Quatre ans après les révoltes nord-africaines, le bilan –et c’est le moins que l’on puisse dire – est plus que mitigé. En effet, seule la Tunisie a pu conduire sa transition démocratique jusqu’à son terme. En plus, avec le retour de Béji Cadi Esebsi, il n’est pas exclu que les pratiques de l’ancien régime refassent surface. Cela dit, malgré toutes les carences, ce petit pays est désormais le seul à avoir réussi là où les autres ont échoué. Mais, d’où vient cette exception nord-africaine ? Il faut admettre que la Tunisie ne constitue pas un enjeu stratégique. En fait, bien que ce peuple vaillant n’ait pas démérité, force est de reconnaitre que les puissances occidentales ne se livrent pas de batailles féroces pour le contrôle de ses richesses.

Sur le plan politique, jusqu’au mois de juillet 2013, on peut dresser le même constat sur l’Égypte. Mais, après le coup d’État militaire contre le président légitime, Mohamed Morsi, l’Égypte renoue avec son passé sombre. Et pourtant, comme l’écrit Alain Gresh, du 25 janvier 2011 au 3 juillet, la ferveur démocratique était au rendez-vous. Et pour cause ! « Pour la première fois depuis 1952, les Égyptiens ont participé de 2011-2013 à des scrutins législatifs et présidentiels ainsi qu’à des consultations référendaires dont les résultats n’ont pas été concoctés dans les bureaux du rais et de la sécurité d’État », écrit-il.

Quoi qu’il en soit, bien que certains analystes mettent en exergue le fait que les Frères musulmans soient incapables d’apporter les solutions idoines à la double crise, politique et économique, cela justifie-t-il la fin du processus démocratique ? Et s’ils doivent garder la même cohérence, pourquoi ces mêmes spécialistes ne posent pas la question de savoir quelles sont les améliorations palpables depuis 2013 ? À moins qu’ils veuillent cacher le soleil avec un tamis, les reproches, qui ont été avancés pour déposer Mohamed Morsi, sont toujours d’actualité.

Pire encore, le nouveau régime pénalise les Égyptiens en recourant en plus à une répression inouïe. Du coup, l’interrogation d’Alain Gresh, dans la conclusion de sa formidable contribution, de savoir comment « sortir du dilemme auquel on veut condamner le monde arabe entre dictature militaire et dictature islamiste », ne peut avoir de solution définitive que lorsque deux conditions seront réunies : la fin du soutien occidental aux régimes archaïques au nom de la raison d’État et, sur le plan intérieur, l’acceptation du choix du peuple, et ce, qu’il soit laïc, islamiste ou archaïque.

Pour conclure, il va de soi que les dérives postrévolutionnaires, en Lybie, en Syrie, au Yémen, en Égypte, n’incitent pas les autres pays à aller vers le changement. En Algérie, cet argument est devenu un leitmotiv. Et pourtant, le statu quo est tout autant mortifère. Mais, à choisir entre tous les modèles révolutionnaires explorés, celui de la Tunisie est le plus équilibré, et ce, dans la mesure où la majorité des forces politiques acceptent le jeu démocratique. Pour cela, faut-il que le verdict des urnes soit le seul choix déterminant?      

Boubekeur Ait Benali
1er mai 2015

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