La société algérienne vit depuis plusieurs années une crise multidimensionnelle. La plus grave d’entre toute est indubitablement la crise politique. Bien que le régime ait tenté de s’acheter une paix sociale à travers la redistribution de la rente pétrolière, la société algérienne a toujours revendiqué des changements. Mais les intérêts sont énormes pour que le régime puisse accéder à leurs desiderata. Pour réaliser un contrôle sur la population, le régime n’hésita pas à créer des clientèles. En gros, il agit constamment de sorte à inféoder la société. Par conséquent, le point d’achoppement sur le rapprochement du régime avec sa population réside dans la manière de conduire les affaires publiques.

Par ailleurs, ce cas ne s’applique pas exclusivement à l’Algérie. Dans ce sillage, la plupart des pays arabes ont échoué. Certains spécialistes arrivent même à la conclusion amère du décalage des chefs d’Etats arabes avec leurs sociétés. En effet, selon Bourhan Ghalioun, l’Etat arabe s’est transformé en gendarme après avoir raté sa mission de moderniser la société. (1) Il poursuit en affirmant que : « l’Etat ne cesse de se développer pour compenser la perte de légitimité, son efficacité, sa capacité d’opérer un réel contrôle sur son environnement et de maitriser les leviers de commande, continue de péricliter. Ce déficit de légitimité de l’Etat aggrave le caractère apparent de la répression et le rend plus aveugle, ainsi que celui des politiques arbitraires. En effet, incapable de contrôler les choses, l’Etat tend à prendre sa revanche par la multiplication des contrôles, violents et mécaniques, presque maladifs des hommes. »

Toutefois, la conséquence de cette gabegie s’est manifestée immédiatement. Elle se traduit notamment par la fréquence des révoltes sociales. Des fois, elles s’expriment violemment. De son côté, le régime se recroqueville davantage sur soi. Résultat des courses : le pouvoir-Etat durcit la répression. Et pour consolider ses assises, il choisit des fonctionnaires administratifs parmi les plus dociles et les plus fidèles. D’où l’instauration d’une bureaucratie rigide constituant un véritable obstacle au développement.

Il parait aller de soi que de telles méthodes ne peuvent être le résultat de consultation entre la société et ses gouvernants. Dans les systèmes verrouillés, le régime en place va chercher autant que faire se peut à maintenir le peuple isolé de toute participation à la vie politique. Et dés lors que la dichotomie entre le pouvoir et la société est consommée, celui-là va légiférer dans le but de museler celle-ci. A partir de là, la vie politique nationale se limitera à l’éternel bras de fer entre le pouvoir et le peuple. Ce dernier, en tout cas, cherchera par tous les moyens à exprimer son mécontentement. Car s’il reste indéfiniment inoffensif, la société risque le chaos mortel, pour reprendre une idée de Hegel.

Cependant, pour le cas de l’Algérie, le silence de la société civile, ces dernières années, a provoqué des pourrissements tous azimuts. On peut citer entre autres la décadence du système éducatif, le quasi-monopole d’un groupe sur les richesses nationales et surtout la généralisation de la corruption. Bien qu’on ait assisté à l’ouverture de plusieurs dossiers inhérents à la corruption, il n’en reste pas moins que certains observateurs ont qualifié cette campagne de bataille entre clans au sein du sérail. Selon Ahmed Benbitour, « la campagne de la lutte contre la corruption n’est qu’un slogan créé par ceux qui ont persévéré pour ancrer ce fléau dans les différentes classes sociales. » (2)

Boubekeur Ait Benali
27 juillet 2010

Notes de renvoi :

1) CHALION Burhan, Le malaise Arabe, l’Etat contre la nation, p116
2) Oum Saad, « La campagne contre la corruption n’est qu’un slogan inventé par ceux qui ont propagé ce fléaux », El Khabar, 30 Mars, 1010.

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