Cet article est une réponse d’ordre moral, à l’attention de M. Saâd Lounès, qui vient de publier sur le site de « Tahia-Bladi » en date du 29 juillet 2008, un article intitulé : « La double trahison des marocains qui gouvernent en Algérie » (1)

Monsieur Saâd Lounès,

Il m’est arrivé d’apprécier certains de vos articles. Il me souvient même que j’ai posté un commentaire élogieux sous l’un d’eux, paru dans « Le Matin en Ligne ». Mais permettez-moi cette fois-ci de vous apporter la contradiction la plus formelle, au nom de la Vérité. Une vérité qu’apparemment vous n’avez pas trop cherché à contrôler dans cet article, en vous laissant emporter la haine de ceux que vous désignez comme « les Marocains du MALG ».

Etant moi-même un Algérien – si vous le permettez…. –, natif de la ville de Meknès au Maroc, en 1937 et ayant fréquenté entre 1945 et 1956, l’« Ecole Européenne de la Médina » puis le Lycée Poeymirau, je peux vous affirmer que certains de mes camarades comme MM. Ali Hamlat, Mustapha Tounsi (frère de Ali Tounsi), Abdennour Khalef, Ali Bennaï, Habib Merabet ou Abdelouahab Fasla, entre autres, ont tous été mes camarades de classe algériens. Quant aux autres personnes que vous citez nommément, ils étaient tous connus – et sans exception aucune – comme étant des Algériens, dans un Maroc où tout le monde connaissait tout le monde, entre Algériens. Des Algériens que nos frères marocains appelaient « Wasta », par référence aux Maghrébins du Centre, « wassat ». Ou alors, (quand il y avait rixe dans les cours de récréation, on nous traitait hargneusement de « deuxièmes français »; ce qui constituait pour nous autres Algériens, la pire des insultes…

Les Algériens du Maroc constituaient une colonie émigrée de près de 175.000 âmes à la veille de la Révolution de Novembre 1954. Nous étions plus de 280.000 à la veille de 1962, avec les arrivées massives de réfugiés. Saviez-vous M. Saâd Lounès, que les Algériens du Maroc étaient organisés depuis les années 1940 en « Amicales des algériens du Maroc » ? Avec la tenue d’Assemblées annuelles Fédérales regroupant les différents bureaux locaux, des Assemblées qui se tenaient à tour de rôle dans les grandes villes du Maroc, à forte colonie d’Algériens comme Oujda, Fès, Meknès, Rabat, Casablanca ou Marrakech, etc. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, avec le regain du nationalisme au Maghreb en général, beaucoup de responsables des différents mouvements nationalistes algériens se déplaçaient au Maroc pour porter à leurs compatriotes algériens, le message de l’Indépendance et les préparer à la lutte contre le colonialisme. Et c’est sans aucune difficulté que le Front de Libération Nationale a pu recruter dans la jeunesse algérienne du Maroc – entièrement scolarisée –, tous les cadres et effectifs dont l’Algérie combattante avait besoin, surtout au lendemain de la grève des étudiants, décrétée le 19 mai 1956 par la Direction de la Révolution.

C’est pourquoi, M. Saâd Lounès, lorsque vous écrivez, avec une légèreté inouïe, je vous cite :

« Sans oublier que les leaders de la guerre de libération tombaient comme des mouches sur dénonciation ou dans des embuscades ou sur des repérages de leurs appareils de transmission fournis par la logistique de Boussouf… quand ils n’étaient pas appelés au Maroc pour y être assassinés comme le regretté Abane Ramdane. Sans compter l’énigmatique détournement d’avion qui a neutralisé cinq dirigeants historiques de la révolution qui, à part Mostefa Lacheraf, ont connu des destins très douloureux dès leur libération. Tout cela dans une étonnante impunité, ou plutôt une tolérante protection dans un Maroc sous protectorat français. »

