Droit de réponse du M. Chegrouche suite au Droit de Réponse à l’adresse du Dr Chegrouche de M. Abdelkader Abdelkader Dehbi

Une réflexion sur les références en rapport avec l’histoire d’Algérie est plus que nécessaire : un débat serein et fondé sur la Mémoire loin de toute polémique, un enjeu au service d’une algérianité en partage et d’une Algérie en devenir. La présente est la seconde partie de ma réplique sur « la citation » attribuée à Ben M’Hidi par Abdelkader Dehbi qui reconnaît, par ailleurs, dans une réponse à mon adresse parue en particulier dans l’édition en ligne Le Matin d’Algérie et Tribune libre de l’Institut Hoggar, qu’elle n’était ni « inédite », ni émanant d’un « Moujahid digne de foi ». Il admet même que la référence était de Yves Courrière (« Les Fils de la Toussaint », 1968). Celui qui pêche une fois, pêchera une seconde fois, peut-être toujours, et c’est son droit ! La présente porte sur la Mémoire et ses enjeux pour le pays. Les effets collatéraux de toute polémique politicienne n’intéressent plus personne.

La Mémoire est un enjeu stratégique entre ceux qui veulent un pouvoir au service d’une algérianité en partage, d’une Algérie en devenir, et ceux qui postulent pour un pouvoir de domination sur fond de rivalités claniques et tribales récurrentes. Entre ces antipodes inconciliables, les coalitions, les clans se forment et se déforment. Ma contribution, modeste soit-elle, a été, chaque fois que c’est possible, de circonscrire le champ de bataille et d’identifier les enjeux des protagonistes, ceux au service d’un projet démocratique et citoyen, et ceux au service d’une probable vacation sous tutelle! Elle vise la critique des paradigmes du Dominant et des prismes de l’historien. Une critique qui consiste à remettre en cause la formation de l’histoire de l’Algérie par la chronique : celle d’Yves Courrière passe pour une citation et la citation, pour un récit historique, histoire d’Algérie. Il est ainsi depuis trois mille ans !

La mémoire de la guerre de libération d’Algérie est une œuvre en formation, de haute teneur. Elle est souvent corroborée par l’aveu du tortionnaire. Un aveu qui remet en cause le plus fréquemment le récit officiel, le récit sous le prisme du dominant. L’ingénieux Don Quichotte d’Algérie, depuis l’époque de Saint Donat à celle de Ben M’Hidi ou de Abane, a toujours participé à cette entreprise de mise en otage de la Mémoire.

Dans son aveu de tortionnaire « Je n’ai pas tout dit. Ultimes révélations au service de la France, éditions du Rocher, 2008», Aussaresses confirme que « Ben M’Hidi ne s’est pas suicidé », comme l’avaient affirmé le pouvoir colonial et les chroniqueurs de l’époque. Ben M’Hidi « a été exécuté ». Sur ordre, le tortionnaire a organisé sa « mise à mort » et « assisté à ses derniers moments ». Pour les Algériens, les compagnons et les proches de Ben M’Hidi, l’aveu permet le réconfort et fait fin à une entreprise mystificatrice qui a visé sa mémoire et son combat. Une entreprise lancée dès l’annonce de son martyre.

• Le pouvoir colonial n’a jamais admis cette exécution extrajudiciaire. Depuis, les allégations ne relèvent que du complexe du dominant et de son rapport vis-à-vis du dominé! L’aveu du tortionnaire contribue à rendre justice, à repenser l’Histoire, par désenchantement ou par dépit. Un aveu est toujours mieux qu’un récit!

• Les chroniqueurs et historiens ont participé aux enchantements des mondes en Algérie. L’histoire d’Algérie, mémoire en otage, a été toujours relatée à travers le seul prisme de la version du dominant. Le récit historique en est l’aboutissement.

1. Qui connaît Donat de Carthage et l’histoire de sa révolte contre la domination apostolique de Rome et, son combat au 4e siècle pour une « chrétienté libre et autonome ». L’histoire officielle n’a retenu de son donatisme qu’un « schisme hérétique et barbare » !

2. Que retient l’histoire de Yma Dhaia et de sa résistance que les allégations pour sorcellerie et superstition! La « Kahina » est toujours interdite de cité (de citer) par amnésie ou idéologisation de son histoire !

3. La domination coloniale n’est-elle pas perçue comme une œuvre civilisationnelle pour une Algérie dite « primitive » ? Le Maître enseignait : «Omar au champ, Fatima à la maison » ! En histoire comme en géographie, il professait le savoir du dominant: « nos ancêtres, les Gaulois » ! « La méditerranée est à la France, ce que la Seine est à Paris » !

