Comme nous l’avons constaté, l’Algérie a été à l’abri de la crise mondiale actuelle. Naturellement, les prix des hydrocarbures l’ont épargnée de l’assèchement des ressources. Cette crise aigue qui a rendu la reprise économique peu probable, n’a pas touché l’Algérie parce que cette dernière est déconnectée de la scène économique mondiale. Or, l’Algérie peut tirer profit de cette crise si elle exploite sa manne financière et si elle entame des réformes structurelles, clé de voute de toute stabilité économique et sociale.

La réalité politique

L’Algérie est le pays de la contradiction. Or, la contradiction est un synonyme de gestation, de quelque chose qui se trame, car tout mouvement est un signe de vie. Certes, le projet démocratique, conçu il y a prés de deux décennies, celui de la révolte d’un peuple montrant son refus catégorique de la gestion désastreuse de l’espace politique et économique de la période post indépendance est jeté aux calendes grecques. Mais, il n’y a jamais eu un compromis, un mutisme complice, une aliénation ou un suivisme assuré normalement à travers les allégeances que devraient assurer les réseaux clientélistes alimentés par la rente (pétrolière).

Il s’agit d’inféoder la société et la réduire à ses sources de survie. Il se trouve donc un pouvoir et une société séparés dans les faits ; ils ne sont pas imbriqués de manière interactionnelle où l’un tire sa force et sa légitimité de l’autre. Le pouvoir ne tire pas force de la société mais plutôt de son contrôle intégral. Comme l’ont suggéré les spécialistes, l’Etat arabe, en décalage avec la réalité sociale, après avoir raté sa mission de moderniser la société, a cultivé l’autoritarisme. « L’Etat ne cesse de se développer pour composer la perte de légitimité, son efficacité, sa capacité d’opérer un réel contrôle sur son environnement et de maitriser les leviers de commande, continue de péricliter. Ce déficit de légitimité de l’Etat aggrave le caractère apparent de la répression et le rond plus aveugle, ainsi que celui des politiques arbitraires. En effet, incapable de contrôler les choses, l’Etat tend à prendre sa revanche par la multiplication des contrôles, violents et mécaniques, presque maladifs, des hommes.» (1).

La révolte sociale jusqu’à la contestation violente explique l’échec de l’Etat modernisateur. Le pouvoir politique inspiré par la logique néo-patrimoniale a accaparé l’Etat ; ce dernier qui est le fruit du politique se réduit au fonctionnement administratif, voire bureaucratique rigide, contraignant et parfois obstacle pour le développement. L’administration n’est qu’un moyen de rendre service au sein d’un secteur public ou privé. Elle a pour but de rendre le fonctionnement de l’économie plus fluide ; or, la corruption logée dans les enceintes de l’administration a laminé le fonctionnement normal. Il faut voir combien de procédures administratives faut-il faire pour créer une entreprise en Algérie, acheter une maison, faire un commerce ou se livrer à une autre activité économique quelconque. Les lois issues de cette bureaucratie et les projets qu’elle envisage concrétiser, ne sont pas le fruit d’un consentement ou d’une consultation mutuelle, ils sont issus d’un seul pouvoir monolithique, ils ne peuvent pas être viables parce qu’ils ne sont pas représentatives.

Et puisque le pouvoir et la société sont séparés, les lois promulguées deviennent un moyen aux mains du pouvoir pour contrôler la société et la maintenir dans une liberté surveillée. Son autonomie ou son émancipation implique le renversement de l’ordre des choses, c’est-à-dire la prise du pouvoir. Pour maintenir le statuquo, se déclenche un bras de fer entre les deux composants du corps social, à savoir le pouvoir et la société. Se déploient les moyens tels la distribution de la rente, la clientélisation, l’infiltration et le noyautage ; la société commence à perdre peu à peu son autonomie. Mais cela ne veut pas dire qu’elle a perdu sa détermination de reprendre son processus de formation en main ou a oublié ses revendissions de base.

