principes corrompus. L’Etat en Algérie adopte les mécanismes démocratiques sans arriver à les mettre réellement en pratique, il y avait tout un autre processus qui se mettait mis en action. Le formalisme qui empreigne des institutions élues aux différents suffrages dissimule l’absence de l’Etat de droit. Il y a d’autres méthodes qui se pratiquent dans l’ombre, elles dérogent à la règle du droit et de la démocratie. Les institutions qui devaient êtres représentatives des aspirations de la société, sont issues d’une autre source en deçà de ses prédilections. Elles ne sont pas conçues selon la réalité sociale, selon son évolution et le changement de ses mœurs politiques et ses traditions, mais selon des convictions politiques ayant cru construire l’Etat à travers la révolution et l’action armée. L’Etat en Algérie se trouve en dehors du combat politique, il n’a pas été le lieu de la compétition loyale du pouvoir ou du respect de l’opinion de la majorité, mais le lieu de l’action politique de certains groupes d’hommes. Il est privatisé car issu d’une minorité ; ses règles protectrices ne touchent que des personnes privées, c’est-à-dire des particuliers. Il est donc plus proche de l’Etat de police que de l’Etat du droit. Les institutions ne se sont pas articulées à la société, ne sont pas issues d’elle. Pourtant, il n’est pas admis de soulever des réserves ou formuler des critiques vis-à-vis de l’Etat considéré comme garant de la souveraineté. Or, cette souveraineté est apparue virtuelle ; elle n’est pas émanée de la représentation majoritaire du peuple. La souveraineté est la main libre du pouvoir politique pour agir en son nom. Mais, le pouvoir n’a pas la confiance du peuple, comment sera-t-elle conçu cette souveraineté ? Il est à la base clandestin puisqu’il n’est pas issu des urnes ; il est donc révocable à tout moment. L’Etat, bâti sur des institutions démocratiques ou pas, est considéré, comme souverain peu importe la logique de laquelle il s’inspire pour asseoir son autorité. Il veut qu’il soit accepté tel qu’il est puisqu’il se charge seul du processus du développement politique et économique ; il tâche par contre de résister à toute résistance qui pourrait mettre son existence en péril. Il doit calmer le caractère révolutionnaire, le gérer convenablement, le dissiper où l’orienter vers l’extérieur pour s’assurer de l’allégeance et l’obéissance de ses sujets ; il oriente ses lacunes vers l’impérialisme par exemple. Le retard politique que propose le pouvoir aux algériens a écrit M. Harbi : « Quant à l’origine de leurs difficultés, est toujours orienté vers l’extérieur. Au lieu de le poser d’abord vers soit même, on le pose sur les autres (la France, les U.S.A., U.R.S.S. etc.)» (3)

L’intérieur est considéré comme souverain, et tous les maux viennent de l’extérieur, c’est en cela que réside l’argumentation mise en valeur de l’échec d’un pouvoir politique rejeté par son peuple jusqu’à la contestation violente. Selon les aînés, le pouvoir judicaire est au service de la révolution, il attribue à la justice le rôle de défendre ses acquis. De cette manière, il prétend défendre les masses en essayant de les incarner à travers la règle juridique et révolutionnaire à la fois. Le droit est la faculté d’agir selon ce que permet la liberté, c’est-à-dire une capacité d’action basée sur le principe de la l’égalité des conditions et des différences entres les individus. Mais, ce droit doit connaître des frontières en se limitant par un compromis social, par une force commune issue d’une volonté générale protectrice des individus à travers son caractère tranchant et décisif ; c’est en cela que réside la force de la loi. Elle est donc l’instrument qui trace les frontières du compromis social et, par conséquent, projette la construction d’un Etat. Dans notre cas, la liberté d’agir revient à ceux qui se sont démarqués par rapport au reste de la société au nom de l’acte fondateur de l’Etat. Ils se positionnent d’emblée en dehors du contrat social tacite, normalement fondateur de tout collectivité politique. Si on nie l’idée du contrat, on nie par conséquent l’idée du droit, tout simplement parce que les frontières du droit ne se sont pas définies par un consentement mutuel reconnu par tous. D’autre part, le pouvoir et la société civile ne sont pas égaux devant la loi, ce qui est valable pour l’un n’est pas valable pour l’autre et on s’est retrouvé avec deux entités séparées dans les faits, une classe politique bien démarquée et un reste laissé pour compte. C’est pourquoi le pouvoir de l’Etat est le premier à ne pas reconnaître la liberté d’autrui, il refuse donc la construction d’un Etat de droit qui garanti les libertés communes et, comme nous l’avons constaté, ce sont les hauts responsables qui commettent les plus graves dérives. La non-reconnaissance du droit se dissimule derrière la rhétorique du populisme ; les divergences qui peuvent naturellement émerger de la société sont dénigrées, voire refoulées sous prétexte que l’Etat prime la masse sur l’individu pour conserver la cohésion sociale.

