Personne, parmi nos éradicateurs, ne retrouve à redire lorsqu’il entend parler de démocraties chrétiennes. Tous ces démocrates-patriotes-républicains qui ont fait les beaux jours d’une certaine liberté de la presse, et d’une vision très curieuse de la démocratie, en ces années où les Algériens étaient massacrés en gros et au détail, ont réussi faire ingurgiter à l’opinion publique une perception très manichéenne, pour le moins qu’on puisse dire, de la politique et de la société civile. D’un côté la démocratie, leur démocratie, et de l’autre l’islamisme.

Le seul islamisme qui a pu, un tant soit peu, jouir de leur condescendante indulgence, a été celui qui s’est accoquiné avec le régime, qui a pignon sur rue, qui se dit ouvert sur la modernité parce que ses militants, et surtout ses dirigeants,portent des cravates et une barbe taillée au plus court, dont les dirigeants ont engraissé à l’ombre du pouvoir, qui ont investi le bazar et les arcanes du container. Ces islamistes BCBG, qui caressent le pouvoir dans le sens du poil, et qui vont jusqu’à cohabiter, dans le sens immobilier du terme, avec les barons du régime, dans le club des pins et autres quartiers réservés aux familles du régime.

L’islamisme révolutionnaire, celui des petites gens, celui qui prône la justice sociale, et qui, surtout, parle de demander des comptes à ceux qui ont précipité le pays dans le désordre et qui ont fait main basse sur ses richesses, parce qu’il est devenu un refuge pour les laissés pour compte, et un éxutoire pour la colère, cet islamisme là est voué aux gémonies par nos démocrates sur mesure. Ils disent que la religion ne peut pas faire bon ménage avec la politique. Nous sommes nombreux à le penser aussi. Mais à la différence de nos éradicateurs, nous croyons que c’est au peuple de choisir. Et nom à l’armée. Surtout pas à une armée dont les chefs, ou du moins ceux qui ont en pris le contrôle, sont connus pour être des assassins et des voleurs.

J’essaie d’exprimer des idées simples. Sans fioritures. Parce que je tente de percer à jour les postures mentales de l’intelligentsia auto proclamée qui, contrairement à l’adage, tente de nous faire prendre des lanternes pour des vessies.

Pourquoi l’islamisme politique n’aurait-il pas droit de cité dans notre pays ? Dans un pays peuplé de musulmans, pratiquants ou non. Pourtant, ces fougueux intellectuels, qui dégainent leurs plumes plus vite qu’ils ne hochent de la tête, et dont l’ethnocentrisme, importé, puise ses dogmes ailleurs que dans leur propre société, ne trouvent rien à redire lorsque les démocraties occidentales, laïques ou non, procèdent d’une démarche foncièrement chrétienne.

Le dimanche, qui est la journée de repos en occident est bien la journée du seigneur pour les chrétiens. Le samedi qui lui a été additionné, subrepticement et au fil de plusieurs décennies, est bien la journée du sabbat pour les juifs.

Le président des Etats-Unis d’Amérique, et qui a pratiqué une véritable Busherie sur des peuples musulmans, a bien parlé de croisade dans son entreprise irakienne, et dans sa lutte contre le « terrorisme islamiste », y compris contre les combattants du Hamas qui luttent pour se libérer d’une atroce occupation.

A cela, nos éradicateurs ne trouvent rien à redire. Puisqu’il s’agit de démocraties occidentales. Comme il leur semble tout à fait légitime que les dirigeants israéliens portent le kippa, et qu’ils aillent se recueillir devant le mur des lamentations. No cela est tout à fait naturel pour eux, puisque Israël est une vraie démocratie, n’est ce pas ? Comme ils ne trouvent rien à redire lorsque les chefs d’état occidentaux adressent leurs vœux à leurs peuples à l’occasion de Noël, qui est la fête d’anniversaire du Christ. Ils ne trouvent rien à redire que la majorité des jours fériés, chômés et payés en occident, soient des fêtes chrétiennes. Ils ne pipent mot lorsque des chefs d’état occidentaux se rendent à l’église, qu’ils rappellent dans des déclarations publiques que leurs états appartiennent à la civilisation judéo-chrétienne, qu’ils donnent des prénoms chrétiens à leurs enfants, que la plupart de leurs distinctions militaires et civiles sont en forme de croix, que le pape est reçu avec les honneurs dus à un chef d’état, que l’administration américaine finance et promeut une féroce politique d’évangélisation pour extirper l’islam de dar el islam, que des écoles chrétiennes foisonnent dans tout l’occident. Tout cela n’est qu’un rappel sommaire de tout ce qu’on pourrait recenser et qui procède, par les sociétés occidentales, d’une identification au christianisme et au judaïsme. Cela n’a pas empêché ces nations d’accéder au fil du temps, et après bien des vicissitudes, à la démocratie. Leur parcours historique n’a pas toujours été irréprochable. Elles ont connu des épisodes troubles, pour le moins que l’on puisse dire. Les guerres de religions, les massacres des protestants, le bûcher, les autodafés, les croisades, l’inquisition, les pogroms, l’extermination des juifs et le colonialisme, pour ne citer que cela.

