Révoltée, je le suis. Je dénonce et je pleure face à ces actes barbares qui ravalent l’être humain à une bête immonde. Mais je ne suis pas Charlie.

Etre Charlie, c’est rajouter au meurtre l’injure d’une mémoire sélective qui plonge dans les oubliettes des centaines de milliers de victimes innocentes assassinées, souvent ensevelies en nombre dans des fosses communes dans un anonymat assourdissant ; ne permettant même pas aux leurs d’avoir un lieu de recueillement.

Oui je pleure.

Pleurons… en ce jour de manifestation partiale, ces milliers d’Algériens morts dans l’indifférence générale.

Pleurons nos morts doublement assassinés par la bête immonde et par l’aveuglement d’un monde insensible dans l’abjection la plus totale.
Dix ans d’horreur, de blessures et de maux indicibles.

Pleurons… ces bébés, ces enfants, ces femmes, ces hommes une fois de plus poignardés par un humanisme sélectif ; ajoutant à l’horreur la perfidie d’un indigne « qui tue qui ».

Pleurons ces martyrs d’une Algérie mille fois violée, humiliée, spoliée, meurtrie, incendiée dévastée, atteinte dans ses soubassements les plus profonds.

Pleurons… ces journalistes, ces professeurs, ces enseignants, ces élèves, ces médecins, ces artistes, ces corps constitués, ces petites gens, ces anonymes tués dans un huis clos imposé par un monde pervers. Une mise en quarantaine honteuse et indigne ajoutant à la blessure tous les sels de la terre pour en raviver la douleur.

Pleurons nos morts doublement bafoués par cet embargo imposé à leur pays lâchement mis au ban du monde et dont les SOS ne parvenaient pas à émouvoir la conscience de l’humanité.

Vomissons la position de ces grandes démocraties complices du massacre.

Vomissons la petitesse de leur jugement.

Vomissons leur choix d’être aux côtés de l’innommable, de l’injuste et de l’infâme.

Dénonçons leur soutien à ces hordes sauvages armées par leur soin pour mettre à feu et à sang tant de pays.

Crachons à la face de ceux qui tapis derrière la bête, œuvrent à la désinformation en apposant chaque fois aux crimes le mot Islam.

Crions notre colère face à l’hypocrisie des puissants de ce monde qui pratiquent le mensonge pour instrumentaliser des conflits.

Dénonçons leurs officines obscures où se décident les haines, les guerres et le crime.

Refusons l’injure qu’ils font à notre entendement quand ils exhibent un passeport, une fiole, une carte d’identité… pour justifier leurs forfaitures, leur implication dans le chaos et les plaies de ce monde.

Dénonçons leurs discours mensongers qui consistent à déshumaniser les hommes pour absoudre leurs crimes.

Dénonçons le diktat de ces médias qui discriminent les êtres jusque dans la mort, attisent la violence et la haine par la duplicité de leurs propos.

Dénonçons ces censeurs du monde qui veulent que la liberté soit définie par leurs seuls intérêts et par leur seule vision des choses et appliquent au gré de leurs fantaisie le 2 poids 2 mesures.

Refusons que les centaines de milliers de vies innocentes fauchées par leurs vaillants drones soient classées dans leurs statistiques macabres en dégâts collatéraux quand la mort d’un de leurs soldats tient en haleine leurs medias.

Dénonçons ces caisses de résonnance qui prennent le devoir d’informer pour le droit de glorifier le plus fort, au point de travestir les faits pour que « la raison du plus fort soit toujours la meilleure ». Que les pyromanes de tous bords ne jouent pas la candeur et l’effroi quand ils essuient un retour de flammes.

Affirmons haut et fort que l’Algérie que nous portons dans nos cœurs n’aurait jamais été présente à une marche aux côtés de représentants d’un Etat raciste, assassin et terroriste qui viole les droits de l’homme et les lois internationales dont il fait fi, sans risque de représailles. Une marche où sont brandis des slogans et des caricatures que ses valeurs réprouvent.