Vous suggérez clairement que ceux que vous appelez « Les Marocains du MALG » n’étaient en fin de comptes, que de vulgaires mercenaires et accessoirement des indicateurs à la solde des services de renseignements de l’armée d’occupation coloniale, bénéficiant d’une « tolérante protection dans un Maroc, sous protectorat français ». Ce qui constitue, une diffamation gratuite à l’endroit des Algériens du Maroc durant la Révolution et une imposture honteuse vis-à-vis de l’Histoire, mais aussi des Chouhada tombés au champ d’honneur, comme Abdelouahab Fasla ou Habib Merabet, pour ne citer que des camarades de classe. Et comme pour mieux appuyer vos assertions, vous parlez de « Maroc sous protectorat français »", alors que l’Indépendance du Maroc, proclamée le 3 Mars 1956, était déjà acquise dès le retour d’exil du défunt Roi Mohammed V le 16 novembre 1955 à Rabat et que le colonel Boussouf à cette époque, était encore en charge de la Wilaya V. Ceci pour rétablir la chronologie des faits, que n’importe quel congénère algérien du Maroc pourrait confirmer.

Et il est tout de même étrange de constater que votre article semble venir opportunément – comme pour y faire écho – s’insérer à la suite des récentes déclarations honteuses de M. Dahou Ould Kablia, qui a nié lui, tout de go et avec quelle arrogance, la solidarité agissante et le soutien concret et sans faille des pays Arabes frères, comme le Maroc ou la Tunisie, la Libye ou l’Egypte, l’Irak ou la Syrie, le Liban ou l’Arabie… Aurait-il oublié que l’expédition tripartite criminelle d’Octobre 1956 (France, Grande Bretagne, Israël) sur les rives du Canal de Suez est plus en relation avec la politique de solidarité égyptienne envers l’Algérie qu’avec la nationalisation du Canal par Nasser, qui n’était qu’un prétexte ? Aurait-il oublié que le premier avion transportant la première cargaison d’armes pour la Révolution algérienne a atterri en Libye dès 1958 en provenance d’Irak ? Des pages et des pages ne suffiraient pas à mentionner dans le détail, les hauts faits et les contenus de cette solidarité envers l’Algérie combattante.

Mais le vrai débat, je le situe ailleurs en ce qui me concerne. En m’interrogeant rageusement sur ces « forces mystérieuses », qui semblent commises de part et d’autre de la Moulouya, voire de part et d’autre de la Méditerranée à entretenir un état de tension psychologique et politique permanent entre les deux peuples frères du Maroc et de l’Algérie. Peuples frères par leur Amazighité, par leur Arabité, par leur Islamité. Peuples frères aussi, par la géographie et par l’Histoire. Peuples frères enfin par les liens du sang et par leur communauté de destin. Une communauté de destin constamment ruinée par une politique de surenchère et de nationalisme étroit et calculateur, pratiquée par nos gouvernants – aussi bien à Rabat qu’à Alger -, des gouvernants souvent en mal de légitimité populaire.

Et l’affaire du Sahara Occidental (2), constitue à cet égard, une véritable tragédie humaine symbolisant toute l’absurdité des relations entre nos deux pays frères. En premier lieu d’abord, pour les quelques 250.000 Sahraouis, parqués dans la précarité des camps de toile de l’ONU depuis voilà plus de 30 ans, de part et d’autre d’une « frontière » plus virtuelle que naturelle. Le royaume du Maroc réclamant – à tort ou à raison, il ne m’appartient pas d’en juger – la souveraineté sur le territoire du Sahara Occidental. Pour sa part, le régime d’Alger, soutient mordicus, qu’il défend « le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui » (sic), quand ce régime se montre incapable depuis près d’un demi siècle, d’appliquer ce principe d’autodétermination à son propre peuple, dont il fait bon marché des libertés fondamentales !

Sans parler du silence total, des uns comme des autres, quand il s’agit de dénoncer l’occupation de la Palestine par l’Etat d’Israël et les exactions quotidiennes perpétrées par l’armée sioniste criminelle contre le peuple palestinien.

