C’est à la lecture d’un article écrit dans un journal progressiste américain par Saul Landau que l’opportunité s’est présentée pour exposer des idées que nous partageons. Celui-ci remet en cause l’existence d’organisations militaires transnationales telles que l’OTAN, à une époque où la méthodologie de non violence devrait régner sans partage. Le futur des nouvelles générations ainsi que celui de la planète en dépendent.

Au moment où il est question de la création de l’Union pour la Méditerranée (encore une) il serait opportun de rappeler l’histoire d’une autre institution dont l’existence ne semble malheureusement pas remise en cause ; l’Alliance Atlantique ou l’OTAN. Mais auparavant une légère bifurcation est nécessaire.

En 1983, le Dr. Murad Wilfried Hoffman, diplomate allemand pendant près d’un demi-siècle (il fut notamment ambassadeur à Alger de 1987 à 1990), nota dans son journal un épisode qui eut lieu lors de la rencontre annuelle des musulmans germanophiles à Aachen. Durant les débats, un participant mit en doute la compatibilité de la position de Murad Hoffman, en tant que directeur de l’information de l’OTAN, avec ses convictions religieuses. Celui-ci ne se contenta pas de répondre personnellement à la personne qui l’interpella puisqu’il se justifia également plus tard par l’écrit suivant :

« Je ne vois cependant aucune difficulté à concilier les deux rôles »

Il ajouta par la suite :

« Pour préserver la chance de l’Occident d’adhérer à l’Islam, il doit surtout être à l’abri de toute tentative soviétique imaginable d’expansion ou d’intimidation. Ce danger extérieur – danger qui se pose aussi au monde islamique – est neutralisé par l’Alliance Atlantique par des moyens politiques et militaires »

Ce qui semble étonnant c’est la confession ultérieure qui présente quelques contradictions avec les propos précédents :

« J’admets, d’ailleurs, que l’Union Soviétique, en tant qu’ancien centre du monde communiste, pose à l’Islam un problème idéologique moins grave que l’agnosticisme, le matérialisme et la technologie déchaînée de l’Occident (c’est un intellectuel européen qui parle). L’athéisme « scientifique » occidental avance presque inaperçu, à petits pas de chat (pour reprendre Robert Frost). Tandis que l’athéisme « scientifique » soviétique s’est vu imposé de force, par des divisions blindées de l’Armée Rouge, comme dernièrement en Afghanistan. »

Aujourd’hui, à l’orée du XXIe siècle, le partage du monde n’obéit plus à la bipolarité de la période de la guerre froide, ni à « l’équilibre de la terreur » conçu par l’hégémonie de l’ex-URSS et des Etats-Unis d’Amérique. Les instruments créés et utilisés à l’époque ne devraient plus avoir de raison d’être. Pourtant aujourd’hui encore, une institution désormais gauche (et maladroite) comme l’OTAN perdure malgré ses bavures répétées (Bosnie, Kosovo, Serbie, Afghanistan).

L’Axiome de l’Otan: 2 + 2 = 5

Dans un article récent (mai 2008) consacré à l’institution atlantique, le Dr. Saul Landau pose des questions assez pertinentes. Il relève que dans les débats télévisés qui ont lieu aux Etats-Unis lors des préliminaires, entre Hillary Clinton et Barak Obama, à aucun moment la question suivante n’est venue à l’esprit des modérateurs :

Pourquoi l’OTAN continue d’exister après le collapse de l’Union Soviétique, bien que ce soit un vestige de la Guerre froide ?

Ce qu’il faut savoir c’est que l’OTAN est une alliance militaire créée à l’initiative de Washington en avril 1949. Le but principal était de contrer le pouvoir soviétique, et défendre l’Europe de l’Ouest contre une éventuelle invasion bolchevique. Pourtant dès les années cinquante, l’alliance en question, de plus en plus gourmande, étendit sa ‘juridiction’ jusqu’à inclure des pays comme le Canada, le Portugal, l’Italie, la Grèce et la Turquie.

En pratique, comment fonctionnait l’OTAN ?

Les bombardiers, chargés d’armement nucléaire et relevant du SAC (Strategic Air Command ou Commandement Stratégique Aérien) étaient en vol 24 heures sur 24 et ne faisaient demi-tour qu’une fois en vue des frontières soviétiques. Les bases de missiles intercontinentaux et les sous-marins nucléaires armés de missiles balistiques complétaient le schéma. Les soviétiques eux, n’ayant en contrepartie (à l’origine) que des bases de missiles.

Quelle fut la réaction des Soviétiques ?

En 1954, les soviétiques inquiets du développement de l’OTAN proposent de joindre l’alliance afin de dissiper les craintes d’invasion (injustifiées) dont on les accuse. Au lieu d’accepter cette offre les dirigeants de l’OTAN y ajoute l’Allemagne Fédérale (jusque là tenue à l’écart). Devant une telle obstination les soviétiques créent le Pacte de Varsovie en 1955, alliance regroupant les états ‘satellites’ est européens. Cette dernière sera l’antagoniste de l’OTAN pendant plusieurs décennies avant d’être dissoute, en 1990, suite au démembrement du bloc de l’Est.

