Les changements intervenus à la tête du DRS nous rappellent les moments difficiles que l’Algérie a vécus lors des déchirements du mouvement nationaliste en 1953-1954 et ensuite après son indépendance. Bien que les enjeux soient propres à chaque période, il n’en reste pas moins que ces crises ont un dénominateur commun : le mouvement nationaliste ou le clan le plus fort du régime « éclate, mais pour se réformer autour de son noyau le plus centralisateur et le plus autoritaire », pour reprendre l’expression de Mohamed Harbi, dans « le FLN, mirage et réalité ».

En effet, la lutte de leadership au sein du PPA-MTLD (parti du peuple algérien-mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), opposant le comité central au président Messali, a failli remettre en cause le projet indépendantiste. L’implication des durs du parti, en l’occurrence les militants de l’OS –branche militaire du parti – a fini par écarter les deux factions. Ce qui a fait dire à Messali Hadj que « l’absolutisme bureaucratique en Algérie est né le 1er novembre 1954 avec le FLN », note l’éminent historien.

Cela étant dit, malgré les défauts et les carences du mouvement de libération, force est de reconnaître que le but assigné à leur action a été atteint. Hélas, vers la fin de la guerre, les rivalités entre les dirigeants apparaissent au grand jour. Et c’est au paroxysme de la crise que la réunification de l’armée des frontières se fait sous l’égide de Boumediene. En 1962, celle-ci s’impose en écartant le représentant légitime du peuple algérien, le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne). Et paradoxal que cela puisse paraître, les griefs que faisait Messali à l’encontre des anciens de l’OS en 1954 sont quasiment les mêmes que feront plus tard les Boudiaf, Krim, Ait Ahmed à l’égard de Boumediene.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette prise du pouvoir violente va garantir, pendant des décennies, la stabilité du régime. En dépit de l’éviction du « président » Ben Bella en 1965, on ne peut pas, pour autant,  parler de crise majeure au sein du régime. Ainsi, bien que des minis crises finissent par la mise à l’écart de certains dirigeants –le chef de l’État actuel a été écarté en 1979 –, jusqu’à la fin des années 1980, le régime demeure solide sur ses appuis. Grosso modo, il faut attendre la fin de l’année 1991 et le début de l’année 1992 pour que les éradicateurs de l’armée, à leur tête le général Toufik, sifflent la fin de la récréation démocratique.

Toutefois, depuis 2009, on assiste derechef à une lutte acharnée au sommet du pouvoir. Celle-ci s’achève, à en croire certains commentateurs –il faut dire que le parti pris de la presse algérienne pour le désormais ex-chef des services secrets fausse leurs analyses –, par la défaite du général Toufik. Dans le fond, la victoire de l’un ou de l’autre clan ne va rien changer à la situation du pays. En d’autres termes, la victoire du peuple algérien interviendra quand les rênes du pouvoir lui  auront été remises.

En somme, il va de soi que l’affrontement entre les deux clans ne sert en aucun cas l’intérêt du pays. Car, dans ces luttes, le vainqueur tient sa légitimité de sa victoire sur le clan rival. Dans ces conditions, le limogeage du général Toufik –l’homme qui a plombé la vie politique pendant un quart de siècle –ne change rien à la donne. À moins que le clan présidentiel décide de restituer le pouvoir au peuple. Hélas, cette hypothèse est peu probable. Du coup, tout reste à faire.

Boubekeur Aït Benali
18 septembre 2015

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