Difficile de trouver les mots justes pour qualifier cette brochette de prestigieux magistrats et juristes français, cosignataires d’une Tribune dans le journal Le Monde de ce Lundi 8 août 2016. En défense – disent-ils – des « droits » de centaines de leurs homologues turcs, qui se sont retrouvés en délicatesse vis-à-vis des autorités légitimes de leur pays – la Turquie – pour faits d’implication dans le coup d’Etat militaire avorté du 15 juillet dernier.

Une brochette de magistrats donc, qui s’est auto-constituée et auto-saisie, tel un véritable tribunal de cinq membres, présidé par le franco-israélien Robert Badinter – sioniste assumé, devant l’Eternel – et ci-devant président du Conseil constitutionnel français, assisté de quatre autres magistrats, représentant quasiment l’ensemble du corps de la magistrature française à travers – en particulier – les présidents des deux principaux syndicats d’icelui; l’un d’eux, l’USM de Mme Virginie Duval, affichant-même, avec une pointe acérée d’humour cynique : « majoritaire et apolitique », c’est dire un « Tribunal » autoproclamé qui ose déclarer sans justiciables, sans dossier, sans témoins et sans autres preuves que ses propres préjugés :

« Il ne s’agit pas de sauvegarder l’Etat de droit, comme on a pu le dire au lendemain du 15 juillet 2016. La lame de fond autoritaire qui sape les fondements des institutions depuis 2013 traduit la volonté du président turc de museler toute opposition. »

Comment s’étonner dès lors, de la malhonnêteté viscérale, de cette doxa intellectuelle parisienne, judéo-sioniste jusqu’à la moelle, et accessoirement chrétienne, qui ne craint rien. Même pas le ridicule. Même pas le discrédit moral. Même pas la forfaiture.

Mais là n’est pas le plus important. Tant il est vrai que nous sommes ici, en présence d’un exemple concret de cette malédiction – typiquement française – de l’indignation sélective, qui ne semble avoir épargné personne en France. Même pas cette frange des élites  politique et intellectuelle qu’est le corps judiciaire français, qu’on croyait, à tort, encore capable de décence – à défaut de probité – pour ne pas entrer dans la danse médiatique islamophobe, aux côtés des derviches-tourneurs nostalgiques des généraux kémalistes d’antan, contre le gouvernement turc légitime en place.

Un corps judiciaire français dont on n’a pas beaucoup entendu parler, quand les généraux putschistes algériens inféodés à la France, avaient perpétré le coup d’Etat du 11 janvier 1992 contre le pouvoir légitime et la volonté du peuple algérien, en engageant notre pays dans l’une des répressions les plus sanglantes de son histoire, avec son cortège de milliers d’exécutions extrajudiciaires, de milliers de disparitions forcées et de dizaines de milliers de détentions dans les camps du Sud, sciemment exposés aux radiations.

Ils avaient uniquement le tort d’être des « islamistes » ou des « mauvais votants ». Sans parler des massacres de quartiers entiers ou d’agglomérations suspectées de sympathies islamistes.

Et dire que M. Robert Badinter, en sa qualité de président du Conseil constitutionnel d’alors, était aux premières loges, pour savoir. Et même pour savoir ce que les autres ne savaient pas, c’est-à-dire l’implication du gouvernement de M. Mitterrand dans ce putsch.

Mais ça, c’est une autre affaire, dont on parlera sûrement un jour.

Abdelkader Dehbi
10 août 2016

Note du site Hoggar: Il s’agit d’une campagne orchestrée en Europe. 3 jours avant la parution de cette lettre, une autre pétition a été publiée dans la presse genevoise impliquant des « notables » suisses y compris un certain Jean Ziegler (voir ci-bas).

« Il faut sauver la démocratie en Turquie », estiment Robert Badinter et plusieurs magistrats

Le Monde
, 9 août 2016

Qu’on ne s’y trompe pas : la purge de l’institution judiciaire, de la fonction publique et des médias par le président Recep Tayyip Erdogan n’est pas une réponse à la tentative de coup d’Etat. Il ne s’agit pas de sauvegarder l’Etat de droit, comme on a pu le dire au lendemain du 15 juillet 2016. La lame de fond autoritaire qui sape les fondements des institutions depuis 2013 traduit la volonté du président turc de museler toute opposition. Les récentes révocations en cascade et les arrestations arbitraires s’inscrivent dans la dynamique de neutralisation des contre-pouvoirs à l’œuvre depuis plusieurs années.

Printemps 2013 : l’invalidation judiciaire du projet d’urbanisation du parc Gezi, à Istanbul, provoque la crispation des autorités politiques et conduit au remplacement de certains des juges, qui ont rendu la décision controversée. La même année, en décembre, la révélation d’affaires de corruption impliquant le parti au pouvoir sur fond de contrebande d’armes vers la Syrie justifie opportunément mutations d’office, suspensions, révocations de plus de 40 000 policiers, fonctionnaires et magistrats. Certains d’entre eux seront même placés en détention provisoire.