4. La version prismatique du dominant est dans toute l’œuvre des historiens et chroniqueurs de la guerre d’Algérie, Elle piétine en particulier la mémoire des Martyrs, la Mémoire de Ben M’Hidi ou de Abane, des illustres, des rédacteurs d’actes fondateurs d’un « Etat démocratique et social pour une Algérie indépendante ». Le premier martyr était déclaré « suicidaire », le second, « calculateur » pour mieux maquiller une exécution extrajudiciaire!

A l’époque de ces faits traumatisant mais « salvateurs » pour la guerre de libération, aucun chroniqueur, aucun historien n’a révélé que ces illustres martyrs ont fait l’objet d’une exécution extrajudiciaire, malgré les réfutations de leurs compagnons de combat et la véracité de certains récits « non prismatiques », pour ne pas dire « dissidents ». La « citation » attribuée à Ben M’Hidi participent à cette stratégie de mise en otage de la Mémoire d’Algérie, dans une logique de domination et de rivalité clanique.

De Charles Robert Ageron ou, plus prosaïquement, Yves Courrière, qui en relatent les faits à travers le prisme du dominant, le récit historique n’intéresse plus personne, sauf ceux qui cherchent à rendre le postulant crédible ou le combat pour la libération vain, et par ricochet, ils crédibilisent la thèse fratricide de « la guerre des clans et de la lutte pour le pouvoir ». Ils sont ingénieux ces Don Quichotte ! Entre dominé et dominant, il y a un complexe névrotique qui relève du syndrome de Stockholm : fascination et fantasme ! Sans l’aveu des tortionnaires, les chroniqueurs et les Don Quichotte persisteront dans l’abus et le recours à des citations fantasmatiques, produit d’un imaginaire fertile et allégorique. A défaut d’archives authentiques, les aveux des tortionnaires suffisent !

La citation attribuée à Ben M’Hidi était donc la pierre angulaire de la validation médiatique de la thèse du suicide. Yves Courrière, chroniqueur à l’époque, puis historien, n’a pas partagé le combat de Ben M’Hidi pour conclure que son « seul désir est …. op. cit.». Dans « La guerre d’Algérie » (4 tomes, Fayard, réédités en deux en 2001 : « La guerre d’Algérie 1957-1962 », « La guerre d’Algérie 1954-1957 »), l’auteur n’a jamais dit : « comment a-t-il eu cette confidence ou qui l’a rédigé ?». Une citation attribuée à Ben M’Hidi pour le moins suspecte ! Plus particulièrement, dans « Les Fils de la Toussaint, 1968 », Yves Courrière n’a pas dit non plus que Ben M’Hidi a été exécuté, même pas, en guise d’hypothèse de chroniqueur ou d’historien. Yves Courrière a précisé tout de même que la « marche à suivre » insufflée de vive voie par le ministre de l’Intérieur de l’époque, François Mitterrand, vis-à-vis des combattants algériens arrêtés : « Vous n’avez qu’à les tuer ! ». Pourtant, la thèse de l’exécution extrajudiciaire n’a pas été formulée par aucun historien de l’époque. Les Don Quichotte peuvent toujours faire le perroquet, le jour saint de tout saint !

L’œuvre de Sir Alistair Horne « A Savage War of Peace : Algeria 1954-1962 » (Edition New York Review Books 1977, rééditée en 1996 et 2006) est fondatrice. Elle montre le combat noble de l’Algérie pour l’indépendance et la liberté. Une œuvre qui tente de « clarifier d’abord les raisons historiques qui ont conduit au déclenchement » de Premier Novembre 1954, de montrer ensuite comment cette guerre a été menée par les deux parties en conflit et d’expliquer enfin « pourquoi elle a été gagnée par la partie supposée être militairement la plus faible ». Ce n’est plus la thèse de la « guerre des clans et de la lutte pour le pouvoir ». Non plus, pas celle de « tous pourris, tous assassins »! « Omar » est au maquis et « Fatima » n’est plus à la maison !

Dans son « FLN, mirage et réalité », Mohamed Harbi insiste sur l’apport des ces illustres dirigeants, Ben M’Hidi en particulier, dans la nécessité impérieuse de doter la révolution d’une stratégie de combat et de commandement. Sans Ben M’Hidi, sans Abane et leurs compagnons : « il était possible d’avoir six politiques différents, six stratégies différentes et aussi six peuples différents comme il existait six wilayas différents », a conclu Harbi.