Vu le caractère rentier de l’Etat, les possibilités de respecter la règle du droit afin de parvenir à un partage juste et équitable, restent pratiquement impossibles. Dans la mesure où le pays ne produit pas ses richesses, l’Etat de mérite ou de compétence n’existe pas, n’est pas vraiment nécessaire. Le pouvoir politique doit recourir aux autres mécanismes en deçà du droit pour faire passer sa politique. Il fait appel aux arguments historiques car il ne possède pas d’autre moyen pour légitimer l’exercice du pouvoir. Une argumentation avancée par une minorité se considérant au dessus de la société ; elle gère ainsi l’Etat à travers une sorte de droit particulier ou privé non applicable à tous, notamment les hauts responsables. L’Etat de police que nous avons évoqué, que ses règles ne s’appliquent seulement aux personnes privées, c’est-à-dire qui protègent les droit et les libertés des particuliers, a été mis en œuvre depuis l’indépendance parce que l’Etat ne produit pas sa richesse, et aussi parce que l’Etat est privatisé. Nous avons vu comment l’Etat de siège est entré en vigueur depuis près de vingt ans. La minorité qui jouit de ce droit, ne s’est pas tardée à le mettre en profit au détriment de l’intérêt national, comme c’était le cas de la révolution qui avait pour seul but l’assurance de la continuité du peuple algérien, et qui a été dans le même temps détournée pour servir des intérêts particuliers. En effet, cette opération se faisait en fonction des calculs personnels, sur des bases de discriminations partisanes d’adhésion ou non au même projet, aux mêmes sources révolutionnaires. Or, cette gestion politique du pays se faisant au nom de la légitimité historique, a engendré d’énormes problèmes notamment quand les caciques au pouvoir ont eu affaire à une jeune génération qui ne partage pas les mêmes convictions. Des maquis à la hargas, cette dernière, qui endure l’exclusion collective, est rentrée en dissidence.

