Dans son intervention du 23 novembre 2015 à l’Assemblée nationale, le député du FFS, Ahmed Betatache, assène des vérités que le régime aura, sans doute, du mal à digérer. En effet, avant d’axer sa prise de parole sur la loi de finances 2016, Ahmed Betatache se pose d’emblée la question que tous les Algériens devraient se poser : la légitimité du régime et, par ricochet, les institutions sur lesquelles il s’appuie ?

En tout état de cause, bien que les formes puissent s’apparenter à un régime démocratique, à travers notamment la tenue des élections, dans la réalité, ces représentations nationales ne sont autres que des courroies de transmission. « Nous sommes une chambre d’enregistrement des décisions prises dans des centres multiples à l’intérieur et à l’extérieur (du pays) », déclare-t-il amèrement.

Dans ces conditions, que doit attendre le citoyen d’un parlement censé contrôler l’action du gouvernement ? « Le citoyen algérien n’attend absolument rien de nous, car il sait pertinemment que ne nous possédons ni la hardiesse, ni le courage, ni l’efficacité pour jouer pleinement notre rôle », argue-t-il.

De toute évidence, cette façon habile de situer les responsabilités lui permet ensuite de commenter la nouvelle loi de finances 2016 en mettant le doigt là où ça fait mal. Car, cette loi, d’après lui, est avant tout une loi conçue pour une crise que le régime feigne d’ignorer. Bien que le point de départ soit la chute des recettes pétrolières, il n’en demeure pas moins que la gestion des affaires du pays n’a pas changé depuis l’indépendance.

Et pourtant, dit-il, dans les années 1980, l’Algérie a vécu la même crise et, du coup, elle aurait pu en tirer les leçons idoines. A présent, on doit reconnaître, assène-t-il, l’échec de « l’Etat » ou précisément ceux qui en sont à sa tête en vue de bâtir une économie fiable. D’ailleurs, cet exemple peut être aisément extrapolé à tous les domaines.

Hélas, en guise de toute réponse à la crise, le régime promet de faire face à la crise en mobilisant les réserves de change. Celles-ci s’élèvent, d’après Ahmed Betatache, à peu près à 23 mois d’importations. Comment compte-t-il importer l’essentiel de la consommation nationale et investir en même temps ces réserves en vue de diversifier l’économie nationale ? A-vrai-dire, cette mission est impossible dans la mesure où ce qui n’a pas été fait en un demi-siècle ne pourra pas être fait en moins de deux ans.

Par ailleurs, alors que dans tous les pays du monde les responsables sont sanctionnés pour leur échec, en Algérie, c’est le citoyen lambda qui paie le prix de l’incurie des dirigeants. Pire encore, le projet de loi de finances 2016 risque uniment d’aggraver la situation dans la mesure où les menus acquis sociaux risquent d’être emportés par la nouvelle politique libérale sauvage. Cette dernière nous rappelle, d’après lui, les heures sombres de notre histoire, en l’occurrence la domination coloniale.

Ainsi, bien que le pays dispose de moyens colossaux et des atouts extraordinaires, force est de reconnaître que l’Algérie a du mal à se détacher de ce modèle obsolète. « Pourquoi nous n’arrivons pas à sortir de ce modèle », se demande alors Ahmed Betatache ? Pour lui, ce choix est sciemment entretenu depuis 54 ans par les dirigeants. Est-ce que l’Algérie peut encore porter un tel immobilisme ? « Qu’ils partent et qu’ils laissent leurs places aux jeunes compétents », suggère-t-il. Et si les chefs ne veulent pas partir, il faudra que le peuple les y oblige.

Enfin, ce discours offensif marque-t-il la fin de la démarche du consensus national devant rassembler le pouvoir, l’opposition et la société civile ? Après le refus des partis du pouvoir de prendre part à la conférence de consensus national, celle-ci devrait certes se poursuivre, mais en se contentant, cette fois-ci, de réunir l’opposition et la société civile. Et c’est ce qu’on appelle le retour aux fondamentaux.

Boubekeur Aït Benali
24 novembre 2015

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