Le reste est affaire de Don Quichotte et de « lettres brûlées ». La seule polémique qui vaille est la suivante : Dans la nouvelle édition de 2001 de son oeuvre, pourquoi Yves Courrière a-t-il maintenu la citation attribuée à Ben M’Hidi malgré les faits et les efforts de nombreux chercheurs, historiens, compagnons et proches du martyr pour réfuter son contenu ?

• D’abord, une association « Mémoire de Ben M’Hidi » n’a jamais cessé de réfuter la citation dès sa parution dans « Les Fils de la Toussaint » en 1968, « fils de la Toussaint rouge » pour les nostalgiques. La vérité n’est pas spécialement romaine ! « Mémoire de Ben M’Hidi » a pu collecter de nombreux témoignages et archives authentiques qui feront l’objet d’une prochaine publication en son hommage.

• Ensuite, de nombreuses recherches non algériennes et non françaises, neutres, par comparaison historique et analyse épistémologique, ont abouti à la même conclusion de mon premier papier paru dans votre journal : La citation ne peut pas être attribuée à Ben M’Hidi, encore moins, rédigé par lui, en contradiction avec son idéal, son combat, les règles de clandestinité et les conditions de sa captivité.

• Pour ses compagnons et proches, c’est le désarroi quand un ancien Moujahid (ancien résistant !), par mégarde, par manque de lucidité ou discernement, attribue cette citation à Ben M’Hidi pour valider son « point de vue » sur l’Algérie, une contribution à une « polémique » entre un universitaire et un ministre, dont le Soir d’Algérie a fait l’écho. L’auteur de la contribution, Abdelkader Dehbi, persiste dans le même récit relaté à travers le prisme du dominant. Les compagnons et les proches de Ben M’Hidi sont connus de tous. Le récit en question est un texte apocryphe qui procède d’une instrumentation machiavélique. La contradiction n’est pas polémique. La polémique, non plus une sous-traitance. L’histoire n’accepte que la vérité par la preuve et la validation, le reste est apologie ou amalgame !

• Enfin, le martyre, pas le suicide ni l’assassinat, de ces illustres martyrs d’Algérie révélait une symbolique aussi mystique que rationnelle d’un combat pour l’indépendance et la liberté, à l’image de nombreux dans le monde, comme celui de Jean Moulin pour la France. Leur martyre était exclusivement dédié à l’Algérie ! Yves Courrière a peu pénétrer l’histoire des intrigues claniques, mais Larbi Ben M’Hidi, lui a mené un combat pour l’Histoire de l’Algérie. Il ne l’a partagé qu’avec les autres Martyrs de l’indépendance et de la liberté! Qu’ils reposent en paix !

Les aveux des tortionnaires suffisent ! Les Don Quichotte peuvent toujours faire le perroquet, tous les jours saints de tous les saints du monde !

Dr Chegrouche
19 mars 2009

4 commentaires

  1. L’aveu du tortionnaire….
    Après plus de 7 mois de silence, M.Chegrouche vient de ranimer une vieille polémique entre lui et moi, sur une citation du héros Larbi Ben M’Hidi. Et d’emblée, il écrit ceci

    «  » » »La présente est la seconde partie de ma réplique sur « la citation » attribuée à Ben M’Hidi par Abdelkader Dehbi qui reconnaît, par ailleurs, dans une réponse à mon adresse parue en particulier dans l’édition en ligne Le Matin d’Algérie et Tribune libre de l’Institut Hoggar, qu’elle n’était ni « inédite », ni émanant d’un « Moujahid digne de foi ». Il admet même que la référence était de Yves Courrière…….. » » » »

    — La suite de sa littérature ne m’intéresse pas. Je voudrais seulement demander au lecteur de se reporter à mon article sur cette affaire, repris par Hoggar et Le Matin, pour constater que le Dr Chegrouche – s’il existe dans la réalité -,essaie malhonnêtement après coup, de me fait dire ce que je n’ai pas dit. Je maintiens que la citation de Si Larbi Ben M’Hidi m’a été confiée par le grand moudjahid Si Abdelkrim Hassani,- Si Ghaouti – beau-frère de Larbi Ben M’Hidi—- Tout le reste relève du sophisme et de la mauvaise foi.

    Mais c e n’est pas fortuit. C’en est loin: la REPONSE TARDIVE du Dr Chegrouche – ou du fantôme qui en tient lieu – tombe à pic, comme par hasard, avec la publication, aujourd’hui 19 Mars 2009, d’un « APPEL AUX ALGERIENS » publié par un groupe de citoyens algériens opposants du pouvoir illégitime en place. Un appel dont je m’honore d’être l’un des signataires.

