Il est de tradition des pays ex-colonisateurs notamment la France de signifier aux pays ex-colonisés ce qui leur est bon ou mauvais en matière de coopération, de choix politiques ou économiques comme on vient de le voir avec le Gabon pour lequel la monarchie républicaine est un choix salutaire contrairement à la Cote d’Ivoire qui fait la sourde oreille aux injonctions françaises gâchant ainsi l’occasion d’ouvrir une page de stabilité et de progrès.

La France en particulier considère qu’il lui revient de légitime droit d’opérer des choix à la place des pays africains en particulier et de les leur balancer par de subtils moyens de suggestion.

Considérons par contre les rapports Franco-Russes et regardons ce qu’il en est sous l’angle aigu que la Russie même affaiblie face au bloc belliqueux de l’OTAN qui n’ont rien à voir avec ce que la France entretient avec les Africains comme genre de rapports.

En déclarant, comme il l’a fait d’ailleurs récemment au sujet de la génération algérienne de novembre, que la génération Medvedev est autre chose que celle de Poutine, Kouchner insinue que le premier offre à son pays un avenir plus prometteur que le second. C’est un procédé classique que de créer des rivalités quand elles n’existent pas et de les attiser quand elles existent à dessein d’affaiblir le front d’un adversaire ou même d’un partenaire comme prélude et en prévision de négociations ou pourparlers dont les retombées stratégiques peuvent s’avérer après coup d’une importance sous-évaluée.

Seulement, quelle est l’attitude Russe dans cet épisode crucial?

Avant le recensement des actions clés de la classe dirigeante russe, il faut relever l’écart soigné de celle-ci entre le discours et l’action qui n’a pas empêché la course peu maitrisée des pays européens au marché Russe, au diable les principes de la politique bien pensante des droits de l’homme et de respect de la souveraineté des états en référence au conflit géorgien. Car même si Medvedev tient un discours plus ouvert que Poutine à l’égard de l’occident, de l’avis des analystes du camp adverse, il n’y a aucune incidence sur la politique menée en termes d’action qui se soit écartée de la ligne Poutinienne, il s’inscrit de fait dans sa continuité.

Les Russes en cela on opéré un savant mélange de rigueur et d’ouverture qui leur a beaucoup profité et qui intrigue toujours l’occident.

Le choix de la France de vendre aux Russes quatre bâtiments de projection et de commandement (BPC) au grand dam de Washington dans cette période de crise aiguë est dicté par la nécessité de dénouer la crise des constructeurs de Saint-Nazaire et de créer un précèdent nécessaire qui permettra de monter en gamme avec des systèmes plus élaborés afin de rester dans la course de la compétitivité technologique de la défense.

Néanmoins quel qu’en soit l’avantage tiré par la France, il sera au détriment de la stratégie de l’OTAN puisqu’à en croire un amiral russe: Un BPC de type mistral aurait permis à la flotte russe de la mer noire d’envahir la Géorgie en quarante minutes au lieu de vingt six heures, ne s’estimant même pas en besoin de dissimuler une telle intention. Cela enseigne aussi sur la naïveté de Tbilissi à l’instar des pays de notre zone (the Failed States) qui a placé ses espoirs entre les mains de pays qu’elle croyait ses alliés et qui arment aujourd’hui son adversaire. Résultat des courses pour la Géorgie:

– Bilan amer d’une initiative débile d’envahir l’Ossétie du sud encouragée par les USA et Israël et de façon informelle par le bloc de l’OTAN. Suite à quoi la Géorgie perd de fait 20 % de son territoire (Abkhazie et Ossétie du sud occupées par les Russes avec la bienveillance locale) ;

– Réduction de la marge de manœuvre de la Géorgie sinon qu’elle a tout à fait les mains liées au sujet de cette crise eu égard aux rapports de force qui se sont crées après le cessez le feu ;

– On peut même penser que la seule voie salutaire de la Géorgie est de retourner dans le giron russe, soit un tour de 180° et donc le remplacement du système Sacachvili par un système pro-russe.

Du coté occidental dont l’imaginaire est encore enclin à rêver de ce passé de domination sans partage du monde, on ne s’empêche pas de voir en Medvedev un nouveau Gorbatchev qui a démembré l’URSS et l’a livrée à leurs appétits avant que poutine ne redresse la barre, ou un nouveau Stolypine dont la filiation politique correspond bien aux desseins occidentaux de l’heure.

Le rêve n’est pas interdit mais Medvedev n’est ni l’un ni l’autre. Il est lui même c’est à dire l’homme qu’il faut pour la Russie pour la période actuelle. Celui qui a freiné la progression de l’OTAN vers l’est et qui continue de manier savamment tension et détente sur plusieurs fils dont le projet nucléaire iranien. Et surtout celui qui a signé une nouvelle doctrine militaire sans équivoque qui place l’OTAN en tête des menaces extérieures.

Ce n’est là qu’un modèle de rapports entre nations qu’il faut méditer par suite de quoi on peut observer l’attitude de nos démarcheurs à qui la France octroie le titre d’amis pour nous enfiler ses gadgets. Les amis de la France pourront-ils nous en acheter un BCP et s’ils le font leur sera-t-il cédé au même prix qu’il ne l’est pour les russes.

Notre souhait sera exhaussé lorsqu’on aura embrassé nos yeux.

Abdelkader Hadjali
2 mars 2010

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