Ce jour-là, quand ils ont emprunté le chemin de la fuite
il s’était blotti, comme un oiseau, dans les bras de sa mère
Les couleurs du ciel étaient sourdes, étouffées
les collines sèches, les vallons marron, gris, couronnés…

Ses yeux de « petit » voyaient au loin
autre chose qu’une mort, un linceul, une guerre ou des charniers
Mais ses oreilles n’entendaient qu’un seul cri,
celui du passeur : »allez-y »!

C’était l’hiver dans les cœurs, la peur, les cigales se sont tues
Les alouettes, tristes, dispersées aux quatre coins d’une nature désolée
Personne n’arrive à comprendre d’où venaient cette chape-là de mélancolie,
ces visages hagards,
ces humeurs stressées
ces mines défaites
disparus dans la brume matinale

Sauf sa mère qui, elle, pleurait
pleurait, pleurait, pleurait
et les chuchotements taquins de la brise
qui trayaient dans les pis d’un espoir sans filet
un hymne à l’amour et à la paix

Et les vagues mousseuses qui ronflaient
et la mer qui hurlait
la bêtise des maîtres honnis
qui ne maîtrisent que l’art-bidon de réprimer

Ils étaient partis, tôt, sur les ailes de l’aventure
armés de leurs rêves naïfs en un ailleurs des possibles
avant que leur embarcation de fortune coule

Et l’âme de l’ange, rejetée par des ressacs houleux
n’entre dans le temple hideux du silence,
figée comme une statue de cire…

Que sa photo soit le portrait historique de leur déchéance
ceux-là qui nous ont bernés par leur traîtrise
Et d’autres, ceux de là-bas, qui brûlent nos maisons

Puis, construisent des barrières d’acier
comme pour se protéger de la gale
les desseins tout enveloppés d’hypocrisie
en chantant, quelle horreur, les vertus de la démocratie.

Kamal Guerroua
7 septembre 2015
Poème dédié à Aylan Kurdi

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