« Ne me dérangez plus. Si je reviens aux affaires, ce sera comme président », aurait dit à ses pairs le général à la retraite Mohamed Lamari, ex-chef d’état-major de l’ANP. Cette dernière sentence serait la conclusion de nombreuses tractations visant à le faire revenir dans le cercle restreint et actif des décideurs du pouvoir.

Depuis la mise à l’écart de Chadli Bendjedid en janvier 1992, le général Lamari s’était imposé comme un acteur majeur du grand jeu politico-militaire à la tête de l’Etat.

Natif de Biskra en 1939, l’histoire connue le classe parmi les DAF (déserteurs de l’armée française) ayant rejoint l’ALN à Tunis en 1961. Mais une autre source infirme cette version, selon laquelle il était en fait gardien de prison et aurait organisé l’évasion de détenus algériens.

La carrière fulgurante du général Lamari

Après avoir gravi tous les échelons de la carrière militaire, le général Mohamed Lamari était Commandant en chef des forces terrestres lors du putsh de janvier 1992. Classé parmi les gros bras de l’ANP, massif et brutal comme Khaled Nezzar, il fait partie des généraux «janviéristes» qui ont poussé Chadli Bendjedid à la démission, annulé le résultat des élections de décembre 1991 et stoppé violemment le processus démocratique.

Depuis son intronisation à la tête du Haut Comité d’Etat le 16 janvier 1992, Mohamed Boudiaf ne supportait pas la brutalité et le langage « très fleuri » de Lamari. Il décida son limogeage le 29 mars 1992, sans consulter la hiérarchie militaire. Mais après son assassinat en juin 1992, Mohamed Lamari reviendra vite au premier plan.

Le général major Khaled Nezzar, ministre de la Défense, l’élèvera en juillet au grade de général major en lui assignant comme objectif d’organiser les forces spéciales de l’ANP au sein d’une nouvelle structure appelée CCC/ALAS (Centre de conduite et de coordination des actions de lutte anti-subversive), communément appelée CLAS, qui fut opérationnel en septembre 1992.

Un an après, en juillet 1993, Lamari fut nommé chef d’état-major de l’ANP, en remplacement du général Abdelmalek Guenaizia. Il conservera ce poste 11 ans jusqu’à sa démission en août 2004. Avant lui, ses quatre prédécesseurs après Chadli étaient restés moins de trois ans en poste. (1)

Cette longévité et position de force ont donné à Lamari un ascendant certain sur ses pairs et sur le président en exercice. Il ne s’exprimait jamais en public, mais signait dans la revue de l’ANP, El Djeïch, un « Ordre du Jour », censé donner la position de l’armée sur des sujets de fond.

Après avoir contribué à la mise à l’écart des présidents Chadli en 1992 et Zeroual en 1999, il ne réussira pas la passe de trois. Manifestant son rejet d’un deuxième mandat de Bouteflika, et soutenant ouvertement le prétendant Ali Benflis, il fut lâché et désavoué par les autres généraux, notamment le patron du DRS, le général Mohamed Mediene dit Toufik, qui «succombèrent» aux pressions étrangères pour la reconduction de Bouteflika. Lamari en tira les conséquences en démissionnant. (2)

Le retour avorté de Lamari

Le départ à la retraite de Lamari a laissé le champ libre au général Mediene pour devenir le vrai patron de l’armée et exercer quasiment seul le contre-pouvoir militaire au pouvoir présidentiel de Bouteflika au sein même du gouvernement où chacun a placé ses hommes chargés de gérer la partage de la rente.

D’autant plus que Bouteflika et Mediene se sont entendus pour écarter leur protecteur et «parrain du régime» depuis les années 1980, le général Larbi Belkheir nommé ambassadeur au Maroc en 2005.

Mais dès l’annonce officielle en septembre 2008, puis le vote par le Parlement le 12 novembre, de la révision constitutionnelle pour donner à Bouteflika un 3ème mandat, le malaise sociopolitique a atteint le moral des troupes.

De nombreux officiers déçus et scandalisés ont présenté leur démission. L’affolement a gagné l’état-major et une mise en scène a été rapidement organisée le 12 février 2009, lors de l’annonce de la candidature de Bouteflika à un 3ème mandat.

Le général Mohamed Lamari était assis au premier rang à côté de l’ancien chef du gouvernement Belaid Abdeslam, celui-là même qu’il avait limogé en août 1993. Lamari était le plus visible de la brochette de généraux rappelés en catastrophe pour montrer aux algériens, mais surtout aux militaires, un consensus majoritaire au sein de l’armée pour la reconduction de Bouteflika.

La presse s’interrogeait à mots couverts sur cette réapparition surprise du général Lamari. Seul un cercle d’initiés savait que l’ex chef d’état-major avait été sollicité pour remplacer Abdelmalek Guenaizia, comme ministre délégué auprès du ministre la Défense nationale.

Mais les négociations ont buté sur l’appellation exacte du poste. Lamari voulait être nommé Ministre de la Défense et non ministre délégué ou secrétaire d’Etat. Evidemment, ni Bouteflika, ni Mediene n’ont voulu donner les pleins pouvoirs de l’armée à Lamari.

C’est ce désaccord qui explique le retard à l’annonce d’un changement de gouvernement après la réélection de Bouteflika en avril 2009.

Lamari veut-il succéder à Bouteflika ?

La confusion au sommet a été aggravée par la maladie du général Belkheir, entré dans un profond coma, annoncé officieusement mort le 25 mars 2009 juste avant l’élection, avant d’être démenti. Son décès sera officiellement déclaré le 28 janvier 2010.