Les grèves se succèdent sans commune meure, l’éducation, la santé, les universités et finalement les ouvriers de l’industrie. Les syndicats autonomes ont vu le jour, plus déterminés et rigoureux puisque les syndicats étatiques se sont avérées vaines, les grèves n’ont pas cessé, ni diminué, elles sont devenues un langage commun entre le pouvoir et la société. Mais, chacun les conçoit à sa manière. Le pouvoir fonctionne à l’émeute et l’agitation sociale ; elles sont pour lui une source de légitimité, tandis que la société espère à travers la multiplication de ces grèves, renouveler son refus de la politique de l’exclusion dont elle souffre. Elle tente d’obtenir gain de cause de ses revendications. Sa manière de vouloir extirper son marasme et le transformer en une réussite est révélatrice. Elle nous démontre une forme de contradiction, mais cela est l’essence même de l’être, de l’individu, de l’Etat ou de la société ; le risque est dans la permanence de ces contradictions. Car la société risque le chaos mortel si elle y reste longtemps a souligné Hegel. Il faut qu’elle passe à l’action, à la concrétisation de ses objectifs.

L’Algérie est à la croisée des chemins, elle est devant son destin ; si elle ne se précipite pas pour le prendre en main, elle laissera passer l’occasion et restera toujours dans les amertumes de ses échecs. Sans oublier la généralisation de la corruption dans la société rendant la vie difficile à tout Algérien honnête et paralysant le fonctionnement général de l’Etat ; il faut relever ce constat. Sans oublier la dégradation des mœurs politiques et sociales prenant de plus en plus de l’ampleur, sans oublier la décadence du système éducatif où le travail et le mérite ne sont pas le groupe de référence. Il faut poser la question suivante, l’Algérie a-t-elle les moyens de se prendre en charge ?

L’incertitude du pouvoir, ses tentatives alternées de résorber en lui la société civile et la contrôler, sa méfiance démesurée vis-à-vis d’elle, sont des signes de faiblesse. Le pouvoir déploie toutes les méthodes ; il se trouve devant une réalité politique et sociale qui s’impose avec acuité ; pour continuer à survivre, il faut qu’il tienne compte de cette réalité.

Sur le plan politique et, devant la question épineuse, celle de la succession au pouvoir, ce dernier qui se succède à lui-même, se trouve en crise. Nous l’avons bien remarqué, les rapports entre les clans au sommet de l’Etat ne sont pas au beau fixe. Les récriminations, les petites phrases assassines, les regards vindicatifs et la mise en marche de relais et de réseaux interposés pour exploiter les failles de chaque antagoniste. Selon nombre observateurs, la lutte au sommet du pouvoir relève comme toujours de la guerre de clans. Selon Ahmed Benbitour, « la campagne de la lutte contre la corruption n’est qu’un slogan créé par ceux qui ont persévéré pour ancrer ce fléau dans les différentes classes sociales. » (2).

Une bonne partie de la classe politique est persuadée qu’il s’agit de « règlement de compte », de « lutte de clans » de « lutte d’influence ». Said Saadi, Moussa Touati, Ali Faouzi Rabaïn, Abdennour Ali-Yahia et même Abedlaziz Belkadem, évoquent tous, de manière successive, les luttes âpres des clans au pouvoir. En bon connaisseur des rouages du système, le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), le docteur Said Saadi, s’est demandé pourquoi les dossiers de corruption ne sont dévoilés qu’aujourd’hui, alors qu’ils étaient disponibles chez les services de sécurité depuis longtemps. « On tape à la périphérie. Les gros dossiers sont enfuis. Les grosses corruptions ne sont pas dévoilées. Il s’agit manifestement de lutte de clans. Il y a un clan qui veut régler ses comptes avec l’autre. Qu’on ne nous demande pas de choisir notre camp. » « La centralisation et le coffre-fort de la corruption », a lancé Said Saadi. L’avocat des droits de l’homme, maître Abdennour Ali-Yahia, a évoqué la « rupture au sommet de l’Etat », un « déchirement au sein du pouvoir ». (3)