Si la philosophie de l’Etat est basée sur le principe de l’unité national, il n’y a pas d’espace pour le privé, il n y a pas d’espace pour l’individu normalement sujet de doit, et même si cet espace existe, l’Etat se charge de l’occuper, le considérant comme un moyen d’exercer son autorité. Par conséquent, elle acarpe un espace réservé normalement à la société civile. L’Etat délègue quelques fois ses compétences au profit de la religion où le droit musulman prend la relève. Non pas comme un droit au sein d’un Etat musulman, mais en tant que religion au sein d’un Etat républicain où la religion est concurrente de l’espace juridique ; elle n’intervient pas pour colmater ses brèches, mais pour le remettre en cause. Ainsi, la religion entre en conflit avec l’Etat. L’espace juridique est en friche, les frontières entre le privé et le public, entre le domaine de l’Etat et celui de la religion ne sont pas déterminées. Le désengagement envers le statut juridique du domaine privé, veut dire également faiblesse de l’Etat et manque de sa souveraineté publique. L’Etat ne joue pas entièrement le rôle de la souveraineté juridique, car il y a tout un tas de problèmes qu’il n’arrive pas à résoudre. Le droit musulman n’accorde pas entièrement à l’Etat le pouvoir législatif dont il a besoin. Le conflit du droit s’annonce avec plus d’acuité concernant la primauté du droit musulman par rapport au droit positif. L’Etat dans ce contexte, perd une partie importante de sa souveraineté. Dans la mesure où le manque de confiance se perpétue entre l’Etat et la société et, puisque cette dernière est issue d’une culture religieuse, elle préfère parfois recourir, en cas de litige, à la religion ou à la tradition léguée par les ancêtres que d’aller vers l’arbitrage juridique de l’Etat fréquemment injuste. L’individu sujet de droit, ne prête pas allégeance complète à l’Etat reconnu en Europe par exemple en sa pleine souveraineté ; ce dernier est passé par des étapes historiques importantes, de l’Etat nature à l’Etat civil, de l’Etat absolutiste à l’Etat représentatif. Cependant, l’Etat dans les pays sous-développés, est condamné à évoluer à la merci des luttes contre l’archaïsme primitif et le despotisme tribal. L’Etat de droit regroupe toutes les tendances politiques, toutes sensibilités privées ou publiques : « l’Etat ne peut trouver devant lui que des personnes autonomes dont il peut briser la résistance individuelle pour exercer sa souveraineté sur eux. » (4) La modernité politique a montré que l’Etat en Europe par exemple, est né pour déterminer le mouvement intérieur de la société, mieux le gérer et le canaliser politiquement. À l’inverse, l’Etat en Algérie se positionne à l’intérieur pour expédier les conflits à l’extérieur, il regroupe toutes les forces pour lutter contre la domination étrangère. Il instrumentalise la religion qui devient un moyen de résistance, elle se transforme ainsi en une force supplémentaire à utiliser quand il faut, mais elle devient une faiblesse quant elle dispute une passerelle de souveraineté, notamment la souveraineté législative au sein de l’Etat. L’individu n’existe pas en tant que sujet de droit parce qu’il est absent du chimérique social, il n’est qu’une réalité confisquée dans l’imaginaire des ses gouverneurs (5).

