Le premier devoir des journalistes est d’informer les gens. A cet effet, la déclaration des droits et des devoirs des journalistes, adoptée en 1971 à Munich stipule : « Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. »

Une mission dont ne semble pas s’encombrer outre mesure la presse algérienne, puisqu’elle censure délibérément les activités de tout un pan de l’opposition politique qui ne jouit pas de sa sympathie. C’est, entre autres, le cas du mouvement pour le changement démocratique, représenté par le docteur Sidhoum, qui subit un véritable black-out des médias algériens. Militant pour le changement du système politique du pays et l’instauration de l’Etat de droit, ce mouvement d’essence citoyenne est carrément ostracisé pour ne pas dire plus, de la part de ceux qui sont sensés informer l’opinion. Depuis le début des activités de ce mouvement en 2009, notamment à travers l’Appel du 19 mars qui a mobilisé de nombreux Algériens, pas un journal n’a ouvert ses colonnes pour souligner, ne serait-ce que l’existence d’un mouvement pour le changement démocratique. Et ce, en dépit du soutien que lui apportent plusieurs personnalités politiques et des intellectuels de renom.

Je trouve particulièrement regrettable que le dernier document important de ce mouvement, portant Appel à mobilisation pour un compromis politique historique n’ait pas été le moindrement médiatisé sur la scène nationale. Ce mépris de la presse algérienne est d’autant plus triste, qu’il s’agit d’un document diffusé le 1er novembre 2010, pour faire la jonction avec la déclaration du 1er novembre 1954, qui a scellé l’histoire de la libération de notre pays, dont il s’inspire largement.

A un moment où l’Algérie est embourbée dans une crise dont les conséquences risquent d’être catastrophiques, tout citoyen algérien est investi du devoir de contribuer à tout projet ou initiative, qu’il juge en mesure d’aider son pays. Aussi, brimer cet engagement citoyen en le marginalisant et en lui refusant la parole, relève d’un déni du droit à l’expression. Et qui d’autres, mieux que les journalistes, savent l’importance de l’expression pour transmettre les idées et permettre aux citoyens de réfléchir ensemble pour résoudre leurs problèmes, et dégager les voies d’un meilleur avenir commun.

S’il est entendu que chaque titre a sa ligne éditoriale et par conséquent s’accorde le droit de refuser certaines plumes, il n’est pas concevable que tous les médias se mettent au diapason pour refuser la parole à des groupes de citoyens qui activent pacifiquement pour mettre fin à la dictature.

Il n’y a rien de plus triste que des journalistes, eux-mêmes brimés par un système politique oppresseur, se mettent à appliquer le même traitement à leurs concitoyens. Des femmes et des hommes interpellés par le malaise qui ronge leur société et qui décident de prendre leurs responsabilités, en appelant à la mobilisation citoyenne pour mettre fin au désordre de leur pays et contribuer à l’émergence d’une culture démocratique, prélude à l’Etat de droit. Leur projet de création d’un front national pour le changement démocratique présente une chance qu’on devrait compter au profit de l’Algérie. D’autant que de nombreux observateurs de la scène politique et sociale convergent aujourd’hui pour dire que seul un mouvement d’union nationale est en mesure de changer le système politique du pays. Et c’est justement dans cette perspective qu’intervient le projet de front pour le changement démocratique, qui depuis le début de ses activités ambitionne de sceller cette union entre les Algériens, et ce, par-delà, toutes les contingences dogmatiques qui s’interposent entre eux et cet État de droit qu’ils appellent pourtant, de tous leurs vœux.
 
C’est fort regrettable qu’un projet qui prône l’union des citoyens pour une Algérie meilleure soit frappé d’interdiction de parole, alors que les détracteurs de ce pays font la pluie et le beau temps en squattant à l’année longue les colonnes de nos journaux.

Zehira Houfani
5 novembre 2010

Texte publié aussi sur le Quotidien d’Algérie

Comments are closed.

Exit mobile version