Concernant la question que nous avons évoquée, celle de la succession au pouvoir, l’éclatement pourrait être fort probable. Le deuxième scénario, un arrangement serait trouvé dans le futur proche et le système revient à ses propres habitudes, à ses propres mécanismes de défense pour tomber d’accord sur une politique de consensus. Enfin, ce serait peut-être le choix de l’ouverture politique démocratique, mais cela implique d’abord une société civile autonome capable de concevoir un projet viable et durable de société. Malgré les contestations alternées, dans tous les secteurs, une véritable politique d’ouverture semble encore loin, ou du moins, il n’y a pas de paramètres sur lesquels nous pouvons s’appuyer pour dire que cette option est envisageable dès demain.

La réalité économique

Sur le plan économique, les réformes s’imposent d’elles-mêmes, le système politique ne peut continuer à fonctionner s’il ne revoit pas certains points, l’Algérie n’a pas osé arriver au bout de ses engagements pour une économie libérale. Nous avons bien constaté la volte-face, la stratégie de rectifier le tire à mi-chemin. La loi de finance complémentaire de juillet 2009, a montré à bien des égards, ne serait-ce qu’au niveau de la confiance, élément essentiel dans l’économie, que le gouvernement a rectifié sa politique libérale. Nous avons vu le protectionnisme économique battre son plein. Or, cette démarche est une mesure à double tranchant. L’Etat algérien, étant souverain, doit respecter ses engagements et ses accords internationaux s’il veut éviter de s’isoler des nouvelles mutations mondiales.

C’est vrai que le protectionnisme est de mise, mais il faut respecter ses engagements pour démontrer une preuve de sérieux dans un climat économique international où la confiance a largement diminué. Il faut que l’Algérie réalise une certaine stabilité juridique. Ces changements d’organisation périodiques, parfois à l’humeur du jour, entravent la dynamique économique et démotivent les cadres du secteur économique public, les investisseurs locaux et étrangers, parce qu’ils montrent davantage la dominance de la démarche bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique, assistant plutôt au souci de dépenses monétaires, aux réalisations physiques sans se préoccuper de la bonne gestion, notamment dans les rapports entre les coûts et la qualité.

Sans regarder les impacts économiques et sociaux, nous avons assisté à un gaspillage des ressources financières et à un renforcement de la dynamique rentière. L’instabilité juridique caractérisée par un changement spontané des lois économiques est le reflet de l’ambigüité dans la gestion des capitaux marchands de l’Etat qui traduit en réalité la faiblesse de l’action et de l’entreprise au sommet du pouvoir et qui explique le manque de visibilité et de cohérence de la politique économique et sociale. Elle est aussi le reflet d’une économie rentière dépendante des aléas de la conjoncture.

Si l’Algérie veut développer une économie viable, sans aller aux extrémités de l’économie libérale comme elle tente de la faire, il faut qu’elle opte pour une économie sociale de marché. C’est le seul choix approprié si elle veut concevoir une stratégie économique basée sur la réalité sociale algérienne. Et si dans le même temps elle veut renoncer à sa tradition dirigiste opaque en matière économique, il faut que l’administration, présente dans la sphère publique, soit neutre dans l’opération économique, sa prépondérance se justifie normalement par la prestation des services qu’elle a le pouvoir de proposer, elle ne serait viable que par la puissance du service.

L’économie de marché à laquelle l’Algérie aspire, doit conserver une justice sociale sachant qu’on dépend toujours d’une économie distributive et non d’une économie productive. On le voit durant la crise mondiale actuelle, que l’idée de « la main invisible du marché » est devenue obsolète. Le système dans lequel s’épanouit l’investissement est un système social où l’Etat n’est pas neutre par rapport à l’activité économique. Il intervient pour motiver la demande intérieure à travers une politique des salaires, de redistribution des richesses et en conservant un équilibre social à travers une politique fiscale. Selon les enquête disponibles, la salarisation en Algérie est en nette baisse, étant passée, en 20 ans environ, de 50% à moins de 20% en 2008/2009 dans la structure du produit intérieur brut contre une moyenne supérieure à 50/60% dans les pays développés et émergent. La baisse de la salarisation dans la structure du revenu en Algérie, s’étant faite au profit des indépendants et des couches rentières avec une concentration excessive, fonction du mode d’accumulation reposant sur la captation de la rente pétrolière.