Pour qu’on puisse parler de droit et de liberté, il faut d’abord avoir une représentation sociale de l’individu au sein même de la société. De là, on peut conclure, que pour concevoir la règle du droit : « il faut bien prendre conscience qu’un principe général du droit ne vaut qu’une proportion de sa réception dans le milieux social et l’attachement qu’il apportent les organes chargés d’émettre ou faire respecter la règles du droit. » (6) Mais, le droit est neutre par rapport à l’action sociale. Cette dernière s’inscrit dans le mouvement global de la société, mue surtout par ses propres conditions, sa propre histoire et ses propres revendications. Le droit gère l’action sociale en l’acceptant telle qu’elle est, il fait appel à l’Etat ou au pouvoir politique pour mettre son cycle en marche et garantir sa continuité. Cette continuité s’est assurée dans le cas de l’Europe à travers le mouvement de masses et la domination du raisonnement libéral. L’Etat en Algérie est né en tant qu’acte anticolonial, là, le processus est différent ; il obtient sa force du principe de la légitimité dont la société a fait le moteur principal et sur laquelle doit s’appuyer pour avoir davantage de liberté. Mais, si l’Etat retourne à la société, elle lui réclame le retour au droit, à l’égalité des chances, à la justice social, etc. Et comme ce dernier a escamoté dans son évolution lesdits principes, il se retrouve en conflit avec la société. Pour s’en sortir, l’Etat n’aura que l’exercice de la violence comme solution. Il est à souligner écrit B.Ghalion, « que l’Etat ne cesse de se développer pour composer la perte de légitimité, son efficacité, sa capacité d’opérer un réel contrôle sur son environnement et de maîtriser les leviers de commande, continue de péricliter. Ce déficit de légitimité de l’Etat aggrave le caractère apparent de la répression et le rond plus aveugle, ainsi que celui des politiques arbitraires. En effet, incapable de contrôler les choses, l’Etat tend à prendre sa revanche par la multiplication des contrôles, violents et mécaniques, presque maladifs, des hommes. » (7) La modernité politique a apporté dans son sillage une forme de modification de l’Etat, elle le voulait démocratique, compatible avec l’évolution de la société. Or, cette modernité basée dans l’ensemble, sur la coupure avec le passé et la vive volonté de construire l’Etat sur de nouvelles bases, a paradoxalement tenté de reprendre les formules du passé, ou de préférence les reproduire sous un autre angle. La culture judéo-chrétienne et le patrimoine gréco-romain se sont reformulés de manière à inscrire le passé dans la continuité du présent. Ce qui condamne la modernité n’est pas le retour à la source, mais l’enfermement et le dogmatisme stérile. L’impasse de la société musulmane réside dans le fait que toute tentative de sortir du contexte religieux, de l’interpréter en fonction des données modernes ou de le canaliser telle une pensée propre à la société où il émerge, est souvent réprimée. À la place, se poursuit le suivisme aveugle de l’occident, sans pour autant recycler les concepts de provenance étrangère aux particularismes nationaux. Toute tentative de sortir de l’impasse est condamnée à un cuisant échec, elle sombre dans les interprétations à outrance des courants multiples ; la société ne s’est pas habituée encore à la culture du dialogue. Le pouvoir politique de sa part, ferme toute initiative nouvelle, clos les portes de l’Ijtihad (l’effort de l’interprétation) en inculpant d’obscurantisme toute tentative d’adapter la religion à la modernité. Adapter la religion à la nécessité sociale pourrait débloquer ou stimuler une pensée nouvelle susceptible de représenter une alternative, mais puisque le pouvoir se positionne en haut, il prétend jouer le rôle de transmetteur de cette modernité qui exploite l’acte de sa transmission à la société comme alibi pour grader le pouvoir. Anis, il préfère que les mouvements religieux sombrent dans l’obscurantisme ; il tente même d’enfouir toute tentative nouvelle dans l’ambiguïté en l’entourant par un black-out, en faisant un amalgame entre l’islam en tant qu’acte de foi et les manœuvres politiciennes. Car il réalise parfaitement le rôle psychomoteur et l‘emprise de ce dernier sur la population. La société fait une halte, affaiblie par le coup dur du colonialisme, perplexe devant le processus de développement qu’elle n’arrive pas à mettre en marche.

Nous avons tenté, d’un point de vue théorique, de démonter la confusion des concepts qui a hypothéqué les possibilités d’établir un Etat de droit. Que se passe t-il vraiment au niveau de la pratique ? C. El Hadi a précisé que « les textes des lois sont un chiffon de papier », (8) il exprime une réalité qui n’est pas le seul à dire. « En Algérie, le formalisme juridique a eu pour conséquence flagrante, la violation presque systématique du ‘’droit’’ par ceux qui sont censés l’appliquer : fonctionnaires, généraux, ministre…. ceux-ci ont, dans les imaginaires sociaux, force de loi. » (9)

