La publication résolument provocatrice des caricatures associant la figure du Prophète Muhammad (et non point Mahomet!) à la violence et au terrorisme a soulevé et soulève encore les populations musulmanes à travers le monde. À cette réprobation de 1,4 milliard d'êtres humains, certains répondent que la liberté d'expression est sacrée et constitue un des fondements de la culture occidentale contemporaine. Cette réponse appelle plusieurs remarques :

– Il y a une différence entre liberté d'expression et l'insulte et la diffamation. Cet amalgame volontairement entretenu entre les deux notions doit être dénoncé. La liberté d'expression ne donne pas droit à la liberté de l'insulte et de la provocation. Je ne pourrai penser que la culture occidentale puisse ériger l'insulte et la diffamation comme valeurs culturelles suprêmes à défendre, comme sembleraient nous le faire comprendre certaines personnalités culturelles et politiques !

– La liberté d'expression, faut-il le rappeler, n'est pas totale et sans limite. Il existe en effet des lois qui limitent son usage et qui punissent (à juste titre d'ailleurs) les propos xénophobes, racistes, antisémites, nazis… Oserait-on, sous couvert de liberté d'expression, appeler à la haine contre des peuples, des cultures ?

– La liberté d'expression ne saurait être sélective. Les journaux qui ont publié ces caricatures oseraient-ils publier d'autres qui dénigreraient la tuerie des Juifs en Europe durant la Seconde Guerre ou qui en limiteraient la gravité ? Et pourtant des livres ont été interdits, des universitaires ont été licenciés pour le seul tord de vouloir débattre historiquement et scientifiquement de certains aspects de la Seconde Guerre. Alors liberté pour certains et censure pour d'autres ?

Il n'y a pas plus irresponsable et dangereux que d'entretenir le sentiment d'injustice envers des peuples et des cultures différentes, notamment par l'utilisation de deux poids, deux mesures, comme nous le vivons actuellement sur beaucoup de problèmes internationaux.

Quant à la colère des Musulmans, elle est non seulement compréhensible, mais légitime et normale. Protéger la personne du Prophète et ses valeurs procède de l'obligation religieuse.

Offenser publiquement la valeur la plus sacrée après Dieu ne peut qu'engendrer ces réactions de colère. Pour les Musulmans, l'offense est la même, qu'elle ait visé le prophète Muhammad ou ses frères Jésus, Moïse, David, Abraham et les autres, qu'elle ait visé le Coran ou les Évangiles ou la Thora. La culture musulmane interdit l'insulte non seulement contre l'être humain, mais aussi contre les animaux, contre les phénomènes naturels, contre les idoles des animistes et contre le diable lui-même. L'Islam est une culture du respect de l'autre dans sa diversité, non une culture de l'insulte.

Ce qui a offensé les Musulmans, n'est pas tant la représentation du visage de Muhammad comme le prétendent certains, mais c'est l'association provocatrice et vulgaire de son visage à la terreur et à la violence. Faut-il le répéter, le prophète Muhammad représente le modèle suprême pour les croyants. Et ces caricatures ont visé ce symbole de manière délibérée.

Ensuite, associer le visage du Prophète à la violence et à la terreur, c'est aller trop vite en besogne et oublier l'histoire occidentale et sa propre terreur et son extrême brutalité à travers les siècles (massacre d'Indiens, pillage colonial, esclavage, 64 millions de victimes pour la seule deuxième guerre mondiale, deux cents milles morts en quelques secondes à Hiroshima) ! Alors faire des raccourcis contre l'histoire comme ont voulu le faire les caricatures incriminées ne reflète aucunement la réalité historique.

Enfin, faut-il souligner la gestion désastreuse, et irresponsable, de la crise de la part du premier ministre danois et son attitude arrogante et de défi, à la limite de l'insulte, qui a jeté de l'huile sur le feu.

Mostafa Brahami
Docteur en sciences économiques

Paru dans 24 Heures (Lausanne) du 6 février 2006
original: http://www.24heures.ch/vqhome/archives_2006/question_du_jour/Debat_caricatures_060206.html

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