A moins qu’il ne faille une fois de plus, malgré la limpidité de cette clause du traité, reposer l’éternelle question du “deux poids, deux mesures”, c’est-à-dire du caractère sélectif systématique et arbitraire, des attitudes adoptées par certaines grandes puissances face aux grands problèmes internationaux. Attitudes de complaisance, voire de complicité quand il s’agit, par exemple, d’Israël. Attitudes de fermeté, voire de déni de droit, dès lors qu’il s’agit d’un pays arabe ou musulman.

C’est pourquoi, et à la veille de ce qui ressemble fort au scénario dont l’acte I est déjà joué en Irak et dont l’acte II se situerait cette fois-ci en Iran, il s’agit pour les consciences libres de ce monde — et elles existent encore, Dieu merci, y compris et même surtout dans le monde occidental — de réagir.

De réagir pour dénoncer les diktats de cette espèce de nouveau directoire impérialiste mondial rampant qui prétend régenter la planète au nom d’on ne sait quelles “valeurs” jouant à sens unique.

De réagir pour dénoncer les desseins à peine voilés de G. W. Bush et de ses affidés de faire main basse par tous les moyens sur les réserves pétrolières du Proche et Moyen- Orient, qui représentent la majeure partie des réserves mondiales.

De réagir, enfin, en se posant en conscience les questions essentielles soulevées par cette nouvelle escalade orchestrée par les tenants de ce nouvel impérialisme en gestation.

Au nom de quelle conception dévoyée du droit international les États-Unis et leurs alliés occupent-ils l’Irak depuis près de trois ans au prétexte fallacieux de rechercher d’hypothétiques armes de destruction massive qui n’ont jamais été trouvées ainsi que l’ont certifié les rapports officiels des différentes missions d’experts internationaux, désignés par le Conseil de sécurité, sous la direction de Hans Blix ?

Au nom de quelle cécité morale la communauté internationale dans sa quasi totalité continue-t-elle, en revanche, depuis près d’un demi-siècle, de se faire complice de cette véritable conspiration du silence sur l’arsenal nucléaire — réel celui-là — détenu par Israël ? Un arsenal édifié avec l’aide des États-Unis et de la France en particulier et estimé aujourd’hui à plus de 200 ogives nucléaires “vectorisées” capables d’atteindre n’importe quelle capitale du monde arabe, y compris les capitales des pays du Maghreb.

Au nom de quel cynique mépris de l’intelligence des hommes veut-on faire accroire aujourd’hui à l’ensemble de l’opinion mondiale que la bombe iranienne — à supposer qu’elle existerait jamais un jour — serait-elle plus mortelle pour la paix du monde que les centaines de bombes israéliennes ?

De quelle légitimité morale les États-Unis pourraient-ils se prévaloir d’interdire à des pays souverains le droit d’accès à la recherche nucléaire — un droit reconnu par le Traité de non-prolifération — eux qui ont inutilement et cyniquement largué dès 1945, sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki, les premières bombes atomiques de l’histoire — faisant instantanément des centaines de milliers de morts parmi les populations civiles —, au moment même où le Japon s’effondrait militairement ?

Sur quelle légitimité juridique les États-Unis se sont-ils fondés — pour violer leurs propres engagements internationaux sur les armes interdites — en utilisant en Irak, en 1991 puis en 2003, ainsi qu’en Afghanistan, des armes tactiques à l’uranium appauvri qui ont fait des milliers de morts et des milliers de blessés, gravement irradiés et défigurés à vie ?

Voilà les vraies questions essentielles, en effet, qui vaillent aujourd’hui d’être posées à la conscience universelle.

Abdelkader Dehbi
Liberté, 17 janvier 2006

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