Octobre 2014 : le pouvoir exécutif décide cette fois de s’assurer de l’allégeance des membres du Haut Conseil des juges et procureurs turcs, l’équivalent de notre Conseil supérieur de la magistrature, compétent pour les nominations. Au terme d’élections savamment orchestrées par le biais de pressions et de promesses, le gouvernement d’Erdogan obtient un Haut Conseil à sa botte. Mars 2016 : le Haut Conseil suspend 680 magistrats au motif de leur appartenance à une « organisation parallèle », terme utilisé par le pouvoir pour désigner tous ceux qui osent une parole critique sur le régime. Il annonce qu’il en a identifié 5 000 autres. A la même date, l’association de magistrats démocrates Yarsav, qui alerte la communauté internationale sur l’aggravation de la mise au pas de la magistrature depuis plusieurs années, lance le « dernier SOS des juges turcs libres ». Elle est aujourd’hui dissoute et sa voix s’est tue.

Epuration

Depuis le 16 juillet, 1 125 associations et 19 syndicats ont également été dissous. Plus de 10 000 personnes ont été placées en garde à vue, et près de la moitié incarcérées. Parmi elles, des milliers de magistrats et avocats ont été arrêtés au seul motif de la présence de leurs noms sur une liste établie avant même la tentative de coup d’Etat, comme en témoigne la mention de personnes décédées et d’affectations obsolètes. Ils sont privés des droits les plus fondamentaux. Retenus pour des gardes à vue allant jusqu’à trente jours, ils n’ont ni connaissance des charges pesant sur eux, ni accès à un avocat, sous prétexte d’« ordonnances de confidentialité ». Quoi qu’il en soit, rares sont les avocats qui acceptent encore d’intervenir, tant ils subissent d’intimidations.

La démocratie turque n’en a pas fini avec ses heures sombres : une nouvelle liste de 2 000 magistrats « suspects » vient d’être établie, tandis que 340 nouveaux juges et procureurs inféodés au pouvoir ont été installés. Les victimes de l’épuration sont désormais privées, comme tous les citoyens turcs, de tout espoir de recours à une justice indépendante. Le gouvernement de la Turquie, pourtant membre du Conseil de l’Europe et signataire de la Convention européenne des droits de l’homme, piétine les principes démocratiques. Il est essentiel que dans toute l’Europe, des voix s’élèvent pour rappeler qu’ils sont notre socle commun suffisamment fort pour que, du fond de leurs geôles, nos amis turcs les entendent.

– Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel, ancien garde des sceaux
– Virginie Duval, présidente de l’Union syndicale des magistrats
– Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature
– Christophe Régnard, président de lʼAssociation européenne des magistrats
– Simone Gaboriau, membre du conseil dʼadministration de lʼassociation Magistrats européens pour la démocratie et les libertés

Source: http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/08/09/il-faut-sauver-la-democratie-en-turquie_4980084_3232.html#YbHAkoQ8rxxusHWq.99

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Agir face à Erdogan
Christophe Koessler, Le Courrier, Genève 5 août 2016

Un appel est lancé en Suisse romande pour exiger le retour à l’Etat de droit.

«Je suis choqué par l’absence de réactions marquantes en Suisse romande face à la situation en Turquie», explique Léo Kaneman, fondateur du Festival du film et forum international des droits humains (FIFDH) à Genève. L’homme a donc décidé de se lancer lui-même en rédigeant un «Appel pour le retour de l’Etat de droit en Turquie», déjà signé par plusieurs personnalités romandes: Jean Ziegler, qui siège aujourd’hui au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, Michel Bühler chanteur engagé, Carlo Sommaruga ex-président de la commission des Affaires étrangères du Conseil national, Manuel Tornare, ancien maire de Genève, et Géraldine Savary, Conseillère aux Etats.

Le texte déplore «les purges de masses disproportionnées» au sein de l’administration et des services publics, à la suite du Coup d’Etat manqué du 15 juillet dernier: «Le nombre total des individus chassés de leur fonction, interdits d’exercice ou même arrêtés, s’élève déjà à plus de 60 000 personnes, notamment des juges, des universitaires, des professeurs et recteurs, des journalistes, des fonctionnaires, des employés».

L’appel s’appuie sur les constats d’Amnesty international qui fait état des mauvais traitements infligés à de nombreux prisonniers: «Maintien de détenus dans des positions douloureuses, privation de nourriture et d’eau, injures, menaces et, ‘dans les cas les plus graves’, coups, tortures et viols». En tout plus de 10 000 personnes auraient été écroués depuis trois semaines.

Les signataires demandent à la Suisse d’exiger du président Erdogan le retour à l’Etat de droit, et au Conseil de l’Europe de suspendre la Turquie de ses institutions et de le rappeler à ses obligations internationales. Ils invitent les Comités de prévention de la torture de l’ONU et du Conseil de l’Europe à envoyer urgemment des observateurs dans les lieux de détention en Turquie.

Informations et signatures: l.kaneman@fifdh.ch

Source: http://www.lecourrier.ch/node/141348

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