Le dernier sommet de Tripoli s’est déroulé comme une tragi-comédie dévoilant la décadence des pays arabes, que Kadhafi a été le seul à exprimer. Entre vraies et fausses monarchies, les absents et les présents, le monde arabe ne sait plus quoi faire face à l’initiative de l’UPM. Il ne sait plus où il va et a perdu toutes les batailles du choc civilisationnel avec l’Occident.

Après la destruction de l’Irak et du Liban, il s’apprête à assister en spectateur silencieux à l’anéantissement annoncé de l’Iran. Les dirigeants arabes acceptent tête basse le diktat occidental qui veut interdire aux pays musulmans la maîtrise de la technologie nucléaire, l’énergie qui va remplacer le pétrole dans un demi-siècle.

Kadhafi a raison de parler d’humiliation. Sarkozy a «convoqué» les anciennes colonies à venir se mettre au garde-à-vous le 14 juillet à Paris… à côté d’Israel. Pour sauver leur trône, les monarques et les présidents à vie sont-ils prêts à faire subir cet affront à leurs peuples ?

Les journalistes du monde arabe n’en peuvent plus d’écrire l’humiliation au quotidien que nous impose une génération post-indépendance qui refuse de passer la main et nous entraîne irrémédiablement dans une nouvelle décadence de «colonisabilité» définie par le penseur algérien Malek Bennabi.

La vraie force de l’Occident réside dans le renouvellement des élites au pouvoir par des cycles de 5 à 10 ans où les démocraties parlementaires rythment la cadence des changements et des adaptations à chaque nouveau défi.

Dans le monde arabe, les élus ont encore un rôle subalterne d’apparat protocolaire. Ce sont les «services secrets», les moukhabarate, qui tiennent toutes les institutions dans une main de fer. C’est particulièrement le cas de l’Algérie où la Sécurité Militaire, après avoir été dominante depuis l’indépendance, a concentré tous les pouvoirs depuis la destitution de Chadli en 1992. Le décret d’état d’urgence autorise le DRS à placer des officiers dans toutes les institutions civiles et militaires. Plus rien ne bouge en Algérie sans l’aval du DRS. Depuis le choix du président, des ministres, des chefs de région jusqu’au plus petit responsable, aucune nomination ne peut passer outre le droit de veto du DRS.

C’est un véritable Makhzen qui s’est installé à la faveur de la politique du tout sécuritaire, qui répond totalement à la définition qu’en donnent les politologues et les encyclopédies. Le mot Makhzen vient du mot arabe khazana qui signifie cacher ou préserver. Aujourd’hui ce terme désigne à la fois le système et ses hommes, ses méthodes de gouvernement, ses moyens financiers et militaires, ainsi que la mentalité particulière du pouvoir totalitaire qui en découle. Historiquement collé à la dynastie alaouite au Maroc, le Makhzen désigne globalement «le pouvoir central du sultan, des vizirs, l’armée, la bureaucratie et toute personne contribuant à relayer ce pouvoir vers le reste de la population». Cela commence par les mouchards (commerçants, vendeurs de cigarettes, dealers,…) en passant par les notables, les affairistes,…

En Algérie, le système makhzénien a été complètement assimilé et copié par les chefs du DRS et ses «mokhaznis» qui bénéficient de «l’irresponsabilité politique» et de «l’impunité juridique» dont seuls les monarques peuvent se prévaloir. On l’a bien vu avec l’affaire Khalifa où aucun responsable du DRS n’a été sanctionné ni inculpé. De même que les accusations d’anciens officiers du DRS contre leurs chefs sont restés sans suite nationale et internationale.

Le DRS a instauré un «mode de gouvernance» où il s’implique dans toutes les décisions tout en restant «au-dessus de toute critique, de tout reproche, de tout soupçon». Son pouvoir ne souffre d’aucun contrôle parlementaire, d’aucune limite gouvernementale. Critiquer le DRS est un crime de lèse-majesté que les militaires, les journalistes et les politiciens paient par la prison, l’exil ou la mort. «Cette organisation sécuritaire est une forme de domination originale, un cadre institutionnel politique et militaire confectionné sur mesure» au mépris de la Constitution.