Depuis cette annonce officielle, une nouvelle dynamique s’est installée à la tête de l’armée. Le marasme politique et économique dans lequel était plongée l’Algérie ne pouvait plus durer. La maladie du président, la surprenante prétention de son frère Saïd à lui succéder, la boulimie et l’arrogance du clan d’Oujda, l’inquiétante recrudescence du terrorisme au Sahel ont incité l’armée à préparer sérieusement la succession de Bouteflika. (3)

De nouveau pressenti pour jouer le rôle de parrain du système en remplacement de Belkheir, Lamari a été sollicité pour diriger un nouveau ministère de la Sécurité Nationale, regroupant sous sa tutelle tous les corps de sécurité sauf l’armée.

Des fuites dans la presse annonçaient même la création imminente de ce super ministère qui briguait aussi le ministre de l’intérieur Nourredine Zerhouni.

Mais lorsque des discussions détaillées du plan de charge de ce ministère ont été entamées, Mohamed Lamari a été informé de l’ampleur des affaires de corruption qu’il devait gérer (Sonatrach, autoroute est-ouest, etc.). Il a très mal pris le nouveau rôle qu’on voulait lui faire jouer : celui d’être le bourreau des cadres dirigeants après avoir été celui des islamistes radicaux. Il a refusé sèchement de revêtir cet habit de geôlier.

Le général Mediene a donc pris la responsabilité de donner lui-même un grand coup de pied dans la fourmilière de la corruption dont il connaît les moindres détails. Ce sont les agents du DRS qui ont mené les principales enquêtes qui ont défrayé la chronique et jeté en prison ou en pâture de nombreux responsables d’entreprises.

Le lancement de l’opération anti-corruption a précédé le remaniement gouvernemental du 28 mai 2010 qui a écarté les hommes les plus influents du président.

Mais la crise de gouvernance du pays ne s’est pas estompée pour autant. La déréglementation économique, la fuite des IDE et les conflits interminables et inqualifiables comme celui de Djezzy prouvent que le premier ministre Ahmed Ouyahia est un sous-homme d’Etat ridiculisé par l’homme d’affaires égyptien Naguib Sawiris et haï par tout ce que le pays compte comme chefs d’entreprises.

La grave détérioration de la situation au Sahel, malgré toutes les initiatives conjointes avec les pays voisins, démontre que le chef d’état-major de l’ANP Salah Gaïd n’a aucune autorité internationale et a largement atteint ses limites de commandement.

Selon des indiscrétions plusieurs généraux ne cessent d’appeler Mohamed Lamari pour se plaindre et lui demander de revenir aux affaires. Il leur répond : « Je suis en retraite », avant de raccrocher.

A un de ses interlocuteurs, il aurait dit : « J’ai déjà été chef de l’armée pendant 11 ans. La gestion quotidienne d’un ministère ne m’intéresse pas. Si jamais je reviens, ce sera comme président. »

Est-ce une boutade, une façon de décliner tout retour aux affaires, ou bien une réelle ambition ? L’avenir le dira.

Saâd Lounès
13 octobre 2010

Notes :

(1) Chefs d’État-major de l’ANP : Ahmed Gaïd Salah depuis 2004 ; Mohamed Lamari (1993-2004) ; Abdelmalek Guenaizia (1990-1993); Khaled Nezzar (1988-1990) ; Abdellah Belhouchet (1986-1988) ; Mostefa Belloucif (1984-1986) ; Tahar Zbiri (1963-1967). Les présidents Houari Boumediene (1967-1978) et Chadli Bendjedid (1979-1984) cumulaient cette fonction avec celle de ministre de la défense.
(2) Fin d’une transition et nouveaux enjeux militaires
http://saadlounes.unblog.fr/files/2007/09/20040817findunetransitionetnouveauxenjeuxmilitaires.pdf
(3) L’Armée prépare la succession de Bouteflika
http://www.lematindz.net/news/2902-opinion-larmee-prepare-la-succession-de-bouteflika.html

6 commentaires

  1. A 71 ans, il est encore jeune…un conseil: avant de donner les clés à Lamari, il faut d’abord penser à former une armée de cuisiniers au palais d’El Mouradia…

    Si Salah

    • Au sujet de Lamari
      Khouya Si Salah,

      Vous oubliez aussi qu’il faudra 4 x 365 moutons importés de nouvelle-zélande pour ses méchouis quotidiens, des milliers de coqs français pour ses petits déjeuners.

      Pour les tetes coupées et les oreilles coupées sur son bureau, pour clamer ses migraines quotidiennes, pas besoin d’importer, il les fera récupérer sur les corps d’algériens.

      • il ne manquait que ça!!!!!
        rien à dire sauf que j’essaie d’imaginer un « lamari » president et  » gaid salah » chef de gouvernement

  2. mellissa on

    a dieux les embition
    la fatalité de l’homme .il mort aujourd’hui 13/02/2012
    ne prendra qu’avec luis qu’un morceau de tissu

  3. Rempli-de-joie on

    Condoléances à Saâd Lounès.
    @ — Saâd Lounès :

    Ton général vient de crever. Trouve-toi un autre ! Allez, cherche !

  4. il est mort, point à la ligne
    Il n’est pas nécissaire de lui enlever des SAYI-ATE, il est mort, le problème ne se pose plus.. ceux qui restent c’Est eux le big probleme….
    Comme disé l’autre: 3azril vient d’ouvrir le dossier de nos dinosors, Al-3arbi Bel-Chare, L’emhari, Al-3amari, c’est qui le 3 ièmne xxxx-ari…
    pas de revolution c’est le temps qui va faire son effet…
    Witney wiston et l’amari dans le même convoi…qu’elle chance il a ….

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