Je n’aurais pas la cruauté de remuer le couteau dans la plaie de nos gouvernants en leur demandant tout haut, comment vivent-ils avec leurs consciences respectives et s’ils éprouvent au moins quelques remords ou quelques scrupules, au regard de ces dizaines de milliers de familles mixtes algéro-marocaines, séparées durant toutes ces longues années de leurs êtres chers vivant d’un côté ou de l’autre, de cette frontière maudite. Une frontière maudite, dont ils ordonnent la fermeture sans état d’âme, au moindre coup de froid dans leurs rapports frileux. Mais des gouvernants qui accueillent sans broncher, en revanche, et en moins d’une année de faux semblants de tractations, ce projet fumeux et quasi imposé, d’une « Union pour la Méditerranée » (3), essentiellement destiné d’une part à saboter toute velléité de reprendre le projet du Grand Maghreb et, d’autre part, à faire reconnaître, de facto, l’Etat d’Israël par les pays arabes du sud de la Méditerranée. Un projet cher à MM. Shimon Pérez et Nicolas Sarkozy et dans lequel nos généreux dirigeants acceptent en prime, de jouer le rôle peu enviable de gauleiters, garde-frontières, au service des pays de la rive nord de la Méditerranée. Comment osent-ils donc se rengorger, les uns et les autres, en parlant de souveraineté, de liberté et de je-ne-sais quels autres mots sonnant tellement faux dans leurs discours trompeurs ?

Faute de pouvoir répondre à une telle question, il faudra peut-être aller chercher du côté de nos deux peuples respectifs, en s’interrogeant sur cette terrible culture de la résignation et du fatalisme qui semble s’être saisie – telle une maladie honteuse – des générations post indépendance. Car, l’argument des méthodes répressives seule « politique consensuelle » si on peut dire, pratiquée par les deux régimes répond en partie – mais en partie seulement – à la question, car la répression coloniale a été aussi dure, sinon plus dure. Alors ?

Abdelkader Dehbi
3 août 2008

(1) http://www.tahiabladi.com/index.php/2295/la-double-trahison-des-marocains-qui-gouvernent-en-algerie/#more-2295
(2) https://www.hoggar.org/index.php?option=com_content&task=view&id=457&Itemid=64
(3) http://abdelkader.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/06/15/pour-qui-l-union-pour-la-mediterranee.html

http://abdelkader.blogs.nouvelobs.com
http://abdelkader.blog.lemonde.fr

Réponse à Abdelkader Dehbi, par Saâd Lounès

Un commentaire

  1. RE: Réponse à Saâd Lounès
    @ pseudo-algériens
    Justement ces soit disant « algériens » du Maroc, étés tous des militants du parti royal marocain « Istiqlal de Allal El Fassi (notamment Abdelaziz Bouteflika, Ben Bella, Kasdi Merbah, Chakib Khalil, etc…).
    Ces pseudo « algériens » ont même « réussi » à créer un service de renseignement (SM), « de haut niveau » au sein d’un Maroc français. Tout porte à croire que leurs patrons Boussouf et son porte serviette Boukharouba était investis d’un intelligence diabolique d’avoir même infiltrés les transmissions et le DGSE français dans un Maroc
    français (ils sont fort ces bougnoules du Maroc ?). Ils était tout simplement des agents de renseignements français ayant infiltré l’ALN qui se battait courageusement dans les maquis algérien presque sans armes.
    Ce qui explique les assassinats télécommandés à partir du Maroc, du colonel, Amirouche, Houas, Ben M’hidi, Didouche Mourad, Mustapha Ben Boulaïd, colonel Lotfi, Ali la pointe, Krim Belkacem, Arezki l’Aures, Grin Belkacem etc….
    L’ALN, se battait sur plusieurs fronts, et notamment le front de la trahi son du Malg. Pauvre Kabyles / Chaouis, ils se sont fait entubé sur toute les lignes, Le Clan des marocains (Oujda) est toujours au pouvoir sous la bénédiction de mama la France et Israël (le nain arabe Bouteflika livre toujors du gaz algérien (à l’oeil et via l’Egypte), à son ami Ben Yamine Etanyahu, pendant que les algériens autochtone meurent de misère et de froid.

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