Pour conclure, je clame haut et fort ma fierté d’être musulmane.

L’Islam ne reconnait pas d’intermédiaire, il n’admet ni clergé ni tutelle.

Le Coran s’adresse à la conscience de l’homme qu’il juge dans sa singularité.

Il l’exhorte à faire le bien et à se transcender pour être meilleur.

Car le plus grand des jihads est celui qui fait triompher l’homme de ses propres démons.

Alors que les hommes quels qu’ils soient, assument leurs dérives sans y associer de religion.

Et si les puissants de ce monde veulent vraiment œuvrer pour la paix qu’ils commencent par :

Abroger ces lois iniques qui n’amènent au monde que misère et dévastation pour les plus démunis mais ne s’appliquent pas à eux.

Arrêter de prendre en otages des peuples entiers pour liquider leurs despotes dès lors qu’ils ne les servent plus.

Refuser d’appliquer une justice à géométrie variable en prouvant dans l’action qu’il n’y a pas un humanisme à deux vitesses.

Elargir à d’autres qu’eux les instances internationales dans l’esprit de la démocratie qu’ils nous opposent à chaque fois et qu’ils veulent appliquer à coup de bombardement aux quatre coins du monde.

Beaucoup diront certainement que ma réaction s’inscrit dans la théorie du complot.

Je répondrai que les faits de l’actualité sont têtus.

Et tant que les événements nous montrent que plus le mensonge est gros plus il est relayé.

Tant qu’il y a un racisme plus fort que d’autres, tant qu’il y a des Histoires plus sacrées que d’autres, tant que l’humour est permis pour certains et pas pour d’autres, tant que la liberté d’expression est manipulée par un curseur aux desseins inavoués, tant que l’information surfe sur la surenchère, le sensationnel et l’émotion au détriment des faits et de la raison ; alors je n’en penserai pas moins.

Une Algérienne musulmane parmi tant d’autres.

H. Sahli
18 janvier 2015

Un commentaire

  1. Emotion et lucidité
    Quelle magnifique cri lancé par une Algérienne musulmane!Elle revendique et le droit à l’émotion et à celui de la lucidité. A l’inverse du gouvernement français qui dans sa lutte sournoise contre l’Islam, à l’instar de la plupart des gouvernements occidentaux, manipule l’émotion et interdit la lucidité. Qui interdit l’explication la confondant volontairement avec la justification. Quelle paradoxe pour des caricaturistes libertaires se voulant anti-système se voir récupérés par ce même système. Au fond, ils sont tous deux proches pour prôner la liberté d’expression à condition qu’elle soit sélective. C’est pour cette raison que le gouvernement français a placé la manifestation qu’il a organisé sous le signe du soutien à un journal très contesté y compris dans de larges milieux en France et non sous le signe de la liberté d’expression pour tous dans le cadre de la loi.
    Cependant la lucidité revendiquée par madame Sahli ne doit pas s’appliquer uniquement aux non musulmans en guerre contre l’Islam. Elle a cité le cas de l’Algérie. Peut-on oublier que la désastreuse et pitoyable situation de ce pays est dû avant tout au système maffieux qui le tient à la gorge depuis 1962? Ce pouvoir incompétent et criminel n’a pas hésité à plonger le pays dans une guerre civile après le lamentable coup d’état militaire du 11 janvier 1992. Rien ne l’a arrêté pour continuer à piller l’Algérie, ni les tortures, ni les massacres à grand échelle ni les manipulations touchant même au sacré. As-t-on oublié par exemple ce groupe armé dont les membres se seraient soi-disant coupés l’index pour afficher leur rébellion contre Dieu et se faisaient appeler « les ghadiboun 3ala Allah » ( ceux qui sont mécontents contre Dieu. Comme la manipulation fut trop grossière, ils disparurent comme par « enchantement ».
    La lucidité oblige à réfuter le vocabulaire forgé par les officines de la guerre, comme actes barbares, bête immonde ou hordes sauvages, pour essayer de comprendre. Encore une fois, comprendre et non justifier.

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