Un système économique cohérent est celui qui encourage l’investissement. Il implique une politique cohérente des salaires, il permet, selon Keynes, la réalisation de la demande effective, c’est-à-dire la consommation, l’épargne et l’investissement. Pour atteindre l’objectif et réussir ce pari économique, il faut stimuler l’esprit créatif à travers la conception d’un système éducatif cohérent, adéquat à la réalité sociale. Il faut encourager la recherche en reliant l’université à l’entreprise et améliorer la situation sociale à travers la modernisation du système de santé. Il faut finalement revoir la politique monétaire, et la dévaluation appauvrissante qui a fait perdre le pouvoir d’achat rendant la facture des importations insupportable.

Ce sont des mesures inéluctables si l’Algérie veut intégrer cette mutation mondiale qui devient de plus en plus une réalité. Si la chute du mur de Berlin a amené une forme de mutation dans le monde suite à l’effondrement du bloc soviétique, en amenant dans son sillage le régime algérien à changer de stratégie, à substituer le parti unique par un pluralisme pour prolonger sa survie, la crise économique mondiale actuelle implique plus que jamais de concevoir de véritables réformes car le monde est apparemment en mutation. La crise a modifié la carte de l’économie mondiale. Des positions sans remises en questions. Au sein de l’Europe une Allemagne performante se distingue d’une Espagne affaiblie ; « quant aux pays émergeants ils ne sont pas logés dans la même enseigne. Il y a ceux qui dépendent de l’extérieur et ceux qui ont un immense marché intérieur comme le Brésil ou la Chine » (4). « D’un côté vous avez une croissance potentielle de 10%, et de l’autre, dans les pays développés, de 2 à 3,5% » (5).

Réformes et plans de sauvetage dans le monde

Au début de 2008, le gouvernement fédéral américain avait mis de l’avant un programme de relance de 168 milliards USD (6), il a mis en place le plan Paulsan, un programme de 700 milliards USD d’apurement à la crise financière (7). Le 28 octobre 2008, le gouvernement du Royaume-Uni a créé un plan de sauvetage bancaire (8). Le 30 octobre, le Japon a annoncé un plan de relance de 260 milliards de dollars américain, l’Allemagne a annoncé un plan de relace de 260 milliards. La Chine, de sa part, a annoncé le 9 novembre un plan de relance de 15% du PNB dans les deux ans à venir pour relancer la croissance (4000 milliards de yuans, soit 454 milliard d’euros ou 573 dollars américains). Le 14 décembre, le président français a présenté un plan de relance de 26 milliards d’euros, 11,4 milliards destinés au soutien de la trésorerie des entreprises, 10,5 milliards aux investissements publics, 2 milliards au logement et l’automobile, 1,2 milliards aux mesures en faveur de l’emploi, 0,8 milliards à la prime de solidarisé active (9).

Toutefois, pour Daniel Cohen, l’excès de liquidités au Etats-Unis ne viendrait pas principalement des politiques monétaires et notamment celle d’Alan Greenspan qui est souvent vu comme à l’origine de la présente crise financière. Elle tiendrait surtout à deux facteurs plus structurels : le fort excédent commercial chinois et les pays producteurs des matières premières qui ont placé une très grande part de leurs excédents sur les marchés financiers (10).

Selon Hélène Rey, professeur à London Busines School, le risque de stagnation appelle des politiques de relance budgétaire, celles-ci peuvent également constituer une menace pour la capacité à émettre de la dette pour les Etats. Elle a estimé à 525 milliards de dollars le montant nécessaire pour maintenir aux Etats-Unis le taux de chômage à 5%. Dans ce cas, concernant la situation financière, beaucoup d’économies risquent de dépendre de ce que l’Etat pourrait retirer de la revente des parts des banques et des institutions financières qu’il a recapitalisées (11).

