Le chef de l’Etat ne communique désormais avec le peuple algérien qu’avec des messages épistolaires. À l’occasion du dixième anniversaire de la promulgation de la loi sur la réconciliation nationale, le chef de l’État explique les enjeux de cette loi en termes d’intérêt national.

Bien que des familles des victimes ne voient en cette loi qu’un obstacle les empêchant de connaitre le sort des leurs, force est de reconnaître que le message présidentiel ne fait que confirmer cette thèse. À moins que le chef de l’État les intègre dans ce qu’il nomme « les proches des victimes du terrorisme abject et destructeur. »

Et si tel est le cas, le malentendu a encore de beaux jours devant lui. Car, ces familles penseraient plutôt à une autre violence, celle des forces de sécurité. En tout cas, alors qu’en dix ans l’exécutif a tout le temps nécessaire pour dissiper le quiproquo, cette commémoration ignore royalement ces familles.

Quoi qu’il en soit, malgré l’autosatisfaction du chef de l’État, lorsqu’il parle notamment « de ce choix salutaire vers lequel Allah a bien voulu guider nos pas », il n’en demeure pas moins que cette loi est insuffisante au moins sur un point : le rôle de la justice est uniment étouffé par l’exécutif.

En tout état de cause, bien que les violences du début des années 1990 soient derrière nous, le fait qu’un débat n’ait pas eu lieu entre les Algériens pour aplanir les différends, les ingrédients qui ont provoqué cette crise sont hélas présents. Il y a quelques jours seulement, le cas Madani Mezreg a suscité et suscite encore des débats houleux.

Personnellement, bien que je croie à la non-utilisation de l’Islam à des fins politiques –en effet, si une religion suscite l’adhésion des fidèles, il n’en est pas de même du projet politique. En plus, l’Algérie étant une République, cette question ne devrait même pas se poser –, il n’en reste pas moins que les droits politiques de chaque Algérien doivent être garantis.

En outre, alors que cette question est du ressort de la justice, pendant tout l’été, la presse s’est déchaînée pour dénier le droit à Madani Mezreg de créer son parti. À son tour, le chef de l’État précise enfin, dans son dernier message, « les limites qui doivent être respectées et sur lesquelles l’État sera intransigeant. »

Or, dans une République de droit, c’est uniquement à la justice qu’échoit le rôle de définir les droits de chacun. C’est à elle aussi de déterminer si les projets politiques défendus par les Algériens sont conformes à l’esprit de la République. Dans notre pays, force est de reconnaître que la presse et l’exécutif se substituent au pouvoir judiciaire. Et s’il doit y avoir un seul changement, c’est incontestablement vers le renforcement de ce dernier que les efforts doivent être concentrés.

Pour conclure, il va de soi que la loi sur la réconciliation nationale comporte des lacunes. Pour éviter le scénario des années 1990, il faudrait que le citoyen ait confiance en ses dirigeants. Une méfiance de sa part signifie une adhésion aux idées extrémistes. Du coup, la seule question qui mérite d’être posée est la suivante : depuis 1992, est-ce que le régime a fait des efforts pour que sa gestion soit exemplaire en associant autant que faire se peut le citoyen ? La réponse est évidemment non.

Boubekeur Aït Benali
2 octobre 2015

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