Le post soviétisme rendra-t-il l’OTAN obsolète ?

L’implosion de l’URSS dévoila au monde la troublante ossature d’un empire déchu dont seuls subsistèrent les programmes militaire et spatial. L’économie et la culture, qui auraient pu contribuer à répandre ou même à maintenir l’influence des soviets ne faisaient plus le poids. Dans de telles circonstances il aurait été logique de voir la dissolution de l’OTAN et l’énorme budget militaire de cette organisation consacré à des causes plus urgentes, pas nécessairement d’ordre militaire. Le raisonnement logique n’étant pas le point fort d’institutions militaires, c’est le contraire qui s’est produit. Le dinosaure survécut à la guerre froide et anachroniquement intégra en son sein d’anciens membres du pacte de Varsovie, la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie. D’autres candidats tels que la Géorgie et l’Ukraine sont en salle d’attente.

Chevardnadze, ministre des Affaires étrangères de l’URSS aurait confié à son homologue américain suite aux réformes de la Perestroïka :

« Nous vous avons fait quelque chose de terrible, nous vous avons privé d’ennemi ».

L’officiel russe ne pouvait pas si bien dire, mais il comptait sans l’imagination des stratèges américains qui ont très vite remplacé le défunt ‘péril’ rouge par un ‘péril’ vert. On vit très vite apparaître le Clash des civilisations d’Huntington, secondé par d’autres ingénieuses théories qui pour gagner leurs lettres de noblesse avaient besoin de supports concrets en pratique. Il a fallu attendre l’opportunité résultant de l’attentat du 11 septembre ainsi que d’autres actions terroristes et la réaction en chaîne dans le monde pour ‘consolider’ aux yeux des nations les théories prônées par les adeptes de la confrontation des civilisations.

Il n’a jamais été question de dissoudre l’OTAN. Il a bien été question de temps à autre d’introduire des réformes mais :

Comment réformer les mécanismes de l’OTAN ?

Dans les récents meetings de l’OTAN, les rôles sont redistribués et l’Allemagne, considérée par le passé comme nation belliqueuse, au lieu de se limiter à des missions de maintien de la paix se retrouve désormais sur le front, pour contenir d’éventuelles menaces russe ou iranienne et participer à la guerre d’éradication des talibans, en Afghanistan.

Les leaders de l’OTAN, lors du dernier sommet de Bucarest (mars 2008), tentèrent de convaincre les dirigeants allemands du réel danger que représentait l’ennemi. La Wehrmacht étant considérée comme n’ayant pas assumé pleinement sa part du fardeau en Afghanistan. La responsabilité du conflit afghan reposant principalement sur les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Canada et la Hollande. L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les autres membres de l’OTAN ayant refusé d’envoyer leurs troupes sur le front.

« Ces “couards” ne comprennent-ils pas les objectifs de l’OTAN ? » s’exclama un délégué américain, il enchaîna, répondant à sa propre interrogation :

« Quelque soit notre cause, et en toute circonstances, nous ne pouvons pas agir seuls. Même Bush a appris la leçon contrairement aux néoconservateurs qui eux n’ont pas encore compris. »

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les leaders américains soupçonnaient l’Armée Rouge de vouloir lancer une attaque surprise contre l’Europe de l’Ouest. (Il était fort improbable de trouver dans les médias officiels de l’époque les chiffres dramatiques de la deuxième guerre mondiale, tel que les 20 millions de morts soviétiques, les 40 millions de blessés, la destruction de 200 majeurs cités, le problème du logement, le manque de nourriture et de bottes pour les troupes russes. Le péril rouge, contre toute évidence fut présenté comme l’axiome et la justification de la guerre froide, donc de l’impérative nécessité d’une organisation comme l’OTAN.

Aujourd’hui les alarmistes aux Etats-Unis insistent sur «l’apparition d’une puissante économique menaçante, la Chine, combinée à la résurgente Russie en Eurasie » et demandent pour contrecarrer le péril une « Alliance Amérique–Europe » (voir Robert Kaplan, New York Times 27 mars 2008). C’est comme si les intellectuels « s’en va t’en guerre » craignaient que la menace du terrorisme (agité jusque là comme épouvantail pour effrayer les occidentaux) ne durerait pas éternellement ou s’évanouirait sans crier gare, auquel cas il faudrait une véritable nation pour justifier la permanence militaire, économique et culturelle.

Pour le moment, l’OTAN sert comme force militaire internationale acceptable et sans sérieux concurrent, c’est également une agence de police internationale que les Etats-Unis manœuvrent selon leur bon vouloir, en les entraînant dans ses propres conflits. Pourtant les 26 membres ne se laissent pas divertir vers les sales affaires qui les mettraient dans des situations de confrontation directes, tel que les combats en Afghanistan et en Iraq. Washington prendra, comme de coutume le leadership militaire mais s’attendra à ce que les nations membres de l’OTAN achètent ses avions et son armement moderne, même si ceux-ci ne leur sont guère nécessaires. De plus tous les membres de l’OTAN sont d’une manière ou d’une autre présents en Afghanistan. Dans leur majorité ils ont dirigé leurs intérêts nationaux, bien justement, vers des questions importantes tels que le réchauffement de la planète et la maintenance de la stabilité économique de l’Europe.