Or, cette politique de financement mêlée aux déclarations rassurantes des politiques et de certains économistes quant au retour imminent de la croissance ne sont pas corroborées par les statistiques du chômage. Quelques 651.000 emplois ont été supprimés au mois de février dernier aux Etats-Unis. Le taux de chômage américain grimpe ainsi à 8,1%, ce qui correspond à son plus haut niveau depuis 1983. Le nombre des chômeurs atteint désormais 12,5 millions, selon le décompte officiel du ministère. À cela s’ajoute près de 5,6 millions de personnes disant vouloir trouver un emploi mais non comptabilisées dans la population active pour divers raison. Autant au niveau du chômage qu’au niveau de l’endettement, la situation n’est pas bonne ; le sénat américain a approuvé le relèvement du plafond de la dette américaine de 12.374 à 14.294 milliards de dollars, soit une hausse d’environ 1900 milliards de dollars. En France, la dette publique a dépassé les 1489 milliards d’euros, le déficit publique a atteint 7,5% du PIB alors que la zone Euro ne permet pas un déficit public supérieur à 3%. Selon le Destatis, (l’Office fédéral des statistiques allemand), la dette publique allemande a grimpé de 7,1% en 2009 pour atteindre près de 1.700 milliards d’euros. Elle s’est alourdie de 112,7 milliards au cours de l’année passée, la deuxième plus grande création de dette de l’histoire de la République fédérale, a souligné dans son communiqué le Destatis. Seule l’année 1995 avait vu pire performance, avec prés de 1700 milliards de dettes publiques nouvelles mais elles s’expliquaient alors par la consolidation de couts liés à la Réunification (12).

De l’autre côté, les pays émergeants connaissent un essor extraordinaire, la Chine a devancé les Etats-Unis et l’Allemagne en exportation pour dépasser le 1200 M$ ; elle pourrait atteindre une croissance de 12% au premier trimestre 2010 en raison d’une production industrielle plus forte que prévue, selon un chercheur d’un organisme gouvernemental cité par Shanghai Securities (13). S’agissant de la rivalité Chine/Amérique, les spécialistes ont souligné : « Il y a à la fois une lutte contre deux grandes nations mais aussi entre deux modèles : capitalisme totalitaire contre capitalisme démocratique » (14).

L’Algérie entre les deux mondes

Là où le monde occidental, l’Europe et les Etats-Unis, les avatars du capitalisme, se trouvent en crise, les pays émergeants sont en plein essor. l’Algérie est entre les deux mondes, le premier en crise, voire en déclin si des solutions urgentes ne sont pas trouvées, comme l’avait déjà précisé Jacques Attali, à plusieurs reprises ; la France, par exemple, ne peut pas supporter une dette publique qui dépasse les 80% du PIB (15), ou comme le montre une étude de l’OCDE, précisant que la dette moyenne des pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), qui représentait 73,1% du PIB en 2007, devrait atteindre les 100% d’ici 2011. En clair, la dette moyenne des pays de l’OCDE équivaudra alors à la production totale de la richesse d’un pays. Même si, la situation est variable selon les Etats, les pays développés sont les plus touchés. Le Japon verra son endettement bondir de 167% à 204%. La France devrait passer de 70% à 99% et la Grèce de 103% à 130%. Même l’Allemagne, un modèle de vertu budgétaire, verra sa dette augmenter de 65% à 85,5% du PIB. C’est bien au-delà de la barre des 60% fixée par Maastricht (16). Le deuxième monde, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil, le Mexique, la Turquie, etc. est en plein croissance économique et durant toute la décennie. La Chine avec une moyenne de 8,5% de croissance du PIB, idem pour la Turquie ou le Brésil.

