L’histoire du FFS s’inscrit indubitablement dans la continuité du mouvement national. Bien que ses détracteurs parlent du plan insurrectionnel voire de sa velléité de déstabiliser la jeune nation, il n’en reste pas moins que la révolte était avant tout une réaction à la dérive révolutionnaire, orchestrée habilement par les vainqueurs de la crise de l’été 1962, à leur tête Ben Bella et Boumediene.

D’ailleurs, la promesse des hommes de novembre 1954 n’est-elle pas de mettre fin à toute forme de sujétion et de bâtir, par la même occasion, les institutions démocratiques ? « Au lieu de cela, le pouvoir en place mène une politique de plus en plus autoritaire et répressive pour consolider l’Etat-FLN », écrit Hocine Aït Ahmed, dans « l’affaire Ali Mécili ».

De toute évidence, bien que l’exécutif ait tous les pouvoirs en sa possession, il cherche tout de même à réduire au silence le seul espace de débat encore autorisé : l’Assemblée nationale constituante. Pour Hocine Aït Ahmed, cette humiliation de trop ne peut être avalisée. En fait, à partir du moment où l’Assemblée est dessaisie « de ce qui était sa raison d’être : donner une constitution au pays », il n’est plus possible de mener le combat à l’intérieur des institutions.

Toutefois, malgré la déception, il n’est pas question, pour Hocine Aït Ahmed, de recourir à la violence. Et c’est pour cette raison qu’il ne soutient pas l’initiative de l’UDRS (union pour la défense de la révolution socialiste), créée par Karim Belkacem, Mohand Oulhadj, Ali Yahia Abdenour, etc. « Je me sentais pris pour ma part entre deux mâchoires d’une tenaille : la violence étatique, qui ne laissait aucune marge au débat politique ou au dialogue, et le coup de force programmé de l’UDRS », argue-t-il.

En tout cas, pour les fondateurs de l’UDRS, leur plan consiste à renverser le régime tout en s’interdisant de ne mener aucune action en Kabylie. C’est comme s’il appartient à un seul groupe de définir le lieu du combat. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le temps va leur donner tort. En outre, à l’examen des forces en présence, quel que soit le lieu de combat, il est évident que VIIème région militaire (ex-wilaya III) ne fait pas le poids face à la puissance de feu de l’armée, commandée par Houari Boumediene.

Pour Hocine Aït Ahmed, s’il n’agissait pas trop vite, la situation risquerait de prendre une tournure plus dramatique. « Le 1er juillet 1963, deux jours avant l’échéance fatidique, j’avais une explication houleuse avec le colonel Ouelhadj à Ain-El-Hammam (ex-Michelet), où je m’étais replié. Je réussissais à stopper net les opérations décidées par l’UDRS. La déclaration que j’avais remise aux agences et aux journaux m’y avait aidé : virulente dans la forme, elle condamnait quant au fond tout recours à la violence », note-t-il.

La suite des événements va donner raison à Hocine Aït Ahmed. Alors que l’essence du FFS est pacifique, les troupes de l’ANP quadrillent la région au lendemain de sa proclamation. Leur offensive fera presque 400 morts et des milliers de blessés. Quant aux fondateurs de l’UDRS, prônant, rappelons-nous en juin 1963, le renversement du régime par la violence, ses membres les plus virulents vont rejoindre le régime avec armes et bagages. Deux d’entre eux seront des piliers du régime de Boumediene. Il s’agit d’Ali Yahia Abdenour et de Mohand Oulhadj. Comme quoi les agitateurs ne sont pas forcément les plus convaincus pour mener le combat démocratique.

Pour conclure, il va de soi que la réussite du projet politique de Hocine Aït Ahmed nécessite une adhésion populaire sans ambages. Hélas, après une guerre éprouvante de 8 ans, les Algériens n’avaient pas assez de force en vue de continuer le combat –cette fois-ci pour l’instauration de la démocratie. Erreur fatale, car la dictature s’épanouit lorsque les forces vives de la nation cessent de se battre pacifiquement.

Résultat des courses : le pays dépend, 53 ans après son indépendance, des importations pour survivre. Politiquement, le pays est entre les mains de ceux qui veillent sur la pérennité du système et non pour le développement du pays. Leur refus de dialoguer avec l’opposition –la proposition du FFS de dialogue sans exclusive en vue de parvenir à un consensus national n’a pas trouvé d’écho favorable –renseigne, si besoin se fait sentir, sur le verrouillage du système.

Boubekeur Aït Benali
26 septembre 2015

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