    Je me contenterais silmplement de dire ceci, aux centaines de Chegrouches et à leurs pitoyables commanditaires: L’habitude du bourrage des urnes, finit toujours par donner la manie de la fouille des poubelles.- Au fait, à propos de « tortionnaire », vous devriez éviter de parler de corde dans la maison d’un pendu. Et tant pis si vous ne pigez pas, l’essentiel, c’est que vos commettants comprennent, eux…..

    (Abdelkader DEHBI)

  2. Précision de l’auteur
    L’auteur est un chercheur universitaire, qui vit et travaille à Paris depuis de très nombreuses années. Il a pour seul souci le savoir. Hors des protagonistes au sein et autour du pouvoir en Algérie.

    Pour information à tout lecteur, la réponse de l’auteur a été envoyée au journal en ligne « Le Matin » à plusieurs reprises dès la publication de la réponse de Mr Dahbi. Cependant, le journal Le Matin a refusé de la publier. Va savoir pourquoi? Une censure volontaire par un journal dont le directeur est constamment privé de liberté!

    Pour le reste du commentaire de Mr Dahbi, coincidence ou non avec l’appel du 19 Mars 2009? Relisez mon papier avec les yeux d’un démocrate libéré, sans haine, ni mépris, pour mieux comprendre que contradiction n’est pas polémique et polémique n’est pas sous-traitance. Le serpent ne crève que son vénin.

    Dr Chegrouche

    • Conclusion d’un débat à laisser aux historiens.
      Bien curieuse façon pour «  »un chercheur universitaire [ayant] pour seul souci le savoir » », comme il vient d’écrire, de trouver le temps d’aller s’engouffrer imprudemment, – même si « on » le lui ait demandé -, dans une polémique qui ne concernait au départ que M. Ould-Kablia et moi-même. En précisant surtout, ici, que jusqu’à ce jour, M. Ould-Kablia n’a pas cru devoir répondre à mon article et encore moins aux questions politiques essentielles que je lui ai publiquement posées dans mon article.– Comment dans ces conditions, ne pas concevoir de légitimes soupçons sur l’identité réelle, d’un M. Chegrouche, fauisant spontanément, – tel un Don Quichotte d’Outre-Manche si on peut dire – irruption dans la polémique, en prenant fait et cause, – du haut de son titre de « Docteur » – pour un pouvoir algérien politiquement illégitime et moralement corrmpu et discrédité ? Et pour couronner le tout, M. Chegrouche – le défenseur bénévole des Bouteflika, des Zerhouni et autres Ould-Kablia – a l’indécence d’en appeler à une lecture de son papier, «  »avec les yeux d’un démocrate libéré, sans haine, ni mépris » ». Où se trouvent les serpents, je vous le demande ?

  3. Réfutation !
    Mémoire d’Algérie

    Réfutation !

    Tahafet a-Tahafet, effondrement de l’effondrement ! Le débat n’est pas clos comme le disait Ibn Rushd ! Il ne sera jamais clos parce que l’historien est toujours sous influence prismatique. L’amalgame est un procédé que réfute tout savoir. La calomnie ou l’amalgame est une ruse pour masquer la question cruciale du débat : La citation attribuée à Ben M’Hidi est-elle authentique ou non ? La réponse n’est que par la preuve ! Le reste participe à un enjeu de pouvoir. L’auteur n’a pour souci que le savoir.

    • Yves Courrière peut se permettre tous les droits. Il crédibilise tout de même par la diffusion de la « citation » une thèse triviale : la guerre de libération nationale est une « affaire clanique », « une affaire de tueurs » ! Quelle est votre réaction, M. Dehbi, par rapport à cette question précise? Le reste est éphémère !

    • La citation fait passer Ben M’hidi pour une personne «suicidaire ». L’aveu du tortionnaire vaut mieux l’ingéniosité de Don Quichotte ! L’historien est sous influence prismatique !

    • M. Dehbi voit partout fantômes et mercenaires ! Phobie ou persécution ? Dans le second cas, l’auteur ne peut être que solidaire parce qu’il réfute toute forme d’injustice et d’intolérance! Mais, il garde toute sa lucidité en participant à sa manière, hors de tous les protagonistes au sein et autour du pouvoir, pour rendre plus lisible ce patrimoine mémoriel commun : l’algérianité en partage !

    • Enfin, le serpent ne crève que par son venin. Le serpent ne se trouve que dans « le désert » ! Pas le Sahara, cet espace riche, beau et éphémère. Mais, le désert du savoir. Celui-ci produit le désir du pouvoir, un mirage !

    Effondrement de l’effondrement !

    Dr. Chegrouche

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