L’Algérie peut être parmi les pays émergeants si elle conçoit une politique économique cohérente. Elle n’a jamais été aussi riche que ces dernières années avec plus de 150 M$ de réserve de change, un chantier d’infrastructure de grande envergure, un déficit budgétaire réduit (685,7 environ, d’ailleurs le seul déficit de la décennie) (17). Certes, la corruption a piégé le développement, l’absence de démocratie et de liberté de penser a fait fuir des cadres compétents, ce qui a fait perdre à l’économie selon les observateurs 100 M$ (18).

Le système éducatif, fonctionnant de manière archaïque, n’a pas pu concevoir un processus de formation continue qui fournirait à l’économie des compétences ; la paupérisation des enseignants et la gestion désastreuse de l’université ont paralysé la recherche, la dévaluation incompréhensible a paupérisé une large frange de la société (19).

Certes, et cela est plus grave, la culture du travail a disparu du chimérique social pour laisser la place à la culture de la rente et le gain facile encouragé par la corruption. Peut-on voir au milieu de ces désespérances une fine lumière ? Il faut orienter et encadrer les mœurs sociales par une éthique où l’esprit créatif reprend son droit. Sur le plan économique, l’Algérie doit profiter de la crise économique mondiale pour réduire sa forte dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et permettre à ses entreprises d’acquérir à l’étranger des sociétés fragilisées par la conjoncture, estime une grande majorité des économistes algériens. « La cirse économique est un signal fort pour restructurer notre économie en la rendant moins dépendante des hydrocarbures », a déclaré à l’AFP, par exemple, le président du forum des chefs d’entreprises (FCE), Réda Hamiani. Ce dernier a suggéré notamment la relance de l’agriculture et de l’élevage pour réduire la dépendance alimentaire du pays vis-à-vis de l’étranger. Il a proposé également la création d’un fond d’investissement, alimenté par une partie des recettes pétrolières, pour acquérir à l’étranger des entreprises fragilisées par la crise. « Les opportunités offertes par la crise financière ne risquent pas de se représenter durant ce siècle déclare-t-il ». « Au moment où en Occident, on parle de récession économique et de crise de liquidités, l’Algérie, qui maintient ses investisseurs publics, dispose de surliquidités dans ses banques a-t-il ajouté. » (20).

Pour la première fois depuis les années 70, l’Algérie a décidé de ne pas importer le blé et a même décidé d’exporter l’orge. Selon le ministre de l’Agriculture, l’Algérie a produit 6,1 tonnes de blé au cours de l’année 2010, ce qui lui a permis d’épargner 2 milliards de dollars de la facture d’importation, notamment celle des produits alimentaires (21). Cette augmentation en volume de production est comme toujours un don du ciel, mais la politique de l’Etat en matière de ressources en eau y a contribué.

Dans un rapport portant sur les perspectives économiques mondiales pour 2010, sur la crise, les finances et la croissance (Global Economic prospects (GEP): Crisis, Finance and Growth 2010), la Banque Mondiale a souligné que le PIB de l’Algérie, qui a augmenté de 2,1% en 2009, devrait poursuivre sa hausse pour croitre de 3,9% en 2010. L’institution de Bretton Woods établit des pronostics encore meilleurs pour l’Algérie sur l’année 2011, en tablant sur un PIB qui devrait connaitre une hausse de 4% l’an prochain. Dans ses prévisions sur la croissance mondiale, elle a ainsi constaté que la croissance de l’Algérie dépasse le taux de croissance du PIB mondial, lequel devrait être de +2,7% en 2010 et de +3,2% en 2011 contre –2,2% en 2009. D’autre part, concernant le ratio de balance des comptes courants de l’Algérie par rapport au PIB, la Banque Mondiale avance que ce taux devrait s’établir à +2,7% en 2010, pour passer à +5,6% en 2011 contre –3,4% en 2009 (22).