Malheureusement, cette pratique est devenu toute une culture, le commun des algériens, regardant forcement en haut, prend l’exemple de ses gouverneurs ; il ne fait que se plier à ce genre de pratiques devenant de plus en plus banales. Le citoyen doit se livrer à la débrouillardise, à la recherche hasardeuse de protection et d’appui des ‘’connaissances’’ qui submergent les rouages de l’Etat. « Il n’est pas rare que le citoyen sorte sa plus belle panoplie de népotisme, de relations bien placées, d’épaules larges, de trafic d’influence ou même d’abus de pouvoir, pour recueillir une information qui, somme toute, aurait pu être mise à la portée de tout le monde par une simple voie d’affichage. » (10) M’hamed Bouhkobsa a évoqué la question relative à l’information et l’absence de culture juridique de masse : « comment peut-on mettre en œuvre un Etat de droit en présence d’une situation où le partenaire principal (le peuple) ignore à peu près tout de ses droits et de ses obligations ? La loi est un code ; c’est notamment le code de conduite des représentants de l’Etat. Mais en l’absence d’une connaissance fût-elle rudimentaire de ce code, de la part des citoyens, on risque de faire de ces derniers des éléments totalement passifs. » (11) Certainement, le manque de la culture juridique dans une société, complique son intégration politique. Le rôle de la socialisation est ainsi important, il sert à rendre les différentes générations plus familières avec la culture du droit. L’éducation est importante, elle est même le remède et l’alternative. Or, lorsque l’éduqué manque son groupe de référence, la matière éducative n’aura qu’une application limitée dans le temps, qu’une application éphémère, et par conséquent, elle n’aura pas d’effet. Concernant le respect de la règle de droit, l’individu ordinaire est plutôt habitué à percevoir les phénomènes les plus manifestes, les plus flagrants ; il se tourne inconsciemment vers ses gouverneurs qui sont la référence, voire l’exemple à suivre. Il se confond dans un inconscient collectif où les textes de lois ne sont qu’un chiffon de papier. Nous avons tenté au niveau de la pratique de faire valoir les concepts susceptibles de clarifier si un état est démocratique. L’Etat de droit est au cœur de la démocratie. Les pratiques mises en œuvres citées ci-dessus, sont hostiles à l’Etat de droit donc à la démocratie. Le clanisme, la privatisation du pouvoir, le refus du pluralisme sont tous des concepts que le pouvoir a substitués aux règles démocratiques.

A l’origine de ce système bâtard, écrit B. Ghalion, « de l’institution de toutes les discriminations, du pillage, et du gaspillage, de l’incohérence et des mégalomanies à la limite de la folie, de ce système destructeur et ravageur, appelé scandaleusement développement ou modernisation, se trouve l’alliance entre les militaire soutenus par une armée gonflée légitiment au maximum pour faire face à la menace extérieure, les rentier constitués en Etat assis sur des réserves des hydrocarbures et une étendue difforme et hétéroclite de classes moyennes fraîchement arraché à la pauvreté à l’isolement et à l’inculture ». Ce système « tant en effet à transformer la classe politique en une élite sacralisée, une sorte de noblesse qui fonde sa légitimité sur la discrimination et la distinction, et non sur les critères de compétence et le service de la nation. Faussant ainsi le jeu de la concurrence politique, cette élite n’a qu’une seule source de cohésion : mobiliser en son sein les solidarités naturelles claniques, confessionnelles, tribales ou corporatives. Dans ces conditions c’est le groupe le plus (naturellement cohésif) et compact, c’est-à-dire qui procède moins que les autres une conception politique d’ensemble ou un sens réel de responsabilité nationale qui conserve les meilleures chances de l’emporter » (12).

Hammou Boudaoud
17 décembre 2010

Références :

(1) G. Cornu, vocabulaire juridique, PUF, 1987, p 352.
(2) B Oppetit, Philosophie du droit, Dalloz, collection précis, 1999 p 96.
(3) Chalabi El Hadi, L’Algérie et l’Etat du droit, op.cit., p. 4
(4) Addi Lhouari, Etat et pouvoir dans les sociétés de tires monde, op. cit., p. 396
(5) Harbi Mohammed, « Violence, nationalisme, islamisme », op. cit., p. 38
(6) Ahmed Mahiou cité par Addi Lhouari, Etat et pouvoir dans les sociétés du tiers monde, op.cit., p. 147
(7) Chalion Burhan, Le malaise Arabe, l’Etat contre la nation, op.cit ; p116
(8) Chalabi El Hadi, L’Algérie et l’Etat du droit, Ed Arcantère, op.cit. p. 6
(9) Roudjdia Ahmed, Grandeur et décadence de l’Etat algérien, op.cit., p. 262
(10) Ibid.
(11) Boukhobza M’hamed octobre 88. Évolution ou rupture cité par Roudjdia Ahmed, Grandeur et décadence de l’Etat algérien, op. cit., p 246
(12) Chalion Burhan, Le malaise Arabe, l’Etat contre la nation, op.cit. ; p-p 114-115.

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