L’Algérie entame la nouvelle année avec son lot d’incertitude. En effet, à la veille des fêtes de fin d’année 2014, tous les indicateurs économiques sont au rouge. En fait, il suffit que le prix du baril de pétrole chute pour que la stabilité du pays soit ébranlée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette dépendance du pays à la seule rente énergétique l’expose à une crise sans précédent. Car, si lors choc de pétrolier de 1985, l’Algérie comptait vingt millions d’habitants, en 2015, elle en compte le double.

Cependant, bien que le pays ait engrangé, les quinze dernières années, des recettes faramineuses capables de mettre le pays à l’abri, la gestion hasardeuse des affaires publiques va exposer les plus démunis à des difficultés plus accrues. Comme d’habitude, les plus faibles vont payer les pots cassés. Et surtout, il ne faut pas s’attendre à ce que le régime réduise les privilèges de sa clientèle, car c’est elle qui lui assure la pérennité. Faut-il déduire, dans ces conditions, que si la crise persiste, les Algériens ne seront pas logés à la même enseigne.

À moins que l’on soit crédule, cette règle subsiste depuis l’indépendance du pays. À chaque fois, ce sont les plus modestes qui trinquent. Cela dit, cette majorité silencieuse n’est pas non plus exempte de reproches. En effet, depuis plus de quinze ans, le peuple algérien est incapable de s’organiser. Bien que le régime phagocyte systématiquement les organisations autonomes, il n’en reste pas moins que les tentatives de prise en charge sont insuffisantes pour créer un contre-pouvoir. Résultat des courses : le pouvoir algérien dilapide insoucieusement les richesses nationales.

Néanmoins, tant que la rente est à un niveau haut, le régime peut distribuer des miettes en vue d’acheter la paix sociale. Et ce n’est pas un hasard si l’Algérie est passée à côté des changements intervenus en Afrique du Nord en 2011. Qu’en est-il lorsque les prix du pétrole dégringolent ? Dans cette situation, les Algériens sont uniment livrés à eux-mêmes. D’ailleurs, s’il y a un seul enseignement à tirer de cette crise, celui-ci peut se résumer comme ceci : l’incompétence des dirigeants. D’ailleurs, il est où le génie du chef de l’État, que les Sellal et Ben Younès disaient, en avril dernier, qu’il était plus intelligent que tous les Algériens réunis, pour nous sauver de la crise.

En tout cas, les Algériens n’y ont jamais cru à ce genre de déclaration dithyrambique. Ils savent que le seul intérêt qu’ont les dirigeants, c’est de maintenir leur mainmise sur le pays. D’ailleurs, les mesures qui sont prises à la veille du Nouvel An consistent à priver les faibles revenus de jouir des maigres avancées sociales. Alors que des entreprises import-import ne participent à aucun effort national, les décideurs s’en prennent aux jeunes chômeurs en gelant les recrutements dans le secteur public. Or, s’il y a des Algériens qui doivent payer les frais de la crise, il faudra lorgner du côté des décideurs qui ont gaspillé les richesses nationales. Hélas, à chaque fois que le régime est enrhumé, c’est le peuple algérien qui tousse.

Toutefois, jusqu’à quand les crises se répètent sans que les Algériens ne parviennent pas à unir leur force. Même si le spectre de la crise des années 80 ne risque pas de se produire dans l’immédiat, la société algérienne doit assumer ses responsabilités. D’ailleurs, à en croire les prévisionnistes, les réserves de change ne resteront pas longtemps au chaud si les prix du pétrole continuent de baisser. Le discours présidentiel du 31 décembre, selon lequel « l’Algérie traversera sans difficulté majeure les graves perturbations que connait le marché international des hydrocarbures », n’est qu’un leurre.

En tout état de cause, bien que l’échec soit collectif, le chef de l’État doit en assumer une grande part en s’accrochant contre vents et marées à son fauteuil. Et il faut vraiment être naïf pour croire au discours présidentiel. En effet, pendant quinze ans, l’Algérie a bénéficié d’une conjoncture financière très favorable. En engrangeant prés de 1000 milliards de dollars, le chef de l’État aurait pu engager les réformes nécessaires en vue de diversifier l’économie nationale. Hélas, c’est seulement maintenant qu’il songe « à construire une économie diversifiée. » Or,en quinze ans, il a découragé toutes les initiatives. La suppression de tous les contres pouvoirs en est le parfait exemple.

Aujourd’hui, les Algériens n’ont d’autres choix que d’invertir l’arène. En fait, ils doivent changer littéralement leur rapport à la politique. Car, quand le pays va mal, ce sont eux les premières victimes. Cela dit, il ne s’agit pas d’engager un bras de fer violent, mais d’exiger que leur voix soit entendue. De façon ordonnée, ils doivent inciter les décideurs à redéfinir les priorités nationales, à savoir le contrôle de l’exécutif, l’exigence d’une transparence concernant la dépense publique, etc.

Et, enfin, s’il y a un seul point sur lequel ils ne doivent pas transiger, c’est le rejet de l’homme providentiel. On sait ce que cela a couté à l’Algérie. Que le chef de l’État sache que l’Algérie n’a pas besoin de discours, mais d’un président issu de sa volonté. Enfin, à partir du moment où il est payé, il doit rendre des comptes. C’est à cette condition que l’Algérie pourra affronter les crises.   

Boubekeur Ait Benali
2 décembre 2014

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