L’Europe cherche à délocaliser à cause du coût non compétitif de sa main-d’œuvre. Selon le MEDEF, plus d’une PME française sur six déclare avoir un projet d’investissement à l’étranger, la principale motivation de cette démarche de délocalisation apparait être, pour 79% des PME, la réduction de la masse salariale (23). Justement, cette délocalisation dont les pays du Sud ont bénéficié, était le seul moyen de transférer la technologie. Il faut que l’Algérie se prépare à cette mutation.

Sur le plan politique, il faut que l’Etat cesse de fonctionner à l’administration où les lois qu’il promulgue sont devenues une épée de Damoclès sur les citoyens, des lois rigides et contraignantes car non issues d’une consultation mutuelle. En d’autres termes, il faut revenir au fonctionnement politique où les dites lois seraient proposées par des partis politiques représentant de la majorité. Il faut revenir à un pacte social pour réparer les erreurs du passé, en se réconciliant avec le peuple et en rétablissant la confiance entre l’Etat et le citoyen à travers une justice indépendante, car c’est un élément clé de l’Etat de droit.

Il faut lier la dynamique économique à la dynamique sociale, permettant à la société d’être l’acteur principal du processus du développement, en concevant une véritable politique des salaires pour réaliser la demande effective (Keynes).

La crise mondiale a montré à bien des égards que c’est dans un système social que l’investissement s’épanouit, cela implique la création d’un marché local capable de stimuler la demande. Il est vrai que la Chine, par exemple, a basé son économie sur la demande extérieure en ne développent que 25% du marché local, mais, c’est d’ici qu’elle compte relever le défi.

D’une manière structurelle, si on prend ce retour presque unanime aux recommandations keynésiennes, il faut créer une économie où l’Etat est acteur dans le développement, il faut donc le réhabiliter pour jouer le rôle qui est le sien d’assurer un accompagnement effectif de l’activité économique.

Si la richesse de l’Algérie provient des matières premières, cela veut dire qu’une économie basée sur le travail est inexistante, la rente est entre les mains des spéculateurs, c’est pourquoi nous sommes en train de subir ses effets toxiques. Il faut qu’elle passe aux méritants et à la compétence. Pour atteindre l’objectif, il faut changer quasiment notre mode de penser, car voyant l’Algérie fonctionner de cette manière est complètement décevant, surtout qu’elle a largement les moyens de s’en sortir. Tous les paramètres nous indiquent qu’à cette croisée des chemins à laquelle est arrivé le monde, l’Algérie ne devrait pas rater le virage si elle veut faire partie des pays émergeants, ou si elle veut au moins sortir du sous développement.

Hammou Boudaoud
21 septembre 2010

Notes et références :

1) Ghalion Burhan, Le malaise Arabe, l’Etat contre la nation. P 116.
2) Oum Saad, « La compagne contre la corruption n’est qu’un slogan inventé par ce qui ont propagé fléaux », El Khabar, 30 mars 2010.
3) Aziri Mohand, « Les affaires de corruption vues par les analystes politiques – opération main propre », El Watan, 17 février 2010.
4) B. Cavalier « Une étape décisive pour le match Chine-Amérique », Le Monde, 14 septembre 2010.
5) Ibid.
6) Catnois Claire, « Relance ou dérive de la dette », Le Monde, 3 novembre 2009.
7) Time Magazine. September 2008.
8) Galabersi Messimo, « Congress and the Bailout Plan: Business as usual”, 23 September 2008.
9) Cornudet Cecile, « Nicolas Sarkozy répond à la crise économique par un effort public massif », Les Echos des 5 et 6 décembre 2008
10) Couet Isabelle, « Aven le retrait de la réserve fédéral, le marché de la dette américaine perd un soutien de taille », Les Echos, 29 octobre 2009.
11) Ibid.
12) www.lesechos.fr Allemagne : la dette publique a bondi de 7,1% en 2009 à 1700 milliards d’Euros.
13) R.I « La Chine pourrait connaitre une croissance de 12% au premier trimestre », Le Maghreb, 30 mars, 2010.
14) Le Monde, op.cit ;
15) Attali Jacques, Une brève histoire d’avenir, Fayard, Paris, 2006. Voir aussi « Nous sommes tous ruiné dans dix ans » 2010.
16) Guichard Guillaume, « 2009 et 2010, les années du déficit », Le Figaro, 31 décembre 2009.
17) B Isma, « Un déficit budgétaire de 685,7 Milliards de dinars » Le Maghreb, 31 mars 2010.
18) Selon le professeur Benyahia, expert international, la fuite des compétences est la cause principale des faiblesses économiques, scientifiques et surtout managériales de l’Algérie. Chaque année, des centaines d’éminences quittent le pays à la recherche de conditions que, malheureusement, leur pays ne leur procure pas.
19) Déclaration de Abdel Hamid Brahimi, « Réponse à Khaled Nezzar », www. Hoggar.org.
20) Réda Hamiani, Comment l’Algérie peut-elle tirer profit de la crise économique actuelle », Le Financier, 4 décembre 2008.
21) Ablewahab Boukrouh, « Le ministre de l’agriculture précise les grandes lignes de la nouvelle loi sur l’immobilier agricole », El Chorouk, 2010.
22) Sonia Chibane, « L e rapport de la banque mondiale prévoit une croissance de 4% en 2011 », Le Financier, 6 avril 2010.
23) Le journal du management, les PME tentées, www.journaldunet.com/management.

