Comment peut-on rattraper ces petits détails qui nous échappent dans la vie si l’on ne sait pas éviter ce vice de l’indifférence? Cette indifférence qui détruit, mutile la conscience…, tue. Ces détails de la vie sont, bien sûr, la santé, la paix, la joie, l’amour, la compréhension, l’entente, la simplicité, etc. Certes, les orphelins de la sensibilité ne souffrent pas trop durant leur existence mais n’en restent pas moins pauvres en amour et en tolérance, regrettant beaucoup de choses à la fin de leurs jours. Mieux vaut être, paraît-il, sensible et souffrir chaque jour à petit feu que réserver le capital de ses indifférences pour le sprint final de la course, c’est-à-dire pour l’aigreur de la vieillesse! D’autant que «si la souffrance de la jeunesse est une fierté, celle de la vieillesse n’est, par contre, qu’un fardeau sur la conscience»! Ne dit-on pas, d’ailleurs, de certains personnes qu’elles sont encore jeunes malgré les cheveux blancs qui remplissent leurs têtes et les nombreuses années qu’elles ont derrière le dos? Le secret en est que celles-ci ont toujours su goûter à la souffrance, renouveler une énergie intérieure qui s’affaiblit au fil de l’âge ; entretenir en permanence une flamme de vitalité ; un élan de dynamisme ; voire une certaine «sensibilité cosmique», en communiquant avec leur cœur ; leur esprit ; leur corps ; la nature ; les autres ; le monde alentour… Sans cette salvatrice communion, quiconque se consumera vite de l’intérieur pour finir, la mort dans l’âme, en squelette insensible.«Li fa’tou we’qtou ma’y t’mâa fi waqt na’ss» (Celui qui n’a pas su profiter de son temps ne devrait jamais envier le temps des autres). La morale de cet adage populaire qu’on reprend souvent dans les rues d’Alger est pleine de leçons utiles pour le commun des mortels. Le temps est une valeur éphémère irremplaçable et la jeunesse une escale sur laquelle on ne revient plus, une fois, terminée. On dirait que le cycle existentiel de l’homme n’est qu’une roue libre, ne connaissant ni bornes ni frontières. C’est pourquoi, il ne peut être maîtrisé que par les graines de l’espérance «notre vie, écrit Anaïs Nin (1903-1977), est pour une grande part composée de rêves. Il faut les rattacher à l’action». Et l’action, c’est d’être exactement sensible aux subjectivités des autres, à leur écoute, en phase avec le monde avec lequel on interagit, et surtout en confrontation subtile avec la réalité. Si l’homme rêve, c’est parce que les multiples résistances qui ankylosent ses ambitions l’y forcent. Certaines de ces résistances-là relèvent de simples pudeurs enfantines quand on est en mal avec notre esprit. D’autres, en revanche, plus enfouies, plus complexes, plus malignes étouffent en nous la chaleur humaine.., ce carburant de la vie. Celle-ci ne deviendra vraiment intéressante que lorsqu’on s’y investit à fond. Sinon, elle ne sera, pour reprendre le mot de l’un de mes amis à l’humour noir qu’un projet que le train aurait quitté…

Kamal Guerroua
14 décembre 2016

Un commentaire

  1. RE: Ces petits détails de la vie qu’on néglige…
    J’adore!!
    Bravo

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