Ces nations, qui sont devenues un idéal de démocratie, ont mangé leur pain noir. Pour arriver à leur niveau d’aujourd’hui, elles ont dû franchir des passages obligés. Car l’homme ne parvient au mieux que lorsqu’il a connu le pire.

Pourquoi faudrait-il que le centre de nous même, celui qui doit nous permettre de marcher vers des lendemains meilleurs, devrait-il être celui de l’occident, avec toute la charge culturelle et identitaire qui y est inhérente ? Pourquoi faut-il absolument, à entendre nos éradicateurs devrions nous sortir de notre propre chemin pour emprunter, comme des moutons, celui de l’occident, avec toutes ses valeurs, ses représentations et sa praxis ? Ne sommes nous pas suffisamment aliénés pour eux ? Ne voient-ils pas que nous ne sommes déjà plus nous même, et qu’une fracture violente, peut être irrémédiable, a bouleversé nos sociétés, que la longue chaîne mémorielle de notre personnalité a été rompue ?

Aujourd’hui, une personne qui s’habille de façon traditionnelle, comme nos parents, est presque risible, dans nos propres sociétés, alors que si elle s’habille à l’occidentale, elle passe tout à fait inaperçue. C’est même une banalité, mais cela dénote d’une dépersonnalisation profonde. Observez les Japonais, les Pakistanais ou les hindous ! Ces peuples qui se sont hissé, ou qui se hissent, au niveau de l’occident, ont pourtant gardé jalousement leurs us et coutumes. Ils ne s’en portent pas plus mal. J’éprouve du respect pour le chef d’état indien lorsque je le vois en tenue traditionnelle de son pays. Lorsque je le vois saluer ses hôtes à la façon hindoue.

Chez nous aussi, il est possible que nous trouvions la voie pour un retour à notre propre centre. Je ne dis pas qu’il faille que nous nous habillions en burnous et que nous ceignions des chèches. Mais nous pouvons construire nos projets en tenant compte de notre personnalité. Elle existe même si elle a été longtemps bafouée. La modernité n’est pas forcément l’occidentalité. S’il y a une chose que nous devons singer absolument de l’occident, sans en rougir, c’est la démocratie. Il n’y a pas besoin, à mon sens, de chercher une autre voie qui nous soit plus proche. La démocratie occidentale, dans ses intentions déclarées, je ne parle pas de tous les effets pervers qui l’ont altéré, comme certaines libertés civiques, à l’instar du mariage homosexuel, devrait être pour nous un idéal. Il n’y a pas de honte à le dire. Commençons à prendre de cette démocratie tout ce qui existe théoriquement chez nous. Donnons un sens vrai à toutes ces institutions de façade qui n’ont d’autre rôle, dans notre pays, que de leurrer l’opinion internationale sur la nature de nos dirigeants. Que le Parlement représente vraiment le peuple! Que la justice ne fonctionne plus à l’injonction! Que la liberté de la presse et d’expression le devienne dans les faits! La séparation des pouvoirs, la liberté d’expression, la justice sociale, l’égalité de tous devant la loi, le respect du choix du peuple doivent devenir des réalités tangibles!

Nous ne devons pas proscrire l’islamisme. A charge pour lui de respecter la volonté du peuple. De ne prétendre au pouvoir que par la voie des élections. Et d’accepter de le quitter si tel est le choix du peuple. A ceux d’entre nous qui prétendent être les plus à même de nous gouverner, de convaincre le peuple. A ceux qui sont en compétition avec eux de le faire par des moyens francs. A moyens égaux. Pour que tous les candidats puissent faire parvenir leur discours aux électeurs.

Les moyens de communication, d’administration et de police appartiennent au peuple. Ils ne peuvent être utilisés par les uns au détriment des autres.

Ceux qui croient, du haut de leur petit écritoire, ou de leur chaire, disqualifier les uns ou les autres, parce qu’ils ne leur conviennent pas, ou surtout qu’ils ne conviennent pas aux maîtres auto proclamés de l’Algérie, peuvent toujours continuer à se prendre pour ce qu’ils ne sont pas.

Le peuple finira bien par comprendre qu’il est le seul maître de ce pays.

Djamaledine Benchenouf
19 juin 2008

Tahiabladi.com

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