Après une longue absence, le chef de l’État s’adresse enfin au peuple algérien. Alors que dans les pays où le peuple est réellement respecté le dialogue est quotidien, en Algérie, quand le chef de l’État parle, c’est pour qu’il s’en prenne aux citoyennes et aux citoyens qui ne pensent pas comme lui. Or, l’exercice de l’autorité ne signifie pas l’abus du pouvoir. En plus, son message est lu à partir de la ville de Ghardaïa, une ville meurtrie depuis longtemps par une violence tolérée par le régime. Et si le chef de l’État veut exercer son autorité, il devra agir en toute impartialité. Immanquablement, la communauté mozabite appréciera le geste.  

Cependant, bien que des doutes subsistent sur la capacité du chef de l’État à rédiger un aussi long message, cette sortie ne va pas aider à la décantation de la crise. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la teneur du discours tend à mettre de l’huile sur le feu. Bien que ses reproches à l’encontre d’une certaine pseudo-opposition –après avoir fait partie du régime, celle-ci se battrait pour avoir sa part du gâteau –soient fondés, s’il met ses menaces à exécution, ce sont les Algériens qui verront leur minuscule espace de liberté se rétrécir davantage. D’ailleurs, faut-il rappeler que depuis l’arrivée d’A. Bouteflika au pouvoir, cet espace de liberté se réduit telle une peau de chagrin.

Par ailleurs, s’il y a un volet qui étonne dans le message présidentiel, c’est bien évidemment son interpellation des citoyennes et des citoyens pour qu’ils l’aident à sauver la pérennité de l’État. On sait que cet appel va provoquer une agitation parmi la clientèle du régime. Malheureusement, c’est cette dernière que le chef de l’État associe à tort au peuple algérien dans globalité. Or, le vrai peuple –la majorité ou peu s’en faut –tourne le dos aux hommes politiques. Ainsi, en refusant de prendre part aux fausses élections organisées par le régime, il refuse aussi de répondre aux appels de l’opposition, y compris les appels de la fausse opposition, incarnée par la CNTLD.

Et pourtant, ce ne sont pas les initiatives qui manquent. Mais, force est de reconnaître que celle du FFS aurait pu créer les conditions d’une sortie de crise pacifique. Or, la pseudo-opposition la condamne sous prétexte de ne pas faire assez de place à la culture de coup d’État et le régime –par la voix de ses partis satellitaires –la rejette dans la mesure où elle met l’Algérie au cœur du débat. Résultat des courses : le statu quo va perdurer, et ce, au grand dam de l’Algérie.

Finalement, cette sortie du chef de l’État va renforcer la lecture extrémiste de la crise. Toutefois, à ce jeu, force est d’admettre que le dernier mot reviendra aux détendeurs du pouvoir. Cela dit, quand le chef de l’État affirme qu’il est un partisan de dialogue, il n’existe pas beaucoup d’Algériens qui y croient à cette allégation. Dans la pratique, il est tout sauf un homme de dialogue. En 16 ans de règne sans partage, il ne s’est jamais présenté devant le peuple pour lui rendre des comptes de son action. Or, un homme politique de dialogue, c’est celui qui admet les contre-pouvoirs et qui ne revendique aucun monopole de vérité. Hélas, en Algérie, à chaque moment de crise, les méthodes de l’été 1962 prennent le dessus sur le reste. À ce titre, A. Bouteflika ne déroge pas à la règle. Et l’histoire retiendra qu’il est l’homme qui a contribué grandement à l’enlisement de la crise politique.  

Boubekeur Ait Benali
22 mars 2015

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