Genève, le 18 octobre 2009 – Bouguerra SOLTANI, chef du parti islamiste du Mouvement de la société pour la paix, qui se trouvait en Suisse vendredi dernier et contre lequel une plainte pour actes de torture avait été déposée auprès de la justice fribourgeoise, a quitté la Suisse avant de pouvoir être appréhendé.

Le 12 octobre 2009, TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) a déposé une dénonciation pénale auprès du juge d’instruction du canton de Fribourg contre M. Bouguerra SOLTANI, pour actes de torture. La victime, Nouar ABDELMALEK, s’est constituée partie civile le lendemain.

Au mois de juillet 2009, TRIAL avait déjà saisi le Comité contre la torture des Nations Unies d’une plainte contre l’Algérie, en raison de nombreuses tortures subies par M. ABDELMALEK dans son pays entre 2001 et 2005. M. SOLTANI figure parmi les personnes dénoncées par la victime comme ayant orchestré des séances de torture. M. ABDELMALEK, en raison des sévices endurés, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié en France, où il vit désormais.

Dans le cadre des fonctions qu’il exerçait au sein du ministère de la Défense, M. ABDELMALEK avait publié en 1998 un rapport dans lequel il mettait expressément en cause les agissements de M. SOLTANI dans une affaire de recrutement d’un jeune islamiste algérien envoyé en Afghanistan. Suite à la publication de ce rapport, M. ABDELMALEK a été mis en congé mais a continué à publier des articles dénonçant les agissements de M. SOLTANI dans la presse.

Le 29 juin 2005, M. ABDELMALEK a été arrêté sur la base d’accusations fallacieuses. Des gendarmes l’ont alors emmené de force au siège de la Brigade de Beni Messous où il a subi des tortures durant plusieurs jours. Le 1er juillet 2005 au matin, des fonctionnaires ont conduit M. ABDELMALEK au centre de Châteauneuf, tristement célèbre pour être le centre de torture et de détention arbitraire le plus important du pays.

Décharges électriques et autres violences

Ce jour-là, M. SOLTANI, alors ministre d’Etat, s’est rendu dans la salle où se tenait M. ABDELMALEK afin de diriger la séance de torture durant environ deux heures. Au cours de cette séance, la victime a subi le supplice du chiffon, de nombreuses décharges électriques sur le ventre, les pieds et les mains, des torsions des pieds en vue de les casser et un tournevis a même été introduit dans une cicatrice récente sur son pied droit. Afin de pousser M. ABDELMALEK à signer de fausses déclarations et des documents vierges, M. SOLTANI a ouvertement dirigé cette séance de torture en encourageant et incitant les agents présents à exercer ces actes inhumains. M. ABDELMALEK a été menacé de ne jamais sortir vivant de ce lieu de détention.

La Suisse met en oeuvre ses obligations internationales

ABDELMALEK a été entendu vendredi 16 octobre 2009 par un juge d’instruction, en présence d’un expert psychiatre, lequel a conclu à la grande crédibilité de son témoignage. Selon Me Damien CHERVAZ, avocat de la victime, «il a été prévu au terme de l’audience que M. SOLTANI serait appréhendé et qu’une confrontation directe serait ensuite organisée entre les deux protagonistes».

Cette confrontation n’a toutefois pas pu se tenir. M. SOLTANI a été vu et reconnu à Genève le vendredi 16 octobre 2009 par plusieurs personnes et y a été interviewé par l’agence de presse Alquds Press. Il a cependant vraisemblablement fui la Suisse peu après et ne s’est donc probablement pas rendu à Fribourg, où il était initialement attendu.

TRIAL regrette la fuite de M. SOLTANI mais se félicite du fait que la justice suisse ait pris au sérieux ses engagements internationaux en engageant une procédure contre une personne suspectée d’avoir commis des actes de torture. Selon la Convention contre la torture, entrée en vigueur en 1987 pour notre pays, la Suisse a l’obligation de détenir toute personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture, même intervenus à l’étranger (principe de compétence universelle), et doit soumettre l’affaire à ses autorités pénales si elle ne l’extrade pas en vue d’être juger. Pour Philip GRANT, Président de TRIAL, l’arrestation de M. SOLTANI «aurait été un signal fort que l’impunité n’est plus de mise pour les tortionnaires et que la justice est du côté des victimes».

Source : Trial

Pour plus d’informations :

– Site de TRIAL : www.trial-ch.org.

– Procédure devant le Comité contre la torture des Nations Unies : www.trial-ch.org/fr/caj/les-affaires-du-caj-algerie/affaire-abdelmalek-juillet-2009.html.

– Texte de la Convention contre la torture: www.admin.ch/ch/f/rs/0_105/index.html.

– Philip GRANT, Président de TRIAL, 022 321 61 10 (durant les heures de bureau).

– Me Damien CHERVAZ, avocat de M. ABDELMALEK, 022 312 35 55 (durant les heures de bureau).

7 commentaires

  1. Crédules???,
    Il faut savoir retenir des enseignements à partie des expériences que l’on traverse. Ayant eu à constater le ‘professionnalisme’ des journalistes du monde ‘libre’, français pour la plupart, lorsqu’ils couvraient la période 1988-1992 et leur empressement auprès des différents leaders du courant islamique (dans un premier temps, avant de les servir en pâture pour des intérêts inavoués) je ne peux m’empêcher d’être sceptique lorsque je les vois choisir aujourd’hui leurs proies.

    Les médias, dans leur grande majorité, ont joué un rôle dénonciateur, inquisiteur, policier, complice et juge dans le drame qu’a traversé l’Algérie.

    Serions-nous encore naïfs ou mentalement limités pour retomber dans les mêmes erreurs du passé ?