Les européens restent intimidés par la puissance des USA, même si un sénateur italien (écologiste) se demande en quoi Saddam Hussein ou les Talibans peuvent présenter un danger à l’Europe. Au cas ou ces derniers, ou la théocratie iranienne alarment l’Europe, la meilleure réponse ne serait certainement pas le missile de défense sur lequel les leaders américains insistent tant.

Au début du mois d’avril dernier, Bush s’adressant à une assemblée formée de membres de l’OTAN, leur somme d’ajouter le Darfour à la liste des questions urgentes à traiter par l’OTAN.

« Ce n’est plus une alliance statique, concentrée sur la défense de l’Europe contre une invasion de blindés soviétiques » expliqua Bush. « C’est aujourd’hui une alliance expéditionnaire qui envoie ses forces dans le monde pour assurer un futur de liberté et de paix pour des millions de personnes. »

Un observateur français remarqua : « Il serait peut-être nécessaire que l’OTAN envoie un contingent pour aider à rebâtir la Nouvelle Orléans »

Alors que l’empire américain peine pour soutenir ses guerres en Iraq et en Afghanistan, des conflits qui saignent le Trésor publique, il est demandé à l’Europe de s’engager dans des escapades militaires similaires, à l’échelle planétaire.

Pensez donc à un monde où des forces européennes, canadiennes, australiennes et américaines s’opposeraient à des combattants des différents ‘Stans’, ainsi qu’en Palestine, au Congo, en Somalie, au Yemen et au Sri Lanka. Le terrorisme promet beaucoup plus de combats que ne le fit jamais le communisme. L’unique problème avec un tel scénario c’est l’opinion publique. En Europe celle-ci n’est pas aussi dupe pour accepter de tels plans.

Un journaliste américain William Pfaff conclut justement :

« L’opinion publique n’acceptera pas pour la bonne raison que l’effort n’est pas sérieux ». Il se base sur des fantaisies politiques, des contrevérités et des idées loin d’être mûries. C’est comme lorsque George Bush annonça dernièrement, que l’envoi de l’armée nationale à Basra par Nouri Maliki était « un moment décisif dans l’histoire de l’Irak libre », restaurant l’autorité du gouvernement central à Basra et la débarrassant des « éléments criminels ».

Le Professeur Landau termine son article par la conclusion suivante :

L’existence de l’Otan est devenue absurde après la Guerre froide. Le réchauffement de la planète et la pénurie de nourriture transcendent les antiques notions de sécurité associées aux armées, tout comme le budget militaire des USA. Il est temps de raviver l’avertissement d’un ancien anti-communiste :

« Nous devons nous prévenir contre l’acquisition d’une influence sans garantie, voulue ou pas, par un complexe industriel militaire. La possibilité d’une désastreuse ascension d’un pouvoir incontrôlé existe et persistera. Nous ne devons jamais permettre que le poids de cette combinaison puisse menacer nos libertés ou les processus démocratiques. Nous ne devons rien considérer comme acquis. Seul une citoyenneté alerte, éduquée et informée peut imposer l’interaction de l’énorme machinerie de défense, militaire et industrielle, avec nos méthodes et nos buts pacifiques, et cela afin que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble. »

Ces paroles d’Eisenhower doivent résonner très fort afin que les médias puissent répéter en certaines occasions son avertissement et offrir un antidote à leur vénéneuse fascination pour les drapeaux épinglés sur les cravates et le son du mot « amertume ».

Abdelkader Boutaleb
30 mai 2008

Un commentaire

  1. Citations.L’OTAN ou « l’impérilisme de la vertu
    Citations.

    « Les Américains ont délibérément mis la barre plus haut que ce que les Serbes pouvaient accepter . Ceux-ci ont besoin d’un peu de bombardements et c’est ce qu’ils auront ».

    Un collaborateur de Madeleine Albright à Rambouillet, cité par George Kenney

    1999.

    « Vous ne verrez jamais des pilotes de l’OTAN devant un tribunal de l’ONU. L’OTAN est l’accusateur, le procureur, le juge et l’exécuteur car c’est l’OTAN qui paie les factures. L’OTAN ne se soumet pas au droit international. Il est le droit international ».

    Lester Munson, parlementaire US

    1999.

    + Quelques uns des « commandements » pré-guerres :

    « Nous avons été contraints de faire la guerre »

     » Notre ennemi a le visage du diable »

    « Notre cause est noble »

    « Nos ennemis massacrent, nous commettons des bavures »

    « Les armes de l’ennemi sont interdites ». Vous avez dit Uranium Appauvri ? »

    « Les artistes et les intellectuels soutiennent notre cause ».

    « Ceux qui mettent en doute la propagande sont des traîtres ».

    Comme le disait Alfred Sauvy, « Sans information convenable, la souveraineté du peuple n’est qu’une commodité linguistique ».

    mesmar djeha.

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