Un commentaire

  1. LA REPUBLIQUE BANANIERE
    L’ENNEMI MORTEL N°1, L’ENNEMIE PUBLIC N°1 EST A L’INTÉRIEUR DE NOS MURS.

    Les forfaitures et les turpitudes criminelles de ce régime barbouzard et pouilleux,sont si tragiques pour le peuple algérien et l’avenir des futures générations qu’il ne reste plus qu’une seule issue radicale: cette funeste coterie doit être déchue et doit répondre devant une Haute Cour de Justice Populaire Algérienne, de sa responsabilité directe dans le génocide, les crimes de guerre,les crimes économiques,les crimes contre l’humanité qu’il a commis et qu’il continue de commettre contre son peuple.

    Il n’y a plus rien à espérer de cette oligarchie minable et durable qui,dans une sorte de fuite en avant et, afin qu’il n’y ait plus de retour en arrière possible, brulant tous les vaisseaux derrière elle, ne s’est pas embarrassé de faux semblants pour livrer l’Algérie en pâture à des intérêts étrangers et d’hypothéquer gravement ses richesses naturelles .

    Ensuite parce que la réalité des innombrables crimes commis contre le peuple algérien dépassent et de loin, les scénarios les plus cauchemardesques que ne se l’imaginent ceux dont

    l’œil ne plonge pas dans les coulisses de l’horreur et qui continuent de croire dur comme fer que l’Algérie est un pays indépendant. Le droit du peuple à disposer de lui-même est très gravement et durablement compromis si un sursaut salvateur de forces neuves et radicales ne venait pas à y remédier.

    A cause des satrapes retors aux manettes du pays et à ses artifices démoniaques,le Gros argent, les Big business,la Haute banque,les multinationales et les trusts, arrogants,sur d’eux-mêmes et corrupteurs, ont trouvé en l’Algérie un nouvel Eldorado et dans la main d’œuvre algérienne les nouveaux Barbares dans les mines de Sicile.

    C’est le règne funeste des Battista cubains, des Somoza du Nicaragua. des Duvalier et de ses « tontons macoutes », et de toutes ces « racailles » mafieuses alliées à des puissances d’argent sans foi ni loi et sans frontières.

    Ecoutons l’avis de F.Mitterand à propos des USA:

    « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre contre les Etats-Unis. Une guerre permanente, économique, une guerre sans morts. […] Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. Une guerre inconnue, une guerre permanente, sans morts apparemment, et pourtant une guerre à mort. »

    François Mitterrand (1916-1996), Ex-Président Français. Commentaire lors d’un entretien privé avant sa mort, cité dans le Courrier International du 13 Avril 2000

    Édifiant,non ?!

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