On peut appliquer au Makhzen du DRS l’expression de «système de servitude volontaire» définie par un spécialiste. Il entretient par la peur les allégeances au système dans une «pyramide de servitudes et de dépendances» ou «sous le tyran ultime, et de proche en proche, l’illusion de commander fait de tous et de chacun des petits chefs serviles à la dévotion du chef suprême, s’identifiant à lui, jusqu’à être tyranneaux eux-mêmes».

L’appareil du DRS est devenu comme «une pieuvre monstrueuse qui enserre dans ses tentacules, épie, emprisonne, torture, neutralise, corrompt et écrase qui il veut, quand il veut» dans l’anonymat et la clandestinité des «services secrets».

L’omerta des élites militaires et civiles confinent à une dangereuse lâcheté. Tout combat politique ou intellectuel doit conduire aujourd’hui à la destruction de ce système anticonstitutionnel qui n’a aucune légitimité, hormis celles de la violence et de l’injustice.

Le makhzen du DRS fait et défait les présidents et les gouvernements dans le sang depuis 1992. Si le DRS n’est pas dissout et les services secrets réorganisés avant la prochaine échéance présidentielle, l’Algérie n’échappera pas à la décadence ou au chaos qui va s’ensuivre.

Le prochain président que le Makhzen du DRS veut nous imposer va s’appuyer sur ce système pour le renforcer davantage et s’assurer une présidence à vie.

Saâd Lounès
12 juin 2008

5 commentaires

  1. cherche a savoir
    c’est quoi la drpp et ques’il fond quesque c’est leur taches

    • les preuves
      cher monsieur, pouvez vous prouver la demonstration que vous faites sur l’organisation décrite ?

  2. RE: Le Makhzen du DRS condamne l’Algérie à la décadence
    N’importe quoi, ca se voit que vous ne connaissez rien de l’Algérie.

  3. Abdelkrim BADJADJA on

    Consultant
    Questions:
    Pourquoi le DRS ne « parle pas »?
    Pourquoi la Sécurité militaire/DRS ne publie aucun communiqué depuis l’Indépendance?
    Pourquoi aucun responsable du DRS n’est visible à la Télévision nationale qu’il dirige pourtant, comme il dirige l’ensemble des institutions du pays y compris la présidence de la république?

    • ybedjaoui on

      Tentative de réponsé à « Pourquoi le DRS ne parle pas? »
      Tentative de réponse à Mr Badjadja.

      Les philosophes politiques qui se sont interessés à la tyrannie ont observé que dans les dictatures, le pouvoir est proportionnel à l’invisibilité. Plus une personne est puissante, moins elle est visible.
      C’est une sorte de mal-appropriation du pouvoir, ou d’un attribut, divin pour des desseins sataniques.

      Feindre l’invisibilité pour projeter, dans l’esprit de la population, un pouvoir suprême. On sait qu’il y une forece maléfique qui détruit des milliers de vies humaines mais on ne la voit pas, ceci amplifie la peur, ceci amplifie le pouvoir de cette force sur nous.

      Dans la « République » de Platon, il analyse l' »anneau de Gygès » qui est sensé rendre toute personne qui le porte invisible. Celui qui le porte pourrait commettre tous les crimes nécessaires à l’assouvissement des ses intérêts. Platon nous dit que l’homme juste ne serait pas tenté par son invisibilité pour commettre des crimes car il sait que le crime en lui-même rend l’homme malheureux et qu’il est dans son intérêt de rester juste.

      Rendre visible ces auto-proclamés superpatriotes qui peuplent le DRS et hantent l’Algérie c’est les déposséder de leur puissance.

      C’est pourquoi l’opposition devrait oeuvrer à les identifier et les rendre publics, nommément et par photo, et rendre publique leur méfaits.

      Après la transition démocratique que l’on espère dans un proche avenir, le travail de reconstruction de la culture politique algérienne devra necessairement impliquer une commission vérité qui mettra à nu tous ces despotes trapus dans l’ombre qui ont terrorisé et clochardisé le peuple algérien.

      J’ai lu vos interventions courageuses, Mr Badjadja, sur le DRS et je considère que vous faites partie de ceux qui ont déja commencé ce travail de reconstruction.

      Puisse Dieu vous protéger et vous aider à continuer votre travail d’information salutaire.

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