Commentaire de l’article intitulé "Maroc – Algérie: la guerre inévitable ?", paru dans l’édition du quotidien Le Matin datée du 15 mars 2008

http://www.lematindz.net/news/maroc-algerie-la-guerre-inevitable-.html

Le Grand Maghreb, en tant qu’Institution politico-économique régionale est inconcevable sans la participation du Maroc ou de l’Algérie qui en constituent à tous points de vue, la colonne vertébrale. Et ce n’est nullement fortuit si depuis 1975 – c’est-à-dire à peine 3 ans après le règlement définitif des problèmes frontaliers entre l’Algérie et le Maroc –, la maudite affaire dite du Sahara Occidental semble avoir opportunément jailli, qui empoisonne depuis, les relations entre nos deux pays frères, sans que nos deux régimes politiques respectifs n’aient été capables à ce jour, de lui trouver le moindre début de solution. Ceci en ayant bien en mémoire l’échec patent, de la Mission des Nations Unies pour le Sahara Occidental – "MINURSO". Un échec qui a démontré une fois de plus, que ce genre de "gadget onusien" ne peut que reproduire à son échelle, l’impuissance structurelle de cette Organisation Internationale censée régler les problèmes du monde, mais qui reflète désormais en son sein aujourd’hui moins les rapports de Droit que les rapports de Force entre les Nations.

Voilà plus de 30 ans d’un conflit larvé, inauguré par deux tragiques confrontations armées "Amgala 1 et 2" avec leurs lots de morts, d’invalides et de prisonniers. Plus de 30 ans donc, que 30 millions d’Algériens et 30 millions de Marocains que tout semblait devoir rapprocher, se tournent le dos en se retrouvant orages des ambitions des uns, de l’obstination des autres et de l’impéritie de tous, tandis que des milliers de familles déchirées, d’une population estimée à plus de 250.000 sahraouis se retrouvent dispersées entre les trois zones formées respectivement par la partie annexée par le Maroc, la partie dite "libérée" par le Polisario, en deçà du fameux " Mur de Sable" édifié par le Maroc et les camps de réfugiés implantés en territoire algérien prés de Tindouf.

Citoyen algérien ordinaire et fier de l’être, né au Maroc où j’ai des dizaines de parents et d’amis de nationalité marocaine, je partage les terribles dégâts humains c’est-à-dire affectifs, causés par l’état de dégradation des relations et des liens entre nos deux pays. Des dégâts affectifs qui se lisent aisément dans les yeux de ces grand’mères harassées et de ces grands pères fourbus, – souvent sans grands moyens matériels –, déambulant tristement dans les halls des aérogares d’Alger ou de Casablanca obligés qu’ils sont, de prendre l’avion entre ces deux villes, parce qu’il leur est interdit de franchir par les voies ferroviaires ou terrestres, les quelques centaines – parfois les quelques dizaines – de kilomètres qui les séparent de l’être cher qui se trouve de l’autre coté de la frontière.

Il n’est dans mon propos ici, ni de disserter sur les tenants et aboutissants de ce conflit, ni sur les non-dits de ce conflit, qui relève manifestement de la traditionnelle politique occidentale de déstabilisation de nos régions où cette affaire du Sahara Occidental a toutes les apparences d’un cancer politique enfoncé comme un coin empoisonné entre nos deux pays. A plus forte raison je m’interdis de prendre parti pour telle thèse ou telle autre. Je laisse cela aux "politiques professionnels" dont l’incompétence n’a pas eu assez de trente ans pour trouver un règlement juste et intelligent à ce conflit… Ceci pour éviter de donner prise à toute une engeance de journalistes et autres chroniqueurs de la politique politicienne – et ils sont légion dans nos deux pays hélas ! – une engeance d’individus toujours prompts à faire montre d’un "patriotisme" à fleur de peau, surtout quand il est sans risque, c’est-à-dire quand il s’agit de cogner sur le pays frère. Mais un "patriotisme" qui se tapit promptement et honteusement dans le placard de la lâcheté et du silence, quand il s’agit de dénoncer les manoeuvres des puissances dominantes et de leurs lobbies, affiliés aux intérêts inséparable de l’alliance impérialo-sioniste.

C’est cela la triste vérité. Sinon, comment expliquer que de part et d’autre, nos gouvernants s’obstinent à maintenir cet état de glacis injuste et intolérable pour près de 70 millions d’Algériens et de Marocains ; un glacis qui est en train de saper et de gommer inexorablement, de la mémoire collective – en particulier de la mémoire des générations montantes –, les solides relations familiales, amicales, voire simplement humaines, qui se sont tissées entre nos deux peuples, tout au long d’une Histoire millénaire commune. Sans oublier de mentionner ici, pour ce qui est de l’Histoire récente, la solidarité totale du peuple marocain et l’incontestable soutien humain et matériel de ses gouvernants à l’Algérie combattante et à son peuple.

C’est assez dire que, hormis les intérêts étrangers nécessairement "déstabilisateurs" et hostiles à nos deux pays, aucune considération quelconque de stratégie ou de politique intérieure ne saurait moralement autoriser, ni les uns ni les autres, à continuer de prendre en otage, les immenses potentialités de développement de nos deux pays frères, amis et voisins que tout contribue à rapprocher : leur contiguïté géographique, leur complémentarité économique, leur communauté de civilisation. Et surtout leur communauté de destin, à un moment de l’Histoire où l’attitude de soutien inconditionnel des gouvernements occidentaux en faveur des crimes de l’Etat sioniste en Palestine, constitue plus qu’un message d’hostilité envers les pays arabo-musulmans.

C’est assez dire combien il est urgent pour la conscience citoyenne dans nos deux pays, de barrer la route aux tambours de guerre stipendiés, au service de cette véritable Croisade qui refuse de dire son nom ; une Croisade conduite par une alliance impérialo-sioniste, qui, malgré – ou à cause de – ses graves mises en échecs successifs en Afghanistan ou en Irak, en Palestine ou au Liban, semble vouloir étendre à l’ensemble de nos régions, le chaos du sang, des larmes et de la destruction pour asseoir sa domination et briser durablement l’essor de nos pays et leur aspiration à la paix et au progrès dans notre région.

Abdelkader Dehbi
15 mars 2008

Comments are closed.

Exit mobile version