« L’Algérie est un legs précieux dont la préservation est la responsabilité de tous », extrait du message du chef de l’État à l’occasion de la journée du Moujahid.

Si l’exercice des droits citoyens avait été respecté depuis le recouvrement de la souveraineté, la responsabilité aurait été, dans ce cas, partagée. Or, en 53 ans d’indépendance, aucun dirigeant ne s’est soumis et ne se soumet au contrôle du peuple. Du coup, à chaque fois que le régime algérien se retrouve en difficulté, il reproche aux Algériens de ne pas faire assez.

Et c’est indubitablement à ce niveau que se situe le véritable malentendu. En effet, pour que le citoyen puisse être responsable, il faudra que les droits fondamentaux soient respectés. Or, quand il s’agit de déterminer la voie à suivre, le citoyen est systématiquement mis à l’écart. En règle générale, il est humilié à chaque fois qu’il tente de s’organiser.

Dans ce cas, le discours présidentiel reflète-t-il la réalité ? De toute évidence, si le rappel des deux dates historiques, en l’occurrence le 20 août 1955 et le 2O août 1956, peut-être partagé, il n’en est pas de même de la description faite de la gestion postindépendance. Bien que le régime invoque sans vergogne l’esprit de novembre 1954, il n’en reste pas moins que la mainmise sur les institutions est en contradiction avec cet esprit.

Car, si celui-ci avait pour but de briser les chaines de sujétion, les dirigeants successifs n’ont rien fait pour que ce rêve devienne une réalité palpable. Dans son ouvrage mythique, intitulé « les damnés de la terre », Frantz Fanon explique les blocages des pays décolonisés en expliquant que le chef indigène « entend se substituer » à l’ancien maître.

On comprend maintenant pourquoi des dirigeants algériens investissent leur argent –en l’absence d’une justice transparente, toutes les supputations sur la provenance de l’argent sont possibles –en métropole. Quant au citoyen lambda, il est exposé à toutes les restrictions dès que les recettes pétrolières ne sont en mesure de financer les menues distributions sociales.

Quoi qu’il en soit, bien que la libération du territoire soit une réalité incontestable, celle de l’individu reste à concrétiser, et ce, malgré le discours d’autosatisfaction du chef de l’État. Et si nous devons méditer « sur les facteurs de force de la révolution » et l’état du pays plus d’un demi-siècle après l’indépendance, il va de soi que les promesses de novembre sont restées au stade empirique.

Cela dit, est-ce que la situation est pour autant désespérée ? En dépit des difficultés, l’espoir n’est pas mort, comme dirait Hocine Ait Ahmed. Pour y arriver, il faudrait que la justice soit au-dessus des hommes et que la séparation des pouvoirs soit effective. En tout état de cause, tant qu’un ministre ne peut pas être auditionné lors d’un procès, à l’instar du procès sur l’autoroute Est-Ouest, le chemin restera encore long.

Pour conclure, il est évident que chaque Algérien est appelé à jouer un rôle pour que le sacrifice des meilleurs fils de l’Algérie ne soit pas vain. Pourquoi le citoyen ne joue-t-il pas alors son rôle, pourrait-on se demander ? La raison est toute simple : le régime empêche uniment les Algériens de participer à la vie politique de leur pays, sauf pour ceux qui applaudissent en lorgnant le retour d’ascenseur.

Dans ce cas, quelle recette peut-elle être employée pour resserrer les rangs, comme le suggère le chef de l’État ? Est-ce en suivant aveuglément les instructions ? Hélas, cette approche a montré ses limites. Du coup, il ne reste qu’une seule voie : le régime doit se reformer de fond en comble et permettre, par la même occasion, au peuple de reprendre les rênes du pouvoir, celles-là mêmes qu’il lui revenait de droit en 1962. C’est à ce moment-là que les chouhadas se reposeront enfin en étant fiers du devoir accompli.

Boubekeur Aït Benali
1 septembre 2015

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