Chers collègues putschistes,

On m’appelle le général Shalit Mezzar, je ne peux divulguer mon véritable nom car son Excellence  M. le Fauteuil Roulant a décidé que tout ancien général qui ouvre sa bouche en dehors des cabinets dentaires est passible de la cour martiale.

Je vous écris ces quelques lignes barbelées pour vous dire que j’ai suivi avec une immense peine votre misérable tentative de putsch, et croyez-moi, j’ai pleuré comme un môme devant tant d’incompétence.  Qu’ai-je vu ? Des avions balancer quelques pétards sur des bâtiments vides, des chars arrêtés par des civils couchés à même le sol, des soldats désarmés par des femmes et des adolescents…

Je vous jure que les choses se sont passées bien différemment quand j’étais aux « affaires » en Algérie. Tenez, en Octobre 1988, quand des jeunes putschistes ont voulu renverser notre démocratie naissante, je me souviens avoir donné des instructions ne souffrant aucune ambiguïté aux soldats pour mater la rébellion. Mes directives étaient bien entendu largement inspirées par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. D’abord j’ai dit à mes subordonnés que je n’avais plus de place dans mes prisons, et qu’il était hors de question de faire des prisonniers.  Ensuite je leur ai formellement interdit de tirer sur les manifestants de moins de 8 ans. Pour les autres, je leur ai demandé d’avoir du cœur et de viser la tête pour abréger les souffrances. Comble de la malchance pour les putschistes, je n’avais pas de balles en caoutchouc à disposition, on a donc dû tirer avec des balles explosives d’un excellent rapport qualité/prix.

En 1992, quand il devenait clair que le président démocratiquement élu par notre collège de généraux constituait une menace pour la démocratie, que devions-nous faire à votre avis? Envoyer un Mig bombarder une annexe vide à El Mouradia ? Vous rigolez ? Non : nous avons sagement invité le président à faire un discours sur l’économétrie néo-keynésienne dans un théâtre à Annaba.  Un garde du corps n’a pas apprécié l’argumentaire du président, et lui a vidé son chargeur dans le dos. Que voulez-vous, il ne faut jamais contrarier un garde du corps lourdement armé.

Il y a d’autres trucs que nous avons utilisés pour maintenir la paix et l’ordre dans le pays. Je cite pêle-mêle les massacres de populations rurales, les assassinats pédagogiques d’intellectuels, les carnages dans les prisons, etc. Enfin je peux vous envoyer notre catalogue maison, mais j’ai bien peur que ce ne soit à présent d’aucune utilité pour vous dans vos cellules sombres et humides.

Je serais de tout cœur avec vous si seulement j’avais un cœur. Bref, au fond de vos cachots, sachez, chers collègues,  qu’un homme seul est en mauvaise compagnie…

Mounir Sahraoui
25 juillet 2016

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