    Avant de se ruer à prendre position, à condamner, à juger, ne doit-on pas s’assurer de la bonne foi du messager ?

    Les boucs émissaires que l’on nous propose de sacrifier sur l’autel de la justice internationale méritent-ils ne serait-ce que notre attention ?

    Notre réflexion doit se porter bien au-delà de ce que d’autres nous imposent et proposent.

    • L’Emissaire à bouc
      Cher Abdelkader,

      D’accord avec votre remarque et appel à la prudence. Mais en ce cas précis, ce sont les mêmes donneurs de leçons en matière de justice internationale qui ont facilité la fuite de l’accusé Bouguerra, pour des considérations d’intérêts économiques avec l’Algérie.

      Voici un article paru aujourd’hui dans un journal suisse :

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      TORTURE

      Un Algérien vise le DFAE dans une plainte pour violation du secret de fonction

      Un Algérien victime de torture va déposer plainte pour violation du secret de fonction après la fuite de l’ancien ministre algérien Bouguerra Soltani. Accusé de torture, ce dernier avait échappé il y a dix jours à la justice fribourgeoise qui souhaitait l’interroger.

      « La plainte est en train d’être préparée, elle sera déposée cette semaine », a indiqué lundi à l’ATS l’avocat du plaignant, François Membrez. Dirigée « contre inconnu », elle vise le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Service d’analyse et de prévention (SAP), a précisé l’avocat, confirmant une information de la « SonntagsZeitung ».

      Selon M. Membrez, seuls ces deux services auraient en effet été au courant de la plainte pour torture visant le ministre, en dehors du juge d’instruction fribourgeois saisi de l’affaire, Jean-Luc Mooser.

      Le 26 octobre 2009, 16h47

      LeMatin.ch & les agences

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      Par ailleurs on a vu dans les journaux algériens que les AE algériennes, voire Boutef III en personne, ont intervenu pour sauver leur homme.

      Quoi qu’il en soit, je trouve que c’est important de démasquer les « islamistes imposteurs » qui pactisent avec le diable pour des miettes de privilèges et qui salissent l’image du mouvement islamique.

      Ensuite c’est une leçon de pédagogie pour dire que la barbe et le qamis ne sont pas un vaccin contre la tentation à la torture. Il y a eu plein d’exemples dans l’histoire musulmane qui le prouvent. Donc prudence et vigilance quels que soient les gens au pouvoir. Cela ne veut pas dire que j’accrédite la thèse d’Anwar Malik. Loin de là. Je ne fais pas confiance à ce type, aussi douteux, à mon avis, que son adversaire.

      • question
        Bonjour, pas desouci pour le début, je suis assez d’acord mais pourrais tu expliquer la fin.

        «  » Je ne fais pas confiance à ce type, aussi douteux, à mon avis, que son adversaire » ».Je ne comprends pas trop.

        merci d’avance

        • L’Emissaire à bouc
          Eh bien, à ma connaissance, ce gars qui faisait partie jusqu’à une date récente de la machine réppressive, est accusé dans une affaire de stupéfiants avec le fils de Bouguerra. Tant qu’une justice indépendante n’aura pas dit son mot, on ne saura pas quelles sont les responsabilités de l’un et de l’autre…

          Mais au-delà de cette affaire, si Bouguerra devrait être poursuivi, c’est pour sa complicité active avec un régime criminel qui a causé la mort d’un quart de million de nos concitoyens. C’est d’ailleurs le cas de beacoup de politiques, de journalistes, de juristes et autres intellectuels vereux…

          • Fil d’Ariane
            Cher Almutanabi,

            Je m’excuse mais je ne veux aucunement prétendre donner des leçons, cependant je crois que toute personne ayant participé à la répression pendant aussi longtemps, même si celle-ci ‘déserte’ devrait être écoutée certes, mais avec une certaine dose de réserve. Si des institutions européennes prennent au sérieux les dires, accusations etc…c’est leur affaire, je ne pense pas, pour ma part, que ce soit par pur altruisme.

            Ne nous arrêtons pas, à ce qu’on lit, ou à ce qu’on écoute, utilisons la raison et le bon sens qui est en chacun de nous, ainsi nous y verrons plus clair. Merci et sans rancune.

          • Petit à petit
            Cher Abdelhafid,

            L’habit ne fait plus le musulman, tout comme les paroles mielleuses et les allusions religieuses persistantes dans des circonstances inadéquates et destinées à tromper l’audience.

            Je ne suis pas très sur non plus que ce soit uniquement pour des « considérations d’intérêts économiques avec l’Algérie » que les donneurs de leçons ont permis à notre zouave de s’envoler précipitamment. La justice internationale doit prouver sa « raison d’être » dans bien des dossiers, liés à des crimes hautement plus condamnables dont ont été victimes les algériens, les Palestiniens, les kashmiri, les libanais, les bosniaques, les Tchétchènes, les millions d’irakiens, les afghans et j’en passe. Et c’est là que nous devrions intervenir, en délégitimant le droit du plus fort au profit du plus humain, et ceci par une sensibilisation des sociétés civiles existantes (qui feront pression sur leurs représentants). Le reste découlera …

            Et merci pour votre commentaire

          • autre question
            merci pour cette 1ere réponse,je suis d’accords mais n’y a t il pas de doute sur la culpabilité de anwar melk,franchement j’ai une toute autre perception du bonhome et de plus je sais que la drs est costaud niveau désinformation.

            mais anwar malek n’est ni une connaissance ni rien du tout pour moi, je ne suis pas son défenseur cependant c vrai que ta déclaration me surprend assez en fait. qu’est ce qui te fait croire ça en fait?

